La police de Londres a annoncé l’ouverture d’une enquête criminelle sur des allégations d’antisémitisme visant des membres du Parti travailliste.
L’enquête, annoncée vendredi, fait suite à des mois de calomnies par l’aile droite blairiste du parti traitant Jeremy Corbyn d’antisémite. L’enquête policière marque une escalade de la campagne de déstabilisation visant à renverser de manière antidémocratique le chef du parti, qui a été élu deux fois.
L’enquête policière porte toutes les caractéristiques d’un coup monté. Le 4 septembre, la commissaire de police de Londres Cressida Dick donna un entretien à la station de radio LBC de Londres dans le cadre d’une émission « Appelez la commissaire ». LBC lui a ensuite transmis un dossier contenant un rapport interne du parti travailliste citant 45 cas d’antisémitisme attribué à des membres du parti.
La LBC avait déjà transmis le dossier fuité à un ancien officier de police, Mark Chishty. Chishty aurait conclu que le dossier comprenait 17 cas qui auraient dû être signalés à la police justifiant une enquête, ainsi que quatre autres possibles crimes de haine raciale. C’est sur cette base douteuse qu’une enquête criminelle a été ouverte, traînant une nouvelle fois le nom de Corbyn dans la boue.
Cressida Dick a annoncé l’ouverture d’une enquête dans le programme « Aujourd’hui » de la BBC Radio 4, plutôt que lors d’une conférence de presse, échappant ainsi à tout questionnement public. Elle a déclaré : « Nous avons évalué des informations qui m’ont été transmises, chose inhabituelle, dans un studio de radio il y a environ deux mois. Nous enquêtons maintenant sur certaines de ces informations, car il semblerait qu’un crime ait pu être commis. Nous rentrerons en contact immédiatement avec le parquet et j’espère que nous pourrons résoudre ce problème très rapidement. »
L’enquête de la police londonienne a relancé la fausse campagne de la droite contre Corbyn sur le thème de l’antisémitisme, même si Dick a déclaré à la BBC que « nous n’allons pas enquêter sur le Parti travailliste ».
Comme dans toute la campagne calomnieuse contre Corbyn et ses partisans, menée par des fanatiques de droite, rien dans le dossier ne peut être pris pour argent comptant. Presque aucun contenu des documents qui ont fuité n’a été rendu public et pour certains éléments qui l’ont été, on ne dit pas si ces allégations d’antisémitisme avaient déjà été portées à l’attention du parti ou de la police, comme il conviendrait de le faire.
Un des cas cité par la presse semblerait avoir peu de rapport avec de préjugés anti-juifs, même si les accusations devaient se révéler bien fondées.
Selon certaines informations, un conseiller municipal du Parti travailliste en fonction aurait soumis un enfant à « dix ans d’enfer » et l’aurait qualifié de « gamin juif ». Le conseiller aurait poursuivi une fille « âgée de six ou sept ans » avec un déodorant, en disant qu’elle sentait le curry et l’a l’aurait appelée « singe au chocolat ». Le conseiller concerné, Jim Dempster, avait déjà été cité il y a huit mois dans des allégations faisant état de son passé de petit commerçant dans les années 1980 et 1990 et des propos tenus contre deux musulmans. Dempster nia avoir jamais tenus ces propos. Il était déjà suspendu du Parti travailliste pour avoir tenu des propos islamophobes au sujet du ministre des transports du Parti national écossais, Humza Yousa. Il remettait en cause son engagement envers la région en affirmant que « personne ne l’aurait vu » lors d’une visite « sous sa burqa ».
En dépit du fait que le dossier n’a pratiquement pas été mis à la disposition du public, un certain nombre de meneurs de la campagne contre Corbyn se sont précipités pour affirmer de manière calomnieuse qu’il représenterait une menace pour le peuple juif.
