Mercredi, Google a annoncé qu’il travaillait en partenariat avec le New York Times, le Washington Post, le Financial Times et d’autres grands médias pour renforcer leur monopole sur la couverture des nouvelles en bloquant les organisations de presse indépendantes.
Le New York Times, dont le cours a grimpé après l’annonce, a déclaré que l’initiative de Google visait à combattre «l’épidémie d’informations fausses et peu fiables sur Internet» en «promettant de consacrer 300 millions de dollars au cours des trois prochaines années au journalisme fiable».
En réalité, l’action de Google est la dernière étape d’une campagne prolongée de la part des grandes entreprises technologiques, travaillant avec le Parti démocrate et les agences de renseignement américaines, pour censurer Internet.
La campagne pour la censure d’Internet a été menée par les principaux médias, dont le Times et le Post, qui ont vu leur base d’abonnement érodée par la multiplication des médias d’opposition et le «journalisme citoyen». Pour censurer les petits médias, les géants des médias espèrent regagner le monopole de la diffusion des nouvelles qu’ils détenaient avant la montée de l’Internet.
En avril de l’année dernière, Google a annoncé des mesures pour promouvoir un «contenu fiable» par opposition aux «points de vue alternatifs», ce qui a entraîné une baisse de plus de 50 % du trafic de recherche vers les sites web de gauche, antiguerres et socialistes.
Après l’annonce de Google l’année dernière, d’autres grandes entreprises technologiques ont emboîté le pas en mettant en place leurs propres mesures de censure d’Internet. Cette année, le PDG de Facebook, Mark Zuckerberg, a annoncé qu’il favoriserait les sources d’information «dignes de confiance», telles que le New York Times, et rétrograderait les affichages Facebook provenant de particuliers et d’agences de presse indépendantes. Lors d’une audience au Congrès cette année, Facebook a déclaré avoir embauché environ 10.000 modérateurs de contenu, et que l’entreprise allait doubler ce nombre d’ici la fin de l’année.
Mais malgré les efforts de Facebook pour mettre en œuvre rapidement les demandes des agences de renseignement pour la censure d’Internet, les principaux démocrates, y compris le sénateur Mark Warner, ont appelé l’entreprise à faire plus pour réprimer l’opposition sociale.
Au milieu d’une vague de grèves croissantes des travailleurs du monde entier, notamment des enseignants en Virginie-Occidentale et en Oklahoma, des professeurs d’université au Royaume-Uni et des travailleurs d’entrepôt d’Amazon en Espagne, les principaux médias ont répété des avertissements que Facebook était en train d’être utilisé pour mobiliser l’opposition sociale en dehors du cadre des organisations syndicales.
Dans ce contexte, les grands médias ont, en poursuivant leurs propres objectifs, profité des révélations selon lesquelles la société de données électorales Cambridge Analytica a recueilli les informations personnelles de quelque 50 millions d’utilisateurs de Facebook à leur insu en 2014. À l’époque, l’entreprise appartenait à Robert Mercer, un milliardaire qui allait plus tard soutenir la campagne Trump, et était dirigée par Steve Bannon, qui allait devenir plus tard le directeur de campagne de Trump.
Bien que le type de collecte de données effectué par Cambridge Analytica soulève de graves préoccupations en matière de protection de la vie privée, la tempête médiatique qui a suivi les révélations est très sélective.
Cambridge Analytica n’avait accès qu’à une fraction des données que Facebook lui-même recueille et utilise – souvent en secret – à des fins politiques. Par ailleurs, les gestes de l’entreprise sont plutôt conformes au déroulement habituel des campagnes électorales bourgeoises, qui s’appuient de plus en plus sur l’analyse de données et l’intelligence artificielle pour évaluer et influencer les opinions politiques des électeurs.
Un récent reportage d’Investor’s Business Daily a noté: «En 2012, la campagne Obama a encouragé ses partisans à télécharger une application Facebook d’Obama 2012 qui, une fois activée, a permis à la campagne de collecter des données Facebook sur les usagers et leurs amis». 190 millions de personnes ont «eu au moins une partie de leurs données Facebook aspirées par la campagne d’Obama – sans leur connaissance ou leur consentement».
