Les téléspectateurs américains et les lecteurs de journaux ont été inondés ce week-end de manchettes et d’une couverture 24 heures sur 24 du mariage royal du Prince Harry de la Maison de Windsor britannique et de son conjoint américain, Meghan Markle.
Les grands réseaux de télévision ont déployé une armée de journalistes pour présenter le mariage comme un événement historique. CNN l’a appelé « une affaire électrisante qui vivra longtemps dans la mémoire ». ABC a qualifié ce mariage comme « une locomotive d’amour », tandis que l’expression « Un conte de fée moderne » apparaissait comme une bannière à l’écran. La couverture ne laissait pas deviner que les États-Unis sont nés d’une lutte violente contre la couronne britannique – une révolution qui a produit une Constitution interdisant les titres de noblesse.
Comment expliquer l’éloge louangeur de l’aristocratie par l’establishment des médias américains ?
Il est ancré dans la croissance stupéfiante de l’inégalité sociale, qui continue d’enrichir une aristocratie financière moderne qui exerce la domination oligarchique dans le monde entier. La concentration historiquement sans précédent de la richesse au sommet de la société engendre inévitablement l’envie de la noblesse britannique, avec ses titres et ses privilèges de caste, au sein de l’élite dirigeante de la « République » américaine et de ses apologistes bien payés.
La base matérielle et sociale de ce désir de monarchie trouve de nouveaux documents dans la publication la semaine dernière du Wealth-X de son « Recensement des milliardaires ». Il montre qu’un petit groupe de milliardaires continue d’accroître l’échelle immense des fortunes qu’il a amassées aux dépens de milliards de travailleurs et de pauvres dans le monde entier.
Le rapport de Wealth-X montre que la population milliardaire mondiale a augmenté de 15 pour cent, jusqu’à 2754 personnes, depuis 2016, et que la richesse de ces milliardaires « a bondi de 24 pour cent à un niveau record de 9200 milliards de dollars », soit 12 pour cent du Produit intérieur brut annuel de la planète entière.
Les milliardaires du monde entier ont augmenté leur richesse, mais nulle part ils n’ont gagné autant d’argent qu’aux États-Unis et en Asie. Les 727 milliardaires en Amérique du Nord ont augmenté leur richesse de 22,8 pour cent à 3300 milliards de dollars, un taux dépassé seulement par l’augmentation de richesse de 49,4 pour cent parmi les 784 milliardaires asiatiques, qui ont enregistré une fortune combinée de 2400 milliards de dollars en 2018.
Les super-riches sont pour la plupart des spéculateurs. Ils tirent leur revenu non pas en contribuant au processus de production, mais en jouant, en volant et en trichant. Parmi tous les milliardaires, la part de la richesse totale dérivée des actions est passée de 32,9 pour cent en 2016 à 41,5 pour cent en 2017.
Au sommet de la pyramide des richesses, les 10 milliardaires les plus riches possèdent 663 milliards de dollars. Chacun a une valeur nette en moyenne 20 fois plus élevée que le « milliardaire moyen ». Une pluralité de milliardaires (413) tire leur richesse de la finance – de la banque ou de l’investissement – dépassant les conglomérats industriels (380), l’immobilier (173), la production (167) et la technologie (143).
L’augmentation de la richesse des milliardaires est le résultat des politiques adoptées par les gouvernements du monde. Dans aucun autre pays, les super-riches ne contrôlent si parfaitement le système politique comme aux États-Unis, où le président Donald Trump incarne le caractère criminel de Wall Street.
Le rapport note une « amélioration spectaculaire de la création de richesse extrême » aux États-Unis en raison de « marchés boursiers porteurs et de solides bénéfices des entreprises ». Les milliardaires américains ont bénéficié de « la mise en œuvre d’un important programme de réforme fiscale à la fin d’année », la réduction d’impôt radicale de l’Administration Trump pour les riches, adoptée sans aucune opposition sérieuse du Parti démocrate.
