Prétextant les débordements sur Paris lors de la manifestation du 1er mai qu’aurait organisés un groupe de Black Bloc, le gouvernement menace d’étendre le dispositif policier et de renforcer sa collaboration avec les syndicats afin d’étrangler l’opposition à sa politique d’austérité et de guerre.
Alors que la manifestation commençait, des affrontements ont éclaté entre plus d'un millier d'individus encagoulés et les forces de l'ordre, qui ont riposté par des tirs de gaz lacrymogènes et deux lanceurs d'eau. Un restaurant McDonald’s et une concession Renault ont été saccagés, et les forces de l’ordre ont procédé à des arrestations de masse. La préfecture de police indique que sur 276 personnes interpellées mardi, 102 personnes ont été placés en garde à vue dont 22 mineures et 9 étrangères (belges, suisses, colombiennes).
Les affirmations du gouvernement soulèvent de nombreuses questions. Il est remarquable que 1.200 personnes encagoulées aient pu pénétrer dans le cortège, les groupes de type Black Block étant surveillés et infiltrés par la police. Le ministre de l’Intérieur Gérard Collomb a reconnu cette réalité en rapportant qu’«Il y avait un fiché S dans la manifestation».
Aucun récit clair et définitif n’a émergé de ce qui s’est passé le 1er mai; on ne sait pas qui a donné les ordres qui ont entraîné ces violences, qui ne servent que les intérêts de l’État. Mais ce qui est clair est que pour la classe politique, ces incidents doivent servir à justifier le renforcement des opérations de police contre les luttes sociales. Dans la situation actuelle, ceci signifie une escalade de la répression face aux blocages d’université et à la grève des cheminots et une collaboration plus étroite avec les appareils syndicaux pour mettre fin aux luttes sociales.
Emmanuel Macron a écrit sur Twitter: «Je condamne avec une absolue fermeté les violences qui ont eu lieu aujourd’hui et qui ont dévoyé les cortèges du 1er mai. Tout sera fait pour que leurs auteurs soient identifiés et tenus responsables de leurs actes.»
Dans un Tweet, le dirigeant des Républicains, Laurent Wauquiez a écrit: «Faillite de l'État régalien. Il est urgent de rétablir l'autorité: soutien total à nos forces de l'ordre qui font face à ces voyous.»
La présidente du Front National, Marine Le Pen, a déclaré: «Ces milices d'extrême gauche devraient être dissoutes depuis bien longtemps. Mais le problème, c'est que le pouvoir de gauche fait preuve à leur égard d'une mansuétude et maintenant on peut presque dire d'une complicité.»
Gérard Collomb a promis ce mercredi «encore plus de forces de l'ordre» lors des prochaines manifestations. Il n’a pas exclu pas la dissolution de groupes.
Prétextant que les forces de l'ordre sont dans l'impossibilité de fouiller les manifestants, ce qu’elles avaient pourtant bel et bien fait pendant les manifestations contre la loi travail en 2016, le ministre de l'Intérieur appelle aussi les syndicats à une collaboration plus proche avec les autorités: «Il faut réfléchir à une solution avec les organisations syndicales». Collomb a ajouté la remarque étrange que si les syndicats «veulent qu'il n'y ait plus cela (de violences), peut-être faut-il s'entendre ensemble.»
Ces déclarations sont un avertissement pour les travailleurs. Le renforcement des dispositifs policiers, sous un régime de plus en plus autoritaire depuis l’imposition de l’état d’urgence en 2015, visent l’opposition des travailleurs à la politique d’austérité et de guerre menée par Macron. Les attaques sociales en cours et en préparation doivent dégager des centaines de milliards d’euros sur le dos des travailleurs et les transférer vers la bourgeoisie, l’armée et les préparatifs de guerre.
Suite à l’escalade de guerres impérialistes au Moyen Orient au courant du quart de siècle après la dissolution de l’URSS, les tensions militaires ont atteint un point culminant où un affrontement direct entre l’OTAN et la Russie se profile sur la question d’une guerre avec la Syrie et l’Iran. Le bombardement de la Syrie par Macron et son alignement sur Trump sur les dossiers syrien et iranien souligne que la France compte prendre part à la répartition du Moyen Orient.
50 ans après la grève générale de Mai 1968, la bourgeoisie est consternée par la montée de la contestation sociale en France et à travers le monde, qui bouscule ses projets. Craignant une convergence internationale des luttes contre l’austérité et la guerre, alors qu’un large mouvement de grève se développe également parmi les travailleurs américains, elle s’inquiète beaucoup moins des dégâts provoqués par les échauffourées mardi que par la montée des grèves.
C’est pourquoi le gouvernement met l’accent non pas sur les fouilles de manifestants, mais sur la collaboration avec les appareils syndicaux et la dissolution d’organisations politiques.
Pour les travailleurs et les étudiants en lutte, c’est un avertissement de la nécessité de prendre leurs propres luttes en main. S’ils ne s’organisent pas indépendamment des appareils syndicaux et de leurs alliés politiques dans les partis pro-guerre de pseudo gauche, tels que le Nouveau parti anticapitaliste, ceux-ci travailleront avec le gouvernement pour étrangler la grève des cheminots et en général l’opposition des travailleurs.
En 2016, quand la répression des manifestations sous l’état d’urgence contre la loi travail n’avait pas suffi à étrangler le mouvement, les syndicats ont utilisé la menace d’interdiction des grèves par le premier ministre PS, Manuel Valls, pour mettre fin aux manifestations.
L’intersyndicale tenter d’utiliser les négociations avec Philippe et le prétexte des violences en marge des manifestations pour siffler la fin de la grève à la SNCF. Elle a déjà accepté le principe d’une négociation avec Philippe, qui avait posé en tant que précondition l’acceptation de la fin du statut des cheminots, de la mise en concurrence, et de la conversion de la SNCF en société anonyme.
Actuellement, les déclarations des principaux bureaucrates vont dans le sens d’une recherche d’une fin de la grève perlée. Le nouveau secrétaire général de Force Ouvrière (FO), Pascal Pavageau, a réclamé dimanche un «moratoire» sur la réforme du ferroviaire, pour permettre de reprendre «sereinement» les discussions. «Sinon c’est inextricable».
Son homologue de la CFDT, Laurent Berger, qui doit être reçu à Matignon par le Premier ministre, Edouard Philippe, le 7 mai, ainsi que les responsables confédéraux CGT et SUD, a dit espérer des discussions sur le «fond des sujets». «L’issue du conflit, c’est d’abord les trains qui re-circulent normalement mais c’est aussi que les cheminots ne se sentent pas humiliés», a estimé M. Berger, qui n’a rien dit par contre sur la satisfaction des revendications des cheminots grévistes.