Commentant l’opération de collecte de données de la campagne Obama, l’ancienne directrice de la campagne, Carol Davidsen, a tweeté: «Facebook était surpris que nous soyons capables d’aspirer tout le graphe social, mais ils ne nous ont pas arrêtés lorsqu’ils l’ont appris».
Dans des courriels divulgués par WikiLeaks en 2016, Sheryl Sandberg, chef des opérations de Facebook, a déclaré aux responsables de la campagne Clinton qu’elle voulait «ardemment» la victoire de Clinton et qu’elle avait rencontré le candidat et les responsables de la campagne à plusieurs reprises.
Si les mesures prises par Cambridge Analytica dénotent une violation substantielle de la vie privée des usagers, elles ne sont rien en comparaison de la vaste opération de surveillance et de collecte de contenu menée par Facebook, avec l’aide des principales agences de renseignement américaines et du Parti démocrate. Au nom de la lutte contre les «fausses nouvelles» et le contenu extrémiste, elle vise à examiner et censurer tout ce qui est affiché sur la plate-forme de médias sociaux.
Plus important encore, l’indignation très sélective des démocrates face au scandale de Cambridge Analytica est utilisée pour maintenir la pression sur Facebook dans le but de l’obliger à censurer plus agressivement l’opposition sociale au nom de la répression des bots et des trolls russes. Mark Warner, le chef démocrate du Comité sénatorial des renseignements et l’un des principaux partisans de la censure sur Internet, a profité du scandale pour faire davantage pression sur Facebook en déclarant que les «Russes» avaient «abusé» de la plate-forme dans la campagne électorale de 2016.
Warner a expliqué à ABC, «Facebook, depuis le début de cette enquête, a été pour le moins réticent à être pleinement coopératif. Je pense qu’il est temps pour le PDG, M. Zuckerberg, et d’autres hauts responsables, de venir témoigner, et ils ne devraient pas raconter qu’une partie de leur histoire, mais ils doivent raconter l’ensemble de leur participation, non seulement avec la campagne de Trump, mais aussi comment ils ont laissé leur plate-forme être exploitée par les Russes.»
Dans un éditorial intitulé «Facebook n’a pas compris», le chroniqueur David Leonhardt du New York Times a déclaré: «En diffusant de fausses nouvelles et en donnant un mégaphone aux trolls russes, Facebook – un réseau social largement plus grand que Twitter – a joué un rôle important dans la campagne présidentielle.»
En fait, les énormes opérations d’extraction de données menées par les partis démocrates et républicains rendent absurde l’argument selon lequel quelques centaines de milliers de dollars de publicités Facebook prétendument achetées par les «Russes» ont influencé les élections de 2016. Les deux partis ont dépensé des centaines de millions de dollars sur le type d’opérations de données menées par Cambridge Analytica, cherchant à analyser, quantifier et influencer les points de vue politiques de centaines de millions de personnes.
En fait, nuisant à son propre argument, Leonhardt a qualifié la prétendue ingérence russe de «bouc émissaire» pour l’élection de Donald Trump et la défaite électorale de Hillary Clinton. Quoi qu’il en soit, le «bouc émissaire» de «l’ingérence russe» est utilisé pour alimenter une nouvelle vague de répression sur Internet, au nom du blocage des «fausses nouvelles» et du «contenu qui divise».
Dans un exemple de la répression croissante de la liberté d’expression sur Internet, au cours des 48 dernières heures, Facebook a supprimé un lien publié par le World Socialist Web Site vers sa récente critique du documentaire de Ken Burns sur la guerre du Vietnam prétendument parce que l’article contenait de la «nudité». En fait, l’article contenait des images bien connues de civils vietnamiens fuyant les atrocités des États-Unis et de ses forces sud-vietnamiennes; des photos qui ont été publiées dans des dizaines de grands journaux du monde entier.
Avec la montée de la lutte des classes à travers le monde, l’élite dirigeante américaine travaille de plus en plus vite pour bloquer l’expression de l’opposition sociale sur Internet. Nous exhortons les travailleurs et les jeunes qui cherchent à défendre la liberté d’expression à contacter le World Socialist Web Site et à rejoindre sa campagne contre la censure d’Internet.
(Article paru d’abord en anglais le 22 mars 2018)