L’ancien membre du Congrès et directeur de la CIA Mike Pompeo a été confirmé jeudi après-midi par le Sénat américain comme secrétaire d’État. L’ancien chef de char de l’armée, partisan de la torture et d’un espionnage domestique illimité, occupera désormais la première place au sein du cabinet Trump, tout en occupant le quatrième rang dans l’ordre de succession à la présidence.
L’installation de Pompeo à la tête du département d’État, à la place de Rex Tillerson, suit le remplacement par le président Trump du général H. R. McMaster par l’ancien responsable de l’Administration Bush, et un des conspirateurs de la guerre en Irak, John Bolton, en tant que conseiller à la sécurité nationale. Pompeo et Bolton ont tous deux appelé à la guerre contre l’Iran et la Corée du Nord. Ils forment une nouvelle équipe de politique étrangère encore plus imprudente que la précédente. Leur entrée en fonctions annonce que les États-Unis cherchent un élargissement de la guerre au Moyen-Orient et un conflit militaire avec la Russie et la Chine.
Pompeo incarne le lien entre la guerre impérialiste et la répression politique aux États-Unis. Il a défendu la « torture par l’eau » (waterboarding) et le programme de torture de la CIA sous le gouvernement Bush. Dans un discours prononcé l’année dernière, il a qualifié WikiLeaks de « service de renseignement hostile ». Il a appelé au procès et à l’exécution du lanceur d’alerte Edward Snowden et plaide pour l’expansion du programme illégal de surveillance massive de la NSA.
Pompeo a été immédiatement assermenté par le juge d’extrême droite Samuel Alito. Le nouveau secrétaire d’État a embarqué dans un avion pour se rendre à Bruxelles, où il représentera le gouvernement américain lors d’une conférence des ministres des Affaires étrangères de l’OTAN. Ce rassemblement discutera des actions contre la Russie sur les fausses accusations d’empoisonnement d’un ancien double agent britannique, Sergei Skripal, ainsi que du soutien de la Russie au président syrien Bashar al-Assad, dont le régime a été la cible de frappes américaines, françaises et britanniques plus tôt ce mois-ci.
La Russie et la Syrie ne sont que deux exemples parmi une série d’affrontements imminents dans laquelle Pompeo jouera un rôle central :
Le 12 mai, le président Trump devrait officiellement désavouer l’accord nucléaire iranien, mettant ainsi les États-Unis en conflit avec l’Iran et les cinq autres pays signataires de l’accord, auquel l’Iran a scrupuleusement adhéré.
Le 14 mai, le département d’État, que Pompeo gouverne actuellement, transférera officiellement l’ambassade américaine de Tel-Aviv à Jérusalem, une provocation délibérée contre la population palestinienne de Cisjordanie et de Gaza, qui considère Jérusalem-Est comme sa capitale historique.
Le 20 mai, le Venezuela organise son élection présidentielle. Le département d’État devrait dénoncer la victoire annoncée du président en exercice, Nicholas Maduro, et déclarer l’élection frauduleuse, préparant le terrain pour des sanctions économiques ou même un boycott par les États-Unis, son plus gros client, des exportations de pétrole du Venezuela.
Fin mai ou début juin, Trump organisera un sommet avec le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un, qui a été préparé par la visite secrète de Pompeo à Pyongyang au début du mois. Au cas où le sommet serait annulé ou s’il se terminait sans qu’aucun progrès ne soit réalisé, le gouvernement américain accélérera ses projets de frappe militaire contre les sites d’essais nucléaires et de missiles nord-coréens ou contre le régime dans son ensemble.
Le Sénat a approuvé le choix de Pompeo par un vote à 57 voix contre 42, avec six démocrates et un indépendant, qui est allié aux démocrates, pour le soutenir. Mais le rôle des démocrates a été bien plus important que ces chiffres ne le suggèrent. Sans le soutien des démocrates à des moments clés, la confirmation de Pompeo était sérieusement en doute.
Après son audience devant le Comité des Relations extérieures du Sénat le 12 avril, où il a adopté la posture d’un « modéré », il a constaté qu’il risquait de ne pas pouvoir être accepté.
Les républicains n’ayant que la plus faible majorité possible (51 sièges contre 49) et le sénateur John McCain étant absent, atteint d’un cancer du cerveau, le libertaire Rand Paul du Kentucky a menacé de faire pencher la balance contre Pompeo, déclarant qu’il s’opposerait au directeur de la CIA en raison de sa défense affichée de la torture. Si Paul avait rejoint les 49 Démocrates en s’opposant à Pompeo, ce dernier aurait été rejeté par 50 voix contre 49.
À ce moment critique, le vendredi 20 avril, la sénatrice Démocrate du Dakota du Nord, Heidi Heitkamp, a annoncé qu’elle soutiendrait le choix de Pompeo au poste de secrétaire d’État, assurant ainsi les 50 voix nécessaires à sa confirmation. Le lundi 23 avril, deux autres démocrates de droite, Joe Donnelly de l’Indiana et Joe Manchin de Virginie occidentale, lui ont emboîté le pas.
Avec le choix de Pompeo assuré, Rand Paul a abandonné son opposition symbolique et a annoncé qu’il voterait lui aussi pour le confirmer. Pompeo a remporté une majorité légèrement plus grande que son prédécesseur, Tillerson, qui avait été confirmé par 56 voix contre 43.
Si le chef de la minorité au Sénat, Charles Schumer, et le démocrate le plus important à la commission du Sénat aux affaires étrangères, Ben Cardin, ont manifesté publiquement leur opposition à Pompeo et voté contre sa confirmation, il s’agissait d’une mascarade politique cynique. Schumer et Cardin sont d’accord avec Pompeo sur certaines de ses positions les plus incendiaires, comme le fait d’abandonner l’accord nucléaire iranien.
Plus fondamentalement, les démocrates soutiennent la posture militariste en politique étrangère de l’Administration Trump, ne faisant que des critiques de droite contre celle-ci, ils la dénoncent comme insuffisamment belliqueuse envers la Russie et le président russe Vladimir Poutine. Cela a été la force motrice du soutien des démocrates à l’enquête sur de fausses accusations d’ingérence russe dans les élections de 2016, menées par l’avocat spécial Robert Mueller.
En privé, les Démocrates ont salué la désignation de Pompeo à ce poste, un « faucon » notoire de la politique américaine envers la Russie. Cela a été précisé dans un éditorial du 12 avril par le Washington Post, l’une des principales voix de l’aile démocrate de l’establishment politique américain, qui a mené la campagne anti-Russie contre la Maison-Blanche de Trump.
L’éditorial du Post, intitulé « Confirmer Mike Pompeo », a noté que le candidat « était dur avec la Russie, disant que les conflits avec elle sont causés par « le mauvais comportement de la Russie » […] M. Pompeo a reconnu que les sanctions contre le régime de Vladimir Poutine étaient insuffisantes et a promis de « reprendre […] la dissuasion ». »
Josh Rogin a salué la déclaration de Pompeo au Comité des relations extérieures du Sénat, où il a déclaré : « Les actions de ce gouvernement montrent clairement que la stratégie de sécurité nationale du président Trump a, à juste titre, qualifié la Russie de danger pour notre pays. »
Rogin a souligné les remarques préparées par Pompeo à la commission, dans lesquelles il a déclaré qu’il devrait y avoir un engagement accru des États-Unis envers la Syrie. « L’état défaillant de Syrie constitue une menace croissante pour les droits de l’homme, la sécurité nationale et la stabilité régionale – et il mérite une réponse de plus en plus sévère », a déclaré Pompeo. Deux jours plus tard, Trump a ordonné une frappe de missile américaine sur le régime syrien.
L’accès à des fonctions gouvernementales de ce belliciste et ennemi des droits démocratiques ne fait que confirmer que les deux partis de la classe dirigeante américaine sont engagés dans la censure, dans la pénalisation de la dissidence politique et dans une escalade imprudente des opérations militaires américaines partout dans le monde, ce qui augmente le risque d’une nouvelle guerre mondiale employant des armes nucléaires.
(Article paru d’abord en anglais le 27 avril 2018)