Quelque 9000 enseignants de la Commission scolaire de Montréal (CSDM) ont voté à 77% pour tenir une journée de grève le 1er mai en réponse à un ultimatum de l’employeur qui exigeait la conclusion d’une entente locale avant le 30 avril. À défaut d’entente, la CSDM menace d’abolir des arrangements existants tels que la semaine de relâche scolaire et une liste de priorité qui permet aux enseignants à statut précaire de faire plus d’heures de travail.
Les enseignants, membres de l’Alliance des professeurs de Montréal, réclament plus de journées pédagogiques, davantage d’heures par semaine pour la préparation des cours et de nouvelles embauches pour faire face à une pénurie chronique.
Leur convention locale est échue depuis 2010, mais une convention nationale conclue en 2016 est en vigueur jusqu’en 2020, de sorte qu’une grève le 1er mai serait jugée illégale.
La décision des professeurs de Montréal de prendre le risque de sévères amendes est un signe de la résistance qui grandit parmi les travailleurs à l’échelle internationale.
Ce mouvement se développe en opposition non seulement aux partis traditionnels de la classe dirigeante, mais aussi de plus en plus ouvertement à la bureaucratie syndicale qui facilite l’assaut anti-ouvrier de la grande entreprise en étouffant la résistance des membres de la base.
Selon un article du quotidien montréalais Le Devoir, «Les propositions de grève n’émanaient pas de la direction de ce syndicat, mais de groupes de professeurs alors que les moyens de pression restaient mesurés».
Aux États-Unis, des professeurs de Virginie occidentale et de l'Oklahoma ont fait grève et courageusement défié les tentatives de sabotage de leur syndicat. Leurs actions ont inspiré des centaines de milliers d'autres professeurs et personnel scolaire à travers le pays qui s'apprêtent aussi à entrer en lutte.
Le vote de grève des enseignants de Montréal a été précédé de gestes de protestation par des infirmières de la province, qui ont tenu des sit-ins et se sont tournés vers les médias sociaux pour dénoncer la détérioration des conditions de travail, notamment la hausse marquée des heures supplémentaires obligatoires. Des messages d'infirmières en colère sur Facebook ont été partagés plusieurs dizaines de milliers de fois par une population qui les appuie largement.
Cette réaction témoigne d’une opposition croissante à l'entente de trahison imposée par le Front commun et les autres syndicats du secteur public en 2015-2016. À ce moment, plus d'un demi-million de travailleurs du secteur public, dont les professeurs, avaient montré leur détermination à combattre les reculs sociaux du gouvernement libéral de Philippe Couillard qui agissait au nom de toute la classe dirigeante.
Mais, le Front commun a canalisé ce mouvement vers des gestes futiles de protestation. Il a rejeté toute tentative de mobiliser l’immense force sociale des employés du secteur public, qui jouissaient également d’un grand appui parmi les gens ordinaires, dans une contre-offensive des travailleurs contre l’austérité capitaliste.
Les bureaucrates syndicaux ont gardé le silence pendant des mois sur la menace d’une loi spéciale. Car en parler aurait soulevé la nécessité d'une lutte politique contre le gouvernement Couillard, c'est-à-dire de lancer un appel à tous les travailleurs pour la défense commune des salaires, des pensions et des services publics. Mais c'était la dernière chose que voulaient les syndicats. À la dernière minute, ils ont invoqué la menace d’une loi spéciale pour intimider leurs membres et les forcer à accepter une entente à rabais, qui comprenait une baisse des salaires réels et une hausse de l'âge de la retraite.
La Fédération autonome de l’enseignement (FAE), à laquelle est affiliée l’Alliance professeurs de Montréal, ne faisait pas partie du Front commun. Mais elle a adopté la même stratégie réactionnaire en se limitant à des appels futiles en direction de la classe dirigeante et en refusant de mobiliser ses membres et les autres travailleurs du secteur public contre l’entente pourrie signée par le Front commun.
Depuis, les conditions de travail des enseignants n’ont fait qu’empirer, avec une hausse de la précarité et de la surcharge de travail. En raison de la vétusté des écoles, plus de 150 roulottes sont utilisées à Montréal pour donner des cours aux élèves, un nombre en hausse à chaque année selon le syndicat. En 2015, 25% des jeunes enseignants abandonnaient leur métier dans les 5 premières années, comparativement à 17% en 2003.
L'entente de 2015 est survenue après des années de compressions budgétaires dans l'éducation, totalisant près d’un milliard de dollars. La CSDM, encouragée par le gouvernement Couillard à éliminer rapidement son déficit budgétaire, a mis la hache dans ses dépenses et augmenté les frais de services facturés aux parents.
Si l'Alliance des professeurs de Montréal a permis à ses membres de voter sur la tenue d'une journée de grève, c'est parce qu'elle cherche à dissiper le sentiment de colère chez les travailleurs. Elle n’a aucune intention de s’en servir pour amorcer une mobilisation de tous les enseignants, et de tous les employés du secteur public, contre la précarité, la surcharge de travail et les coupes budgétaires.
Depuis la fin des années 70, les syndicats sont devenus des outils entre les mains du patronat pour imposer des concessions. Ils ont acquis un intérêt matériel direct à augmenter l’exploitation des travailleurs en établissant leurs propres fonds de capital de risque, comme le Fonds de solidarité FTQ, qui investissent des milliards dans des centaines d’entreprises partout au Québec.
Au niveau politique, la bureaucratie syndicale a historiquement appuyé le Parti québécois, l’autre parti de gouvernement de l’élite dirigeante qui a imposé des compressions budgétaires tout aussi dévastatrices que les Libéraux. Cet appui syndical à un parti de la grande entreprise va se poursuivre lors des prochaines élections québécoises cet automne.
Les luttes de centaines de milliers de professeurs aux États-Unis, ou encore la grève de plus d’un mois de 12.000 enseignants des collèges communautaires en Ontario l’année dernière, montrent que la défense de l’éducation est une question internationale. Elle soulève la nécessité d’une lutte politique contre les coupes sociales et les privatisations engendrées par la profonde crise du système capitaliste et la tentative de la classe dirigeante de faire payer les travailleurs pour cette crise.