Un avocat de l'ex-chef de Fiat Chrysler déclare au tribunal que la corruption de l'UAW est bien antérieure à 2009

Les avocats de l’ancien PDG de Fiat Chrysler Alphons Iacobelli, ont dit lundi dans un mémorandum portant sur la détermination des peines [pour solliciter l’indulgence des juges] que le complot pour influencer les négociations contractuelles en détournant des fonds vers les responsables syndicaux de l’ UAW (United Auto Workers) provenant de la caisse du Centre de Formation UAW-Chrysler (NTC) remontait à bien avant celle retenue par le procureur.

Iacobelli a conclu un plaidoyer négocié en janvier où il a admis avoir versé plus de 1,5 million de dollars aux responsables de l'UAW pour obtenir des termes favorables lors des négociations contractuelles avec le syndicat. Le PDG de Fiat Chrysler a plaidé coupable à un chef d’accusation de complot pour violation du Code du travail, qui interdit les paiements effectués par des entreprises à des dirigeants syndicaux. Il a également plaidé coupable à un chef d'accusation de fausse déclaration de revenus.

David DuMouchel, avocat de la défense, écrit dans ce mémorandum dont une partie est expurgée: « La période de début de cet acte d’accusation est janvier 2009. Cependant, la réalité est que le complot en question a commencé bien avant. M. Iacobelli s'est joint à un complot déjà en cours. Les pratiques et la corruption au centre de cette affaire ont commencé bien avant M. Iacobelli. »

DuMouchel suggère que tout le NTC (Centre national de formation) était une caisse bien fournie où le syndicat allait à la soupe: «Le financement du NTC était assuré par la FCA […] La caisse du NTC est très grosse – et la supervision n’était pas été très efficace. Les responsables du NTC et les membres du Joint Activities Board [Conseil des œuvres conjointes] (certains d’entre eux) avaient ... leurs propres organisations caritatives privées, etc. Ils avaient des cartes de crédit émises par la NTC. Ils avaient accès à de grosses sommes d’argent, et ils (encore une fois, certains, pas tous) ont détourné des fonds à des fins personnelles. Certains représentants du syndicat et de l'entreprise l'ont fait pendant des années. »

Ces affirmations remettent en cause non seulement les accords salariaux récents, mais aussi les accords antérieurs des syndicats remontant à des décennies où les Centres de formation conjoints et autres structures de cogestion syndicale-patronale furent introduits pour réprimer les grèves et autres résistances ouvrières aux attaques patronales.

Pendant cette période, l'UAW a accepté des licenciements de masse et abandonné des acquis, imposant réductions de salaires et des prestations de santé, heures supplémentaires obligatoires, salaires à plusieurs vitesses, élimination des ajustements au coût de la vie, l’utilisation abusive d’intérimaires et fin des retraites pour les nouveaux embauchés.

Les révélations en cours dans le scandale de corruption de l'UAW confirment ce que le World Socialist Web Site et le Parti de l'égalité socialiste soutiennent depuis longtemps: l'UAW a cessé, et cela il y a des décennies, d'être une organisation ouvrière. C'est un instrument corrompu du patronat, un appareil pour la répression de la classe ouvrière. Au cours des quatre dernières décennies, l'UAW a présidé à la destruction de centaines de milliers d'emplois et à une série interminable d’abandon d’acquis durement arrachés par les générations précédentes.

À la base de la corruption odieuse de l'UAW et de sa trahison des travailleurs de l'automobile, il y a son soutien au capitalisme et son nationalisme. Il a imposé ce programme de droite en subordonnant les travailleurs au Parti démocrate pro-patronat, en s'opposant à un mouvement politique indépendant de la classe ouvrière et à l'unité des travailleurs américains avec leurs frères et sœurs de classe au Mexique, au Canada, en Europe et dans le monde.

Depuis que scandale des pots-de-vin a été éventé en juillet 2017, des poursuites pénales ont été engagées contre sept personnes, dont Nancy Johnson, l'assistante principale de l'ancien vice-président de l'UAW, Norwood Jewell. Quatre des huit membres de l'équipe de négociation de l'UAW qui ont négocié l’accord salarial au rabais de 2015 ont été inculpés ou impliqués dans le scandale.

Comme le confirme le mémorandum Iacobelli, il ne s'agit que de la partie immergée de l'iceberg. L’UAW et Fiat Chrysler, et pas seulement des individus, ont été cités par des procureurs fédéraux comme des conjurés non accusés dans le cadre de l’affaire, et l’enquête a été étendue aux centres de formation conjoints de General Motors et de Ford.

L’ancien président de l’UAW, Dennis Williams, qui n’a pris sa retraite qu’au printemps dernier, a lui aussi été impliqué dans ce scandale. Dans son plaidoyer négocié du mois dernier, Nancy Johnson a déclaré qu’elle avait reçu des directives d’un haut responsable de l’UAW, identifié par les médias comme Williams, pour utiliser les fonds du Centre de formation à des fins illégales, comme pour les frais de déplacement et les divertissements dont bénéficiaient les familles et amis des responsables du syndicat.

