Des négociations commerciales entre délégations américaines et chinoises auront lieu cette semaine à la veille de ce qui pourrait être une escalade majeure par Washington de sa guerre tarifaire contre Pékin. Des droits de douane de 25% sur 16 milliards de dollars de marchandises chinoises devraient entrer en vigueur jeudi et la Chine est prête à imposer des mesures de rétorsion sur une quantité équivalente de produits américains, portant à 50 milliards de dollars la valeur des biens touchés par les deux pays.
D'autres mesures sont en préparation alors que le Département américain du commerce tiendra des auditions publiques cette semaine sur une proposition visant à imposer des droits de douane pouvant atteindre 25% sur des produits chinois d'une valeur supplémentaire de 200 milliards de dollars. En réponse, Beijing a indiqué qu’il imposerait des mesures sur des produits américains d’une valeur de 66 milliards de dollars, ainsi que d’autres mesures de rétorsion non précisées à ce jour. Ces nouveaux impôts pourraient être en place le mois prochain ou début octobre.
Aucune autre proposition concrète visant à résoudre ce conflit grandissant n’est attendue des dernières discussions car les deux équipes de négociation sont des fonctionnaires de niveau inférieur qui n’ont pas le pouvoir de prendre de décisions finales.
La délégation chinoise, qui devrait être à Washington pendant deux jours, sera dirigée par Wang Shouwen, vice-ministre du Commerce, tandis que la délégation américaine sera dirigée par le sous-secrétaire au Trésor, David Malpass.
De précédentes délégations commerciales chinoises avaient été dirigées par le vice-Premier ministre Liu He. Mais Pékin a déclassé sa représentation après que Liu eut conclu un accord en mai dernier avec le secrétaire américain au Trésor Steven Mnuchin, pour augmenter de 100 milliards de dollars les importations chinoises vers les États-Unis ; l’accord fut supprimé par le Président Trump.
L'élément fondamental du conflit reste la demande formulée par les États-Unis dans leur déclaration de position soumise à Pékin en mai dernier, que la Chine non seulement réduise le déficit commercial, mais renonce aussi à son plan industriel et technologique « Made in China 2025 ".
Les États-Unis affirment que la Chine développe ce projet par le vol de droits de propriété intellectuelle, des transferts forcés de technologies et l’utilisation de subventions publiques pour les industries de haute technologie, leur donnant un avantage injuste sur les marchés mondiaux. Les principaux responsables de l'administration Trump, dont le représentant américain au Commerce Robert Lighthizer et le conseiller économique Peter Navarro, considèrent le développement technologique de la Chine comme une menace majeure pour la suprématie économique et en fin de compte militaire des États-Unis.
Si la Chine a accepté d’augmenter ses importations en provenance des États-Unis et de limiter les références officielles au «Made in China 2025», il existe une vive opposition à Pékin à ce qu'on considère être des efforts des États-Unis pour arrêter le développement économique de la Chine.
« L'administration Trump a clairement indiqué que contenir le développement de la Chine était la motivation profonde derrière les actions tarifaires », a déclaré à Bloomberg He Weiwen, un ancien ministre du Commerce. L'agence de presse a déclaré que ces vues ont été exprimées par de nombreux responsables gouvernementaux, anciens et actuels, et dirigeants d'entreprises parmi ceux qu’elle a interrogés.
Le Wall Street Journal a rapporté que le Trésor américain et le Conseil économique national, dirigé par Larry Kudlow, avaient préparé une liste de revendications globales pour la Chine qui, selon eux, pourraient constituer la base d’un accord commercial. Tant Mnuchin que Kudlow sont considérés comme favorables à des mesures visant à réduire le déficit commercial et qui pourraient être présentées comme une victoire pour les mesures de Trump. Mais, selon l'article, « le bureau du représentant américain au commerce, chargé des tarifs, souhaite retarder les négociations, arguant que des prélèvements supplémentaires donneraient aux États-Unis un plus grand pouvoir de négociation d'ici octobre ».
L’article indique que Trump n’a pas décidé sur lequel des deux camps s’appuyer et interviendra lorsqu'un accord serait sur la table. Mais cela ne viendra pas des pourparlers de cette semaine car aucune des parties n’a le pouvoir de le conclure.
En tout état de cause, l’administration se dirige vers des actions plus agressives contre la Chine. Après avoir annulé l'accord conclu en mai entre Mnchuin et Liu pour mettre « en suspens » la guerre commerciale, elle a imposé des droits de douane sur 50 milliards de dollars de marchandises. Trump a ensuite décidé que les tarifs proposés sur 200 milliards de dollars supplémentaires devraient être élevés de 10% à 25%.
Un tweet de Trump durant le week-end indique que de nouvelles mesures pourraient être envisagées et met en évidence la source sous-jacente du conflit politique qui sévit à Washington, poussé par l'appareil militaire et du renseignement, le Parti démocrate et des sections clés des médias pour une politique plus agressive envers la Russie.
« Tous les imbéciles qui se concentrent uniquement sur la Russie devraient commencer à regarder ailleurs, vers la Chine », a-t-il tweeté.
En plus de la menace de tarifs supplémentaires, les États-Unis ont clairement indiqué que la Chine, l'un des principaux marchés pour le pétrole iranien, devra faire face à des sanctions secondaires après la date butoir du 4 novembre imposée par les États-Unis pour l'arrêt d'achats de pétrole. Les Etats-Unis ont fait cette menace à la suite de leur retrait unilatéral de l'accord nucléaire iranien de 2015.
Interrogé sur les plans des Etats-Unis si la Chine insiste pour continuer son commerce pétrolier et de matières premières avec l’Iran, Brian Hook, chef du nouveau Groupe d’action iranien au Département d’État américain, a déclaré: « Les États-Unis s'attendent à ce que toutes les nations se conforment pleinement pour ne pas risquer des sanctions secondaires si elles continuent à effectuer ces transactions ».
Depuis l’imposition des premiers tarifs douaniers américains à la Chine le 6 juillet, la monnaie et les marchés boursiers chinois ont subi des baisses importantes. L'indice de référence des 50 plus grandes entreprises sur les marchés de Shanghai et de Shenzhen est en baisse de 15% et le yuan a baissé de près de 7% par rapport au dollar américain.
On s'inquiète maintenant du fait que les tarifs existants et la menace de nouvelles mesures pourraient commencer à avoir un impact sur l'économie en général. Au cours du week-end, le régulateur bancaire chinois a ordonné aux banques de soutenir des projets d’infrastructure et d’exportation. Il a déclaré que les banques devaient proposer un soutien aux entreprises et aux projets confrontés à des « difficultés temporaires » et qu'elles devraient « promouvoir efficacement la stabilité de l'emploi et la stabilisation des échanges et des investissements ».
Un problème majeur pour le gouvernement chinois est qu’il n’a pas une idée claire de ce que le gouvernement américain a l’intention de faire ensuite. Personne n’espère un résultat positif des discussions de cette semaine à Washington, et une source proche des décideurs de Beijing a déclaré au Financial Times: « Les responsables chinois sont inquiets parce qu’ils ne voient pas où cela mènera à la fin ».