La grève rotative des postiers s’est brièvement étendue à Montréal

La grève rotative déclenchée la semaine dernière par le Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (STTP) a touché Montréal mardi et la grande région de Montréal mercredi. Ce jour-là, d’autres grèves de 24 heures avaient lieu dans certaines villes en Ontario, sur l’Île-du-Prince-Édouard et en Colombie Britannique.

Les postiers sont en colère à cause du profond déclin qu’ils subissent dans leurs conditions de vie et de travail depuis des décennies, et en particulier depuis le contrat pourri signé par le STTP en 2011.

La «grève rotative» est conçue pour dissiper l’énergie combative des membres de la base, perturber le moins possible les activités et les profits du secteur privé, et éviter à tout prix une confrontation avec le gouvernement libéral pro-patronal soutenu par les syndicats. Elle épargne également le fonds de grève sur lequel sont assis les bureaucrates syndicaux, étant donné qu’il faut cinq jours de grèves consécutives pour que les travailleurs reçoivent un chèque de piquetage.

Hier après-midi le STTP annonçait une autre mesure futile de pression consistant à refuser tout travail supplémentaire pour protester contre les accidents de travail en forte hausse. Le président du syndicat Mike Palecek a déclaré de manière démagogique: «D'ici à ce que l'équipe de négociation de Postes Canada décide de s'attaquer à ces problèmes, nous allons les régler nous-mêmes».

En fait, le STTP et tout l’appareil syndical pro-capitaliste n’ont aucune intention de mobiliser tous les postiers, et de faire appel à l’ensemble des travailleurs qui font face aux mêmes attaques patronales, dans une contre-offensive ouvrière pour la défense des emplois et des conditions de travail de tous.

Alors que la grève des 6000 membres de la section locale de Montréal prenait fin mardi soir, une équipe du WSWS a recueilli des témoignages qui faisaient tous part de conditions de travail devenues insoutenables.

Une trieuse accompagnée d’un collègue

Une travailleuse dans le triage désirant demeurer anonyme a fait cette remarque: «Avant c’était plus équilibré, on ne parlait pas de surcharge comme aujourd’hui, il y en avait à Noël, mais ils engageaient plus de monde à ce moment». Maintenant «la charge de travail augmente de jour en jour, peu importe les périodes». Les départs à la retraite ne sont pas remplacés, a-t-elle ajouté.

Commentant la précarité croissante parmi les jeunes, elle a noté que chez Postes Canada, les jeunes sont souvent à 20 heures semaine, ce qui les force à avoir deux emplois. «Mais t’arrives pas à combiner tes deux jobs»! La travailleuse a expliqué qu’un travailleur qui refuse un quart de travail à Postes Canada, parce que les horaires à ses deux emplois ne concordent pas, peut être rapidement congédié. «Ne refuse pas une deuxième fois, sinon ça va être bye bye».

En discutant de la marchandisation des services publics, elle a dit: «On veut qu’il y ait un service. Aujourd’hui c’est l’argent, l’argent, l’argent : on ne parle plus de services».

Au lieu d’une campagne basée sur la défense des services publics contre le système du profit, le STTP demande à Postes Canada de s’aventurer dans le secteur des services bancaires postaux et d’être à l’affût d'autres occasions d'affaires à but lucratif.

En réponse à la question de savoir si les travailleurs avaient voté pour cela, un jeune travailleur employé depuis 2011 a dit que «c’est le syndicat qui a décidé les journées de grève rotative». Il était d’accord pour dire «que ce serait mieux une grève générale».

Marie et son partenaire

Deux autres travailleurs rencontrés sur les lignes de piquetage, Marie et son partenaire, ont discuté de la dégradation des conditions de vie, de la croissance des inégalités sociales et des luttes passées.

Faisant référence à la grève de 2011 et à la réponse sauvage du gouvernement conservateur malgré les efforts syndicaux pour restreindre et étouffer la lutte militante des membres de la base, Marie a dit: «Après quelques jours de grèves rotatives, ils nous ont mis en lockout. Ensuite, ils nous ont mis une loi spéciale alors qu’ils nous avaient forcé à sortir». Elle a continué en disant: «C’est sûr qu’ils veulent toujours en mettre plus dans leurs poches: sauf qu’à un moment donné, on a des familles à faire vivre».

Quant au partenaire de Marie, il avait le sentiment qu’on retourne dans les années 30-40. Natif de la Gaspésie, une région durement touchée par le chômage, il a fait référence, en approuvant, à son père qui lui avait dit que vous allez revivre les conditions qu’on avait quand nous, on était jeune, qu’il n’y aura plus que les riches et les pauvres sans classes moyennes entre les deux. Il a ajouté: «Il y a des limites, les gens vont finir par se révolter».

Les autres témoignages recueillis par le WSWS à Edmonton, Windsor, et Toronto, la semaine dernière démontrent que partout les postiers ont les mêmes griefs. Aux États-Unis, les postiers s’opposent aux plans de privatisation de l'administration Trump, tandis que début octobre, les travailleurs d’UPS rejetaient un contrat pour ensuite le voir ratifié par le syndicat malgré le vote des membres. En France, une factrice s’est suicidée la semaine dernière après avoir dénoncé le harcèlement patronal, ce qui continue à provoquer des grèves qui sont isolées par le syndicat.

Si les postiers et les travailleurs du monde entier font face aux mêmes conditions de plus en plus pénibles, c’est parce que ces conditions sont déterminées par la crise capitaliste mondiale. Mais les syndicats qui prétendent les représenter se plient aux moindres exigences du capital globalement mobile et gardent les travailleurs divisés entre différents pays, différentes régions, différentes villes, et différentes industries.

Pour aller de l’avant, les postiers en grève doivent prendre leur lutte en main en formant des comités de base indépendants des syndicats pro-capitalistes qui lanceront un large appel à toutes les sections de la classe ouvrière pour une lutte unifiée en défense des salaires, des emplois et des services publics.

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