Joe Glasman est responsable des enquêtes politiques et gouvernementales de la Campagne contre l’antisémitisme, qui a le statut d’organisme caritatif, mais s’occupe presque exclusivement de mener une campagne politique contre Corbyn. Il a expliqué sa propre familiarité avec le document divulgué, affirmant : « Le dossier interne secret contient plus de 80 pages de haine antisémite de la part de membres du parti travailliste, y compris de nombreuses aveux de culpabilité, mais le parti travailliste a gardé le dossier secret et n’a même pas informé les députés juifs travaillistes directement menacés en son sein, bien que la police considère que les menaces contre leur sécurité sont si graves qu’elles méritent une protection spéciale policière. Il est tout à fait normal que la police ait ouvert une enquête criminelle qui, nous l’espérons, englobera à la fois les crimes de haine antisémites et la complicité du parti travailliste en dissimulant ses preuves. »
« Jeremy Corbyn est un antisémite », a-t-il ajouté, « dont la direction du parti, autrefois férocement antiraciste, est devenue institutionnellement antisémite et constitue une menace existentielle pour les Juifs britanniques. »
La blairiste Margaret Hodge, qui avait contribué au complot raté de la droite contre Corbyn en 2016 et a hurlé à son visage au Parlement plus tôt cette année qu’il était « un putain d’antisémite et un raciste », a déclaré que le parti travailliste aurait dû faire intervenir la police lui-même, ajoutant : « Pour moi, en tant que députée travailliste juive […] il y a un sentiment de peur qui rode et c’est pourquoi il est si important d’agir fermement de la part de la police et du parti. »
Le chef adjoint du parti travailliste, Tom Watson, a déclaré : « Je ne suis pas surpris » et a exprimé l’espoir que l’enquête de la police londonienne « ferait taire un très petit nombre de personnes qui pensent que l’antisémitisme n’existe pas dans mon parti ou dans d’autres partis. »
Au cours du week-end, la campagne sur ce prétendu antisémitisme a pris de l’ampleur avec le quotidien pro-conservateur Daily Express, intitulant un article : « Une conférence à Bruxelles se penchera sur LA QUESTION CLE de l’antisémitisme du parti travailliste », et que l’enquête serait au centre des discussions d’un événement organisé par l’Association juive européenne (EJA) demain.
Parmi les intervenants figurent Gideon Falter, homme d’affaires et président de la Campagne contre l’antisémitisme. Le député conservateur Matthew Offord et un journaliste du Sunday Express prendront la parole également. Des représentants de pays européens, dont la France, l’Allemagne, l’Italie, la Belgique, les Pays-Bas et la Hongrie, assisteront à l’événement. Dans tous ces pays, on assiste à une montée des mouvements d’extrême droite et antisémites. Le but des participants britanniques est d’assimiler faussement Corbyn et ses partisans avec des mouvements véritablement fascistes et antisémites.
Dans la période qui a précédé les élections générales de juin 2017, Falter fit de nombreuses déclarations diffamatoires anti-Corbyn, notamment celle du 5 avril 2017 selon laquelle « le parti travailliste d’aujourd’hui fait plus pour tourmenter les juifs et rendre l’antisémitisme acceptable que le BNP [Parti national britannique – fasciste] ne l’aurait jamais rêvé. Il est temps de l’abandonner. »
Les fanatiques pro-sionistes n’ont pu poursuivre leur campagne qu’en raison du refus de Corbyn et de ses principaux partisans de s’y opposer. Les conséquences de ce refus de relever le défi ont déjà eu un effet effrayant. À l’Université de Sheffield, l’Association des étudiants travaillistes (SLS) a réagi à l’annonce de la police londonienne en annulant un événement qu’elle devait organiser avec le député travailliste Chris Williamson.
Williamson est un partisan de premier plan de Corbyn et a précédemment occupé le poste de ministre fantôme des services d’urgences et anti-incendie. Il devait prendre la parole lors d’une réunion soutenue par l’organisation Stop The War (Arrêtez la guerre), intitulée « Pourquoi nous avons besoin d’un gouvernement anti-guerre ». Elle a été annulée jeudi dernier, la SLS ayant voté en faveur du report de l’événement « jusqu’à nouvel ordre […] jusqu’à ce que l’enquête en cours de la police de Scotland Yard sur les allégations d’antisémitisme soit résolue. »
L’annulation de l’événement est survenue après que l’Union des étudiants juifs ait ciblé Williamson comme un « antisémite » parce qu’il avait décrit les calomnies à l’encontre de Corbyn comme étant « un coup fourré » à « des fins politiques ». La décision de la SLS aurait été soutenue par des partisans de Momentum, le groupe pro-Corbyn constitué après son élection à la tête du parti, dont le dirigeant, Jon Lansman, a depuis joué un rôle déterminant dans la facilitation de la campagne sur l’antisémitisme contre Corbyn.
À lire aussi en anglais:
Retreat by Corbynites on anti-Semitism definition emboldens UK right wing
[6 Septembre 2018]
(Article paru en anglais le 5 novembre 2018)