Les États-Unis abritent le plus grand nombre de milliardaires de tous les pays du monde et représentent 34 pour cent de la richesse milliardaire dans le monde. New York a maintenu sa position de première ville pour les milliardaires, en accueillant 103.
En 2017, Wealth-X a publié un rapport sur la population « très fortunée » du monde, qui comprend des particuliers dont la valeur nette dépasse 30 millions de dollars. Selon ce rapport, les « ultras fortunés » du monde – quelque 250 000 personnes dans le monde – détenait un total de 25 000 milliards de dollars, dont 9600 milliards de dollars rien qu’en liquidités.
Les ultras fortunés s’attendent à augmenter leur patrimoine de 8000 milliards de dollars au cours des cinq prochaines années, atteignant plus de 35 000 milliards de dollars, ce qui équivaut à la valeur nette totale des 90 pour cent de la population mondiale les moins riches, selon les chiffres de la banque Crédit Suisse.
Même de tels nombres astronomiques masquent le pouvoir véritable des milliardaires et des super-riches, dont la richesse se traduit par le contrôle des gouvernements, des médias, des syndicats, des partis politiques, des universités, des tribunaux, des militaires et des agences d’espionnage.
Après avoir fait des milliards de dollars sur le boom technologique, les classes dirigeantes des grandes puissances travaillent maintenant avec des sociétés technologiques comme Google et Facebook pour censurer les points de vue de gauche par peur que les téléphones portables et Internet aident des milliards de pauvres et la classe ouvrière a accès à des informations et des informations qui ne sont pas vérifiées par les grands médias bourgeois.
Karl Marx écrivait dans le tome 1 du Capital : « [l’]accumulation de richesse à un pôle, c’est égale accumulation de pauvreté, de souffrance, d’ignorance, d’abrutissement, de dégradation morale, d’esclavage, au pôle opposé, du côté de la classe qui produit le capital même ». Cela caractérise bien la situation mondiale aujourd’hui.
Partout dans le monde, dans les pays développés, sous-développés et semi-développés, la classe ouvrière est complètement exclue du processus décisionnel du gouvernement. Comme les gouvernements adoptent des politiques pour augmenter la richesse des milliardaires, les besoins en eau potable, l’attention médicale adéquate et les soins de santé abordables, l’éducation, la nourriture, le logement, les transports publics, l’infrastructure et la culture ne sont pas satisfaits.
Pour seulement un cinquième de la richesse totale des 10 personnes les plus riches du monde, les besoins sociaux suivants pourraient être immédiatement pris en compte :
- La fourniture de logements pour l’ensemble des 634 000 sans-abri aux États-Unis : 20 milliards de dollars
- La fourniture de nourriture à 862 millions de personnes souffrant de malnutrition dans le monde entier : 30 milliards de dollars
- Réduction de moitié du nombre total de personnes sans accès à l’eau potable : 11 milliards de dollars
- Éducation pour chaque enfant qui n’en reçoit pas : 26 milliards de dollars
- Soins maternels et prénataux gratuits pour toutes les mères des pays en développement : 13 milliards de dollars
- Traitement et vaccination pour prévenir 4 millions de décès dus au paludisme : 6 milliards de dollars
- Remplacement de l’infrastructure d’eau toxique de Flint, au Michigan, par un système sûr et propre : 1,5 milliard de dollars
- Des primes immédiates de 20 000 dollars à tous les 3,1 millions d’enseignants aux États-Unis : 62 milliards de dollars
Coût total : 169,5 milliards de dollars.
La glorification de la monarchie souligne le fait qu’aucune société ne peut maintenir des formes démocratiques de gouvernement dans des conditions où prévalent de tels niveaux de concentration de la richesse et d’inégalité. On ne peut pas non plus résoudre les problèmes sociaux lorsque la richesse produite par la classe ouvrière et les ressources naturelles du monde est gaspillée pour satisfaire l’avidité insatiable des super-riches.
Il n’y a pas de vraie démocratie aujourd’hui en dehors de la mobilisation de la classe ouvrière internationale pour mettre fin au capitalisme et établir le socialisme.
(Article paru d’abord en anglais le 21 mai 2018)