On a su vendredi que la Confédération française démocratique du travail (CFDT) avait approuvé des salaires en dessous du SMIC (salaire minimum) dans la chimie. C’est une autre application de la loi travail du PS et des décrets de travail d’Emmanuel Macron, soutenu par l’Union européenne. Leur politique consiste à piétiner les droits sociaux fondamentaux acquis par la classe ouvrière au cours des générations de lutte au XXᵉ siècle.
Selon un communiqué de la Confédération générale du travail (CGT) stalinienne, la Confédération française de l’encadrement (CFE) et Force ouvrière (FO), la CFDT a approuvé une augmentation de 1,1 pour cent en deux temps. Le salaire horaire sera fixé à au moins 9,82 € le 1ᵉʳ janvier puis 9,86 € le 1ᵉʳ avril. Les deux sont inférieurs à 9,88 €, le SMIC de 2018 fixé par une hausse de 1,24 pour cent approuvée le 15 décembre – avant que la CFDT ne signe la convention dans la chimie.
En utilisant la loi travail du PS et les ordonnances de Macron, l’État, les patrons et la CFDT concoctent un cadre pseudo-légal pour attaquer les salaires et les acquis des travailleurs. Depuis 2009, l’effet cumulé des réductions de salaires et des retraites imposées par l’UE en Grèce a été de réduire les revenus de 40 pour cent. Maintenant, on prépare des attaques similaires dans l’une des principales économies d’Europe.
Selon la déclaration CGT-CFE-FO, le contrat CFDT va « intégrer dans la structuration du salaire minimum hiérarchique, les primes d’ancienneté et les primes liées aux conditions et rythme de travail (prime de nuit, dimanche, férié, etc.) » Jusqu’à présent, ces primes, qui représentant jusqu’à 35 pour cent du salaire total, s’ajoutaient à un salaire de base au moins égal au SMIC. Maintenant, les patrons pourront compter ces primes comme partie du salaire sous-SMIC convenu par la CFDT, ouvrant la voie à des baisses de salaire de 35 pour cent.
Cette annonce intervient quelques jours après que PSA Peugeot-Citroën a prévu d’utiliser les ordonnances de Macron pour imposer des suppressions d’emplois en France, alors qu’il supprime des milliers d’emplois à Opel-Vauxhall en Allemagne et en Grande-Bretagne. L’objectif de PSA est de passer à une situation où sa main-d’œuvre serait en grande partie rémunérée aux alentours du SMIC.
Ces mesures constituent un avertissement pour la classe ouvrière en Europe et à l’international. La seule façon de défendre les salaires et les emplois est de rejeter le cadre pseudo-légal mis en place par l’UE, la classe dirigeante, et les divers appareils syndicaux. Alors que la colère monte en France contre le « président des riches », il s’agit d’organiser indépendamment des syndicats une lutte politique contre les mesures illégitimes imposées par les entreprises et les États-nations.
L’expérience de la loi travail française souligne que de telles luttes vont placer la classe ouvrière dans un conflit irréconciliable avec l’État, avec des implications révolutionnaires. Le PS a imposé la loi travail en 2016, malgré l’opposition de plus de 70 pour cent des Français, en utilisant l’état d’urgence pour réprimer les manifestations contre la loi. Soutenue par des partis petits-bourgeois comme le Nouveau Parti anticapitaliste (NPA) et la France insoumise (LFI), la CGT a capitulé face aux menaces du PS et a mis fin à toute action contre la loi.
Puis Macron, élu par défaut contre le candidat néo-fasciste Marine Le Pen et dont la majorité parlementaire est issue d’élections auxquelles moins de la moitié des électeurs ont participé, a imposé des ordonnances préparant un assaut historique contre la classe ouvrière. Maintenant, ayant remis des milliards d’euros aux banques et à l’aristocratie financière depuis le krach de 2008, les autorités françaises et européennes visent à paupériser de larges couches de la classe ouvrière.
De telles politiques n’ont aucune légitimité démocratique. Depuis que les élections allemandes de septembre ont abouti à un parlement sans majorité, les responsables européens ont promis que l’axe Paris-Berlin améliorerait enfin l’Europe. Martin Schulz, le candidat défait du Parti social-démocrate (SPD) – qui a travaillé avec le PS, le Parti Démocrate Italien et d’autres pour formuler la loi travail – a déclaré le mois dernier qu’il se battait pour un « cadre Européen pour un salaire minimum ».
En fait, la convention approuvée par la CFDT dans la chimie montre comment le PS et Macron, avec des partis sociaux-démocrates à travers l’Europe, ont conspiré dans le dos du peuple pour éliminer le salaire minimum d’un coup de stylo.
Elle utilise deux dispositions-clé de la loi travail et des ordonnances de Macron : primo, les industries et les firmes peuvent déroger au Code du travail ; secundo, les patrons peuvent imposer un contrat s’ils obtiennent l’accord des syndicats représentant 30 pour cent des travailleurs. Ainsi, avec un peu plus de 33 pour cent des effectifs de la chimie, la CFDT a approuvé une convention accordant une dérogation au Code du travail.
D’autres compagnies et d’autres industries à travers la France se préparent sans doute aussi à s’affranchir de l’existence du SMIC.
Les travailleurs ne peuvent accorder aucune confiance à la CGT, à FO, ou aux autres appareils syndicaux qui ont critiqué la convention de la CFDT, pour organiser l’opposition. La loi travail du PS qui démonte le Code de travail et les décrets Macron traduisent en langage juridique leur transformation en organes de l’État, financés par les employeurs, qui ont perdu leur base ouvrière et donnent une bénédiction pