Lors de la polémique autour du tabassage de manifestants pacifiques le 1er mai par un proche d’Emmanuel Macron, Alexandre Benalla, Jean-Luc Mélenchon s’est targué de ses liens avec la droite et les policiers critiques de Macron. «Quand il s’agit de protéger l’État et de faire respecter la norme républicaine, il y a une convergence avec la droite, je l’assume», a-t-il dit.
Ceci souligne l’importance des liens entre La France insoumise (LFI), l’alliance nationaliste et populiste dirigée par Mélenchon, et les forces de l’ordre. L’appareil de la police et du renseignement intérieur, ces bastions traditionnels de l’extrême-droite, sert à présent de vivier à LFI et de source de réflexion à ses dirigeants. Le blog de Mélenchon attire notamment l’attention du lecteur sur des responsables tels qu’Alexandre Langlois, qui ont participé à l’élaboration du programme sécuritaire de Mélenchon pour la présidentielle de 2017.
Ce dernier, chef du syndicat CGT-Police et membre du renseignement intérieur, fut applaudi dans un article de 2016 intitulé «Notre camarade policier» paru dans L’Humanité, le journal du Parti communiste français (PCF) stalinien. L’Humanité prétend que Langlois est proche des manifestants. Le journal le présente sans sourciller en flic qui défend les valeurs de la Déclaration des droits de l’Homme de 1789, parce qu’il serait critique du code déontologique rédigé par Manuel Valls en 2014, dans lequel le mot «République» a été remplacé par celui d’«intérêts nationaux».
Prétendre que la présence d’éléments comme Langlois ferait de la police un corps progressiste dans l’Etat est une imposture stalinienne. Sous l’état d’urgence instauré par le PS et Hollande, la police a joui de pouvoirs illimités, suspendant les droits démocratiques et réprimant les musulmans et les manifestations contre la loi El Khomri. D’ailleurs, le soutien pour la droite et surtout pour le néofascisme est bien plus répandu dans la police que le soutien platonique qu’apportent certains bonzes syndicaux à 1789.
C’est d’ailleurs ce qui ressort d’une examination du parcours de Langlois. Il est entré à la police aux frontières en 2007 où ses collègues lui ont conseillé de se syndiquer afin de trouver un poste plus intéressant, ce qu’il a fait en rejoignant le syndicat Alliance proche du FN. Affecté au renseignement territorial (ancien Renseignements généraux), il est chargé «de dialoguer avec les syndicalistes pour assurer la sécurité lors des manifestations».
En 2010, les ex-RG infiltraient les manifestations de travailleurs et de jeunes contre la réforme des retraites de Sarkozy pour jouer les casseurs, pour tenter de retourner l’opinion publique contre les manifestants. Le but du renseignement n’était pas de veiller à la sécurité républicaine des manifestants, comme le prétendent les staliniens. C’était bien d’organiser des provocations antidémocratiques contre des manifestants afin de faire passer l’austérité.
Les appareils syndicaux et leurs alliés politiques savaient très bien ce qui se passait. Quand Bernard Thibault de la CGT s’est plaint mollement de ces procédés, Mohamed Douane, le leader syndical de Synergie Officiers, lui a répondu sur France2: «Ces méthodes sont connues de tous les leaders politiques et syndicaux, et que certains feignent de l'ignorer et de s'en offusquer, cela est risible et pitoyable.»
C’est au contact de la CGT qu’il rencontre dans les manifestations que Langlois adhère à CGT police et aurait commencé à lire Marx et Aristote. Son rôle d’agent du renseignement ayant un peu lu Marx dans un appareil qui fliquait les manifestants le prédestinait à merveille pour une carrière dans la pseudo gauche populiste et petite bourgeoise autour de Mélenchon.
Il a continué sa carrière de policier en tant que bureaucrate CGT et puis en 2012 a rejoint le Parti de gauche (PG) nouvellement formé par Mélenchon en 2009. Les députés du Front de gauche – alliance composée du PG, du PCF et d’éléments du Nouveau parti anticapitaliste d’Olivier Besancenot – ont voté l’état d’urgence en 2015.
Comme le WSWS l’a souligné dans l’affaire Benalla, Mélenchon représente les intérêts non pas de la classe ouvrière, mais de sections de l’appareil policier et partidaire de la bourgeoisie française qui sont essentiellement hostiles aux travailleurs. C’est pour cela qu’en Grèce, les alliés de la France insoumise, le parti Syriza, continuent à mener une politique austéritaire et militariste alors qu’ils sont au pouvoir. Et Langlois fait siennes non pas les revendications des travailleurs, mais celles des forces de l’ordre qui attaquent les manifestants ouvriers.
Interviewé sur l’affaire Benalla par le site Boulevard Voltaire, Langlois approuve le rôle exorbitant de la police depuis 2015 et critique Macron pour avoir perdu la confiance des flics à cause de l’Affaire Benalla: «Cela ne fait que confirmer la perte de confiance totale et le profond mépris que monsieur Macron et son gouvernement montrent aux forces de l’ordre. Quand nous l’alertons sur des faux en écriture, des plaintes et des détournements de fonds sur les primes, il ne bouge pas. Lorsqu’on lui demande d’être reçu pour expliquer les problèmes de notre profession, il préfère recevoir Rihanna qui lui a envoyé un tweet.»
Langlois s’est plaint aussi que Macron met l’antiterrorisme ou encore la protection du Macron sous la tutelle de l’Elysée, non pas du ministère de l’Intérieur: «On a vraiment l’impression d’être pris pour des imbéciles. Le président de la République dispose d’un groupe spécialisé dédié à la sécurité du Président. Le GSPR est formé de policiers et de gendarmes triés sur le volet avec des formations et des qualifications très complètes. Il semble que ce ne soit pas suffisant pour monsieur Macron, qui préfère s’entourer de gardes du corps privés.»
Sur les manifestations de policier cagoulés fin 2016, Langlois s’est plaint des grosses primes des commissaires face à des policiers mal payés et mal équipés: «Les politiques en place nous disent qu’il n’y a plus d’argent, pour remplacer les véhicules, ou pire, pour acheter du savon dans les toilettes! Parce qu’ils aiment leur métier et par “conscience professionnelle”, les policiers paient de leurs poches pour avoir les moyens de travailler».
L’illusion véhiculée par LFI, que Langlois serait confronté au travail aux mêmes problèmes que les masses de travailleurs, est réactionnaire et fausse. Les plaintes sur les conditions de travail faites par Langlois reflètent plutôt la crainte de la classe dirigeante que le rempart policier contre la montée de l’opposition sociale en France et à travers l’Europe risque de céder, sur fond de conflits au sein de l’appareil d’Etat.
La conscience de classe la plus élémentaire dicte aux travailleurs une politique indépendante des représentants de l’appareil policier, qu’ils se posent ou non en forces «populistes» comme Mélenchon et Langlois.