La crise de la Commission d’enquête de l‘Assemblée nationale sur l‘affaire Benalla, qui a implosé vendredi 28 juillet, a révélé le caractère anti-ouvrier des manœuvres du LFI (La France insoumise) de Jean-Luc Mélenchon. Ce parti de pseudo-gauche, lié à Syriza en Grèce et à Podemos en Espagne, a formé une alliance de circonstance avec le parti sarkozyte LR et le RN (ex-FN) néo-fasciste sur ce sujet, fondée sur un soutien commun à l‘appareil policier.
Lorsque les accusations des groupes d‘opposition contre la présidente LRM (le parti du président Macron) Yaël Braun-Pivet de saboter la commission eurent finalement conduit à son capotage vendredi, la députée LFI Danièle Obono prit la parole devant les caméras pour attaquer la politicienne LRM. Puis elle invita les autres groupes d‘opposition, dont la cheffe du RN, Marine Le Pen à faire de même. Le Pen fut la première à parler suite à l’invitation d’Obono.
La défense qu’Obono a faite de son geste sur Twitter, selon laquelle elle s’adressait « à l’opposition REPUBLICAINE », c’est-à-dire aux sarkozystes plutôt qu’aux lepénistes, ne modifie rien d’essentiel. Non seulement cela ne change pas le fait que c’est Le Pen qui a accepté l’invitation d’Obono à s’exprimer, mais cela confirme que la perspective de LFI dans la crise déclenchée par l’Affaire Benalla est de nouer des liens avec des forces de droite.
Cela confirme les mises en gardes faites par le Parti de l’égalité socialiste (PES) sur le caractère répressif et anti-démocratique de la pseudo-gauche et de Mélenchon en particulier. Comme le NPA, il a refusé d’appeler à prendre position au deuxième tour de l’élection présidentielle l’année dernière, alors qu’une bonne partie de ses électeurs ne voulaient voter ni pour l’ex-banquier de chez Rothschild, ni pour Le Pen. Le PES a été le seul parti politique en France à prendre clairement position pour un boycott actif du second tour en 2017, pour le développement d’un mouvement politique dans la classe ouvrière contre le gagnant des élections.
Si certains se montrèrent surpris au vu des origines gabonaises d’Obono, le PES ne l‘était pas. L'appel d'Obono à Le Pen, la principale représentante non seulement du néo-fascisme mais aussi des forces de l'ordre, est un signe clair. Après Syriza et sa coalition gouvernementale avec les Grecs indépendants d'extrême droite, ou l’alliance de M5S et de Salvini, il est avéré que le populisme de LFI est compatible avec une politique de droite hostile à la classe ouvrière, que rejettent des millions de ses électeurs. Cette trajectoire donne raison au PES et à son programme de construire une avant-garde trotskyste en France.
L'affaire Benalla avait dévoilé le caractère arbitraire, violent et illégal de l’ensemble de la classe dirigeante et de la classe politique françaises. La vidéo où l‘on voit Benalla agresser deux jeunes le 1er Mai met en évidence la montée des pouvoirs exorbitants donnés à la police sous l'état d'urgence et depuis. Cela fait partie de la construction d'un État policier en France et à travers Europe, comme le souligne la construction décrétée par l’UE d'un vaste réseau de camps de concentration sur le continent, visant en premier lieu les réfugiés, mais utilisables contre toute opposition politique.
Dans cette situation, ce qui rassemble Mélenchon avec la droite, et au passage avec l‘extrême-droite, est la promotion de la police et de la répression. Alors que la classe politique s‘écharpe sur les méthodes et les moyens d’imposer une dictature, elle s’entend à travers ses diverses tendances pour camoufler les brutalités policières qui annoncent l’État policier contre la classe ouvrière.
L‘invitation de Le Pen à parler par Obono n’était pas fortuite. C‘était la suite nécessaire de la convergence politique les jours précédents de Mélenchon avec LR et le FN.
Alors qu’il a l‘intention de déposer une motion de censure contre le gouvernement Macron mardi dernier, en même temps que LR, on pouvait le voir jeudi en grande discussion avec le chef du groupe LR Christian Jacob ou encore avec le chef du parti souverainiste d’extrême-droite, allié de Le Pen entre les deux tours de la présidentielle, Debout la France, Nicolas Dupont-Aignan. « Quand il s’agit de protéger l’État et de faire respecter la norme républicaine, il y a une convergence avec la droite, je l’assume » a-t-il déclaré-t-il ce jour-là.
L'opportunisme réactionnaire et cynique de LFI faisant appel à LR voire au RN n'est dépassé que par l'hypocrisie de LRM, qui s'offusque à présent des liens entre LFI et les néo-fascistes alors que Macron avait adressé un « salut républicain » à Le Pen, le soir de son élection.
L‘explosion de la commission d’enquête ne révèle pas une division fondamentale entre Mélenchon et Macron, elle ne fait que montrer ce sur quoi tous les représentants politiques de la bourgeoisie française, y compris les forces de pseudo-gauche, sont d’accord. Mélenchon reproche à Macron son « amateurisme » et le fait qu’il essaie de monter un État policier sans s’appuyer sur tout le « vieil » appareil policier et les vieilles structures politiques. Il est rejoint en cela par des sections de la police et de l’armée, ainsi que par Le Pen.
La réaction politique de LFI à la préparation d‘un État policier par la bourgeoisie pour accompagner la montée de la lutte des classes, est celle de la petite bourgeoisie argentée, braquée sur la politique d‘identité et hostile à la classe ouvrière. Cette couche sociale a pour porte-parole les ex-soixante-huitards radicalisés qui se sont retrouvés dans les divers partis, essentiellement pablistes, ayant passé longtemps pour l‘ « extrême-gauche », navigant sous faux pavillon « trotskyste », et dont Obono est un produit type.
Obono a été membre de Socialisme par en bas (SPEB), une organisation liée au Socialist Workers Party (SWP) britannique, un groupe ultra-opportuniste défendant la théorie du « capitalisme d’État ». Avec ce courant, elle passe en 2004 à la Ligue Communiste révolutionnaire (LCR), la principale organisation pabliste en France, puis avec celle-ci au NPA (Nouveau parti anticapitaliste) quand la LCR s’y dissout en 2009 sous la direction d’Alain Krivine et Olivier Besancenot.
Là, elle fait partie de Convergence et Alternative (C&A) qui sort du NPA en 2011 et s‘allie à la tendance Gauche Unie de l‘ex-leader de la LCR Christian Piquet, passé lui au Front de Gauche de Mélenchon avec le PCF stalinien dès 2009 et qui a depuis atterri à la direction de ce parti.
La lutte des travailleurs pour s'opposer à l'État policier et au travail de démolition sociale lancé par Macron nécessite la construction d'une nouvelle avant garde politique, le PES, qui lutte pour un programme socialiste de prise du pouvoir et d’unité internationale de la classe ouvrière.
L’appel au boycott actif du PES au deuxième tour de la présidentielle et son avertissement qu'il n'y avait pas de moindre mal entre Macron et le Pen étaient justes. Par son appel au boycott, le PES ne cherchait pas à pousser les électeurs à voter Mélenchon. La question était de construire un mouvement de la classe ouvrière qui serait indépendant des appareils syndicaux et de la pseudo gauche. La trajectoire prise par la pseudo-gauche et les syndicats montre que cette perspective est d’une brûlante actualité. Le rôle d'Obono dans cette crise confirme encore une fois cette analyse.