La semaine dernière, le Premier ministre français, Édouard Philippe, a annoncé que son gouvernement présenterait un projet de loi final sur les réfugiés et les immigrés au Conseil des ministres en février. Le projet de loi représente une attaque radicale contre le droit d’asile, donnant en effet aux autorités policières le pouvoir d’expulser les réfugiés en masse sans aucune audience sérieuse.
Selon la « Présentation des dispositions du projet de loi sur l’asile-immigration », le projet de loi réduit le délai que l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA) prendra pour examiner une demande d’asile de 120 à 90 jours. Fondamentalement, cela réduit le temps pour les demandeurs d’asile de faire appel d’une décision négative à la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) de 30 à 15 jours. Il augmente la période de détention administrative pour vérification du droit d’asile de 16 à 24 heures, et permet une détention maximale passant des 45 jours actuellement à 90, voire à 115 jours.
Le nouveau projet de loi crée des conditions pratiquement impossibles pour les demandeurs d’asile et les sans-papiers d’obtenir les visas appropriés ou un quelconque emploi pour pouvoir vivre. Surtout, étant donné que les préfectures de la police prennent en moyenne un mois pour programmer des auditions sur les appels à la CNDA, le projet de loi élimine effectivement tout recours contre la décision initiale souvent négative de l’OFPRA.
Le projet de loi n’alloue aucune ressource supplémentaire aux préfectures pour traiter les appels à la CNDA dans le délai de deux semaines fixé par le projet de loi. Les forces de l’ordre, parmi lesquelles il existe un large soutien au Front national néo-fasciste (FN), reçoivent un chèque en blanc pour expulser tout réfugié qui, comme c’est souvent le cas, reçoit une décision initiale négative de l’OFPRA.
Ce projet de loi est politiquement criminel : il vise à faire en sorte que d’innombrables personnes soient expulsées de la France vers des pays du Moyen-Orient ou d’Afrique déchirés par la guerre et la pauvreté, comme l’Afghanistan ou la Libye. Le ministre afghan des réfugiés et du rapatriement, Sayed Hussain Alemi Balkhi, a déclaré aux médias qu’il était initialement prévu que plus de « cent mille Afghans devaient être expulsés des pays européens en 2017 ».
Le mois dernier, le ministre français de l’Intérieur Gérard Collomb, dans un entretien à RTL Radio, a déclaré que la situation avec le nombre croissant de réfugiés à Paris est explosive. « En Allemagne, il y eu environ 300 000 déboutés du droit d’asile qui essaient de venir en France, est-ce qu’on accueille tout le monde ? Non. » Afin de bloquer le flux de réfugiés, la France et les grands pays européens préparent une vague de lois répressives ouvrant la voie à des déportations en masse.
L’attaque du président Emmanuel Macron contre le droit d’asile, un droit démocratique, s’inscrit dans le cadre d’une attaque contre les réfugiés menée par l’ensemble de l’Union européenne (UE). Après des décennies de guerres impérialistes en Afrique et au Moyen-Orient ont provoqué la plus grande crise de réfugiés depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, avec plus de 60 millions de personnes déplacées, l’UE les empêche de venir en Europe en piétinant leurs droits démocratiques.
Les pays de l’UE, notamment la France, l’Allemagne, l’Autriche, l’Italie, la Grèce et la Belgique, ont réintroduit les contrôles aux frontières, même à l’intérieur de la zone Schengen où les contrôles aux frontières avaient été éliminés. L’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes (Frontex) a intensifié le contrôle des frontières terrestres et maritimes, déployant des navires, des avions, des hélicoptères, du matériel de haute technologie et 1500 fonctionnaires. En même temps, depuis 2014, 15 486 réfugiés se sont noyés en mer.
La bourgeoisie européenne collabore également avec les classes dirigeantes réactionnaires au Moyen-Orient et en Afrique pour construire un réseau de camps de concentration dans lesquels des centaines de milliers de personnes sont prises au piège.
Le mois dernier, Amnesty International a publié un rapport détaillant comment l’UE dépense des millions d’euros pour construire un réseau de camps de détention en Libye, où des réfugiés sont battus, torturés, agressés sexuellement, vendus comme esclaves et même assassinés. Le ministre italien des Affaires étrangères, Angelino Alfano, a rencontré à Tripoli le Premier ministre Fayez al-Sarraj, parrainé par l’ONU, en décembre dernier afin de conclure un accord pour que les navires de guerre italiens aident les gardes-côtes libyens à bloquer les réfugiés dans la mer Méditerranée. Les réfugiés sont ensuite renvoyés dans ces camps.
La Commission européenne a déjà versé 100 millions d’euros au gouvernement soudanais pour monter des patrouilles de l’armée à la frontière avec la Libye et l’Égypte pour maintenir les réfugiés de Somalie, d’Éthiopie et d’Érythrée sur le sol africain. Les forces armées soudanaises sont tristement célèbres pour leurs violations des droits de l’Homme.
Macron intensifie également la guerre dans les anciennes colonies françaises en Afrique, avec une force française de 4 000 hommes combattant en Côte d’Ivoire, au Mali, au Tchad, au Niger, au Burkina Faso et dans toute la région du Sahel, aux côtés d’une force de maintien de la paix de l’ONU dans la « guerre contre le terrorisme ». Ces interventions impérialistes françaises vont créer des millions de réfugiés de plus.
Ces développements soulignent avant tout la faillite politique des arguments avancés l’année dernière, lors des élections présidentielles, selon lesquels les travailleurs et les jeunes devraient voter pour Macron contre la candidate du FN Marine Le Pen afin de défendre les droits des immigrés. De nombreuses tendances politiques, allant de la France insoumise de Jean-Luc Mélenchon au Nouveau Parti anticapitaliste, se sont accommodées au discours selon lequel Macron était un « moindre mal » que Le Pen.
Ces éléments sont maintenant révélés être des ennemis politiques des droits des migrants, alors que Macron et son gouvernement intensifient les attaques contre les réfugiés et les migrants, cherchant le soutien des formations de l’extrême droite, y compris du FN.
Mardi dernier, Macron a visité la ville côtière de Calais, où un millier de réfugiés connaissent des conditions de vie inhumaines après la destruction par le gouvernement du campement de fortune appelé « la jungle », d’où ils tentent de se rendre en Grande-Bretagne. Il a insisté sur le fait que les réfugiés ne devraient pas venir en France et a menacé ceux de Calais : « Rester à Calais et construire des abris de fortune et même mettre en place des squats est une impasse. La frontière est fermée et Calais ne peut plus être une destination pour les migrants. »
(Article paru en anglais le 19 janvier 2018)