Les travailleurs de l'automobile contactés par le World Socialist Web Site ont déclaré que le scandale faisait l’objet d’une vaste discussion. Une ouvrière de GM de la région de Detroit, membre de l'UAW, a déclaré qu'après une série d’accords de complaisance, la meilleure rémunération dans son usine était d'environ 15 dollars de l'heure. « L’accord stipule que nous devrions gagner plus de 20 dollars. La principale chose qui a changé pour nous quand l'UAW a débarqué ici, c'est que nous faisons maintenant deux ou trois tâches au lieu d'une.

« Tout le monde a été sacrifié. Ce n'est pas seulement Fiat Chrysler, c'est les tous les Trois Grands (Ford, GM et Fiat Chrysler). Ensuite, la direction nationale [de l’UAW] s'est accordé une grosse augmentation de salaire lors de sa convention. Ça m'a mis hors de moi. »

Pour ce qui est d’avoir nommé Williams, elle a dit: «Cela montre jusqu’à où ça va, on ne peut pas aller plus haut. C'est flagrant. Ces gars ont volé aux travailleurs pendant longtemps; pourquoi leur faire confiance? »

Un ouvrier de FCA Jeep à Toledo, Ohio, a déclaré: «Nous sommes prêts à débrayer. Tout le monde veut récupérer les acquis perdus. Tout ce qui a été abandonné: salaires indexés au coût de la vie, heures supplémentaires après 8 heures, salaire intégral après 90 jours d’embauche et remboursement de toutes les cotisations syndicales depuis 2009. Toute l’histoire du TPT [temps partiel temporaire] n’aurait jamais dû se produire. A l’époque après 90 jours vous étiez permanent, quoi qu’il en soit. »

Ce scandale n'est pas un accident. Il découle inexorablement de la dégénérescence corporatiste des syndicats. Ce processus a été annoncé par le Parti de l'égalité socialiste et son prédécesseur, la Workers League, et ses collaborateurs internationaux. Ce n'est pas simplement une question de corruption individuelle, mais le résultat du programme nationaliste et pro-capitaliste des syndicats face au caractère de plus en plus mondialisé de la production capitaliste.

Dans un document de 1984 intitulé « Le corporatisme et les syndicats », rédigé en rapport avec l’accord salarial passé entre l’UAW et General Motors la même année, la Workers League avertissait que la politique de collaboration syndicat-patronat décrite dans l'accord représentait « une bonne partie du chemin vers la transformation de l’UAW en syndicat jaune. »

Le document ajoutait : « La politique de la bureaucratie est le corporatisme, c'est-à-dire une doctrine de l'identité des intérêts des travailleurs et du patronat, qui conduit à une collaboration illimitée entre les bureaucrates et l’État capitaliste, pour défendre le système de profit, quelle que soit la gravité des conséquences pour la classe ouvrière. »

Parmi les autres caractéristiques de l’accord, le document notait la création d'un «Fonds de formation conjoint pour le développement des compétences» qui, selon ses prédictions, serait «en réalité une gigantesque caisse noire» pour la bureaucratie syndicale.

L'UAW ne peut pas être réformé. Ses intérêts sont liés à la défense des bénéfices des constructeurs automobiles, qui récompensent les bureaucrates syndicaux avec une partie des profits tirés des travailleurs.

Le scandale de corruption de l'UAW souligne l'urgence de l'appel lancé par le SEP (Parti de l’égalité socialiste) pour la formation par les travailleurs de comités d'usine de base indépendamment de l'UAW. Ces comités doivent lutter pour l'annulation des accords signés par l'UAW et l'organisation d'une offensive pour reconquérir tous les acquis cédés par le syndicat, y compris l'abolition de tous les paliers de salaires, le rétablissement des salaires indexés sur le coût de la vie et la transformation de tous les emplois temporaires en emplois à temps plein.

Grâce aux comités de base, les travailleurs de l’automobile pourront unir leur lutte avec celles du reste de la classe ouvrière, comme les travailleurs d’UPS qui luttent contre la tentative du syndicat des Teamsters d’imposer un accord au rabais créant une nouvelle catégorie de chauffeurs « hybrides » à bas salaire.

Une tâche centrale des comités sera de lutter pour le contrôle des travailleurs sur les conditions de travail comme la cadence des chaînes, la santé et la sécurité.

La création de comités d'usine, de lieu de travail et de quartier doit être liée à une nouvelle stratégie politique : la mobilisation de la classe ouvrière américaine et internationale contre le système de profit capitaliste sur la base d'un programme socialiste, notamment la nationalisation des grandes sociétés, leur transformation en propriété publique et leur placement sous contrôle démocratique de la classe ouvrière.

(Article paru en anglais le 15 août 2018)

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