Le premier ministre Justin Trudeau a affirmé sa totale solidarité avec la politique militariste et anti-ouvrière du président français Emmanuel Macron lors d'une visite de deux jours à Paris qui s'est terminée mardi.
Quelques jours après que Macron ait ordonné aux avions britanniques de rejoindre les forces américaines et britanniques en lançant des frappes aériennes illégales sur la Syrie, dans un climat de résistance croissante des travailleurs face au programme anti-ouvrier du président, Trudeau a fait de son mieux pour mettre l’accent sur ses affinités politiques avec Macron – soulignant la détermination de son gouvernement libéral à poursuivre de telles politiques au pays et à l'étranger.
«Nous avons une convergence de vue très forte», a déclaré Macron lors d'une conférence de presse conjointe avec Trudeau lundi après-midi. Pour sa part, Trudeau s'est dit enthousiaste: «Le Canada, la France et l'Europe sont extrêmement alignés». Il a particulièrement vanté l'accord de libre-échange Canada-UE et l'accord bilatéral avec la France sur la lutte contre le changement climatique signé lundi.
Offrant une preuve additionnelle du partenariat étroit entre les deux gouvernements, le gouvernement Macron a demandé à Trudeau de s'adresser à l'Assemblée nationale mardi, une première pour un premier ministre canadien et la première fois qu'un dirigeant mondial le fait depuis le roi Felipe d'Espagne en 2015.
Le sommet a souligné le soutien indéfectible de Trudeau à la violence impérialiste. Son gouvernement libéral, qui s'est engagé à augmenter les dépenses militaires de plus de 70% au cours de la prochaine décennie, a élargi le rôle du Canada dans les offensives stratégiques militaires menées par les États-Unis, y compris le renforcement militaire agressif de l'OTAN en Europe de l'Est en confrontation directe avec la Russie, est sans aucun doute «extrêmement aligné» avec Macron. Le gouvernement français, en plus du lancement de missiles en Syrie sur la base de déclarations non fondées et hautement douteuses d'une attaque d'armes chimiques syriennes, a récemment proposé une augmentation des dépenses militaires de 300 milliards d'euros. De plus, avec l'Allemagne, la France est le fer de lance de la militarisation de l'Union européenne en vue d'affirmer agressivement leurs intérêts impérialistes respectifs sur la scène mondiale.
L'utilisation par Macron de pouvoirs d'urgence pour imposer des «réformes» du marché du travail favorables aux entreprises et attaquer les cheminots et d'autres travailleurs du secteur public représente sans aucun doute une «convergence de vue très forte» avec Trudeau. Le premier ministre libéral rend accessible l'infrastructure publique canadienne aux investisseurs privés en créant une banque canadienne de l'infrastructure et en sapant les services publics en imposant aux provinces un «accord» sur les dépenses de santé inférieur à l'inflation.
La détermination de Macron à résister à l'opposition de la classe ouvrière et à la réprimer impitoyablement concorde avec l’engagement ferme du gouvernement Trudeau à ne pas tolérer la moindre opposition aux initiatives qu'il juge être dans «l'intérêt national» du Canada incluant – comme l'a laissé entendre par inadvertance le ministre des Ressources naturelles Jim Carr – les préparatifs pour utiliser l'armée afin de réprimer les protestations contre le prolongement de l'oléoduc Kinder-Morgan.
Trudeau a profité de son voyage en France pour réitérer le soutien d'Ottawa à l'agression menée par les États-Unis en Syrie, qui menace de provoquer une confrontation militaire directe avec la Russie qui pourrait dégénérer rapidement en une guerre majeure. Immédiatement après les frappes de vendredi dernier, Trudeau a publié une déclaration approuvant l'attaque ainsi que les fausses déclarations que Washington, Londres et Paris ont avancées pour justifier leur violation éhontée du droit international. «Le Canada condamne dans les termes les plus forts l'utilisation d'armes chimiques lors de l'attaque de la semaine dernière dans l'est de la Ghouta, en Syrie», a déclaré Trudeau. «Le Canada appuie la décision des États-Unis, du Royaume-Uni et de la France de prendre des mesures pour affaiblir la capacité du régime d'Assad de lancer des attaques à l'arme chimique contre son propre peuple.»
Bien que les forces canadiennes n'aient pas participé aux frappes aériennes de la semaine dernière, l'élite dirigeante canadienne est profondément complice du carnage opéré en Syrie, en Irak et plus largement dans tout le Moyen-Orient par plus d'un quart de siècle de guerres menées par les États-Unis. En 2011, un général canadien a supervisé le bombardement de la Libye par l'OTAN. Déguisée en intervention «humanitaire», cette guerre de changement de régime a tué des dizaines de milliers de Libyens et a laissé le pays, sept ans plus tard, embourbé dans des conflits et le chaos.
Les forces aériennes et terrestres canadiennes ont rejoint la guerre menée par les États-Unis en Syrie et en Irak en 2014, avec des avions de chasse CF-18 effectuant des frappes aériennes dans les deux pays. En 2016, Trudeau a réorienté l'intervention canadienne en triplant le déploiement du personnel des Forces spéciales dans le nord de l'Irak, où elles ont ensuite conseillé les peshmergas kurdes et combattu aux côtés d’elles, notamment lors de l'attaque organisée par les États-Unis contre Mossoul qui a causé la mort de milliers de civils.
Trudeau a non seulement consulté Macron sur la promotion des intérêts prédateurs des impérialismes français et canadien au Moyen-Orient, mais aussi sur l'expansion de la coopération militaro-stratégique au Mali et dans les régions plus vestes de l'Afrique du Nord et de l'Ouest. La France, ancienne puissance coloniale dominante de la région, a déployé des milliers de troupes à travers la majeure partie du Sahel sous prétexte de combattre le «terrorisme».
Le gouvernement Trudeau a récemment octroyé 250 soldats canadiens et six hélicoptères de transport armés à la mission de «maintien de la paix» des Nations Unies au Mali. Cette mission, qui se poursuit en étroite collaboration avec la France, vise à soutenir le gouvernement pro-occidental du pays et à sécuriser les intérêts commerciaux des grandes entreprises canadiennes et européennes. Le ministre de la Défense, Harjit Sajjan, a laissé entendre que la stabilisation du Mali exigerait des investissements étrangers à grande échelle afin de favoriser un «développement économique plus large». Ses commentaires ont été faits à l'occasion du lancement par le Canada d'une nouvelle institution de financement visant à développer des projets dans toute l'Afrique.
Les entreprises canadiennes ont investi environ 1 milliard de dollars dans l'industrie minière au Mali et environ 30 milliards de dollars sont investis dans des exploitations minières à travers le continent.
Le déploiement au Mali entrainera encore plus directement le Canada dans la lutte de plus en plus frénétique pour la domination géostratégique et militaire sur le continent africain. Cette ruée est menée par les États-Unis, mais comprend également les puissances impérialistes européennes, et de plus en plus la Chine.
Macron a applaudi la décision canadienne de déployer des troupes au Mali, disant à Trudeau, «Je pense que c'est un geste très important qui a été fait par le Canada, et nous l'apprécions beaucoup.»
L'alliance étroite de Trudeau avec Macron est soutenue par la classe dirigeante canadienne, qui voit dans le président français quelqu'un que le premier ministre devrait imiter. Le Globe and Mail, porte-parole de l'élite financière de Bay Street, a intitulé lundi son éditorial «Emmanuel Macron devient le Trudeau que nous voulions». Macron a adopté «des initiatives visant les nombreux problèmes structurels du pays», écrit le Globe. «Il a coupé un impôt sur la fortune pour stimuler l'investissement et a poussé ses réformes du Code du travail auxquelles s’opposent les puissants syndicats de France. Il a entrepris la réforme des tabous nationaux, du monopole des trains d'État à l'examen du baccalauréat».
Le Globe s'est plaint des «problèmes structurels» du Canada, «d'un retard dans la productivité des travailleurs et d'un déficit d'investissement des entreprises à une accumulation des demandeurs d'asile et à une crise générationnelle de dépendance aux opioïdes». Mais si Trudeau compte régler ces problèmes selon les préférences de l'élite, il devra démontrer plus de la «résolution» et de la «discipline» de Macron, a soutenu le Globe.
Le message ne peut être plus clair. L'élite corporative du Canada demande à Trudeau d'agir avec plus d'agressivité pour faire valoir ses intérêts au pays et à l'étranger, notamment: en utilisant la répression d'État pour intensifier l'exploitation de la classe ouvrière; en imposant des initiatives majeures comme les oléoducs et les programmes de privatisation face à l'opposition populaire de masse; et promouvoir le réarmement, de manière à renforcer le partenariat stratégique militaire du Canada avec Washington et la capacité de poursuivre ses propres intérêts indépendants en divisant le butin de guerre.
Ce programme réactionnaire ne trouve aucune opposition de la part des partis politiques établis au Canada. Les conservateurs, qui sous Stephen Harper ont augmenté les dépenses militaires à leur plus haut niveau en termes réels depuis la Seconde Guerre mondiale et ont mené la guerre en Afghanistan, en Libye, en Syrie et en Irak, étaient aussi enthousiastes que Trudeau dans leur appui aux frappes aériennes illégales en Syrie.
Le nouveau Parti démocratique a publié une déclaration trompeuse expliquant clairement son soutien à l'attaque. La déclaration a répété les affirmations d'une attaque chimique syrienne et a exhorté Trudeau à travailler en étroite collaboration avec la Grande-Bretagne et la France pour apporter la «paix» en Syrie, tout en évitant ostensiblement de mentionner Donald Trump ou les États-Unis. Le soutien du NPD à l'agression impérialiste est peu étonnant. Les sociaux-démocrates canadiens ont appuyé toutes les interventions militaires canadiennes depuis le bombardement de la Yougoslavie en 1999 et, au début des années 2000, ils ont abandonné leur opposition de façade à l'OTAN.
(Article paru en anglais le 18 avril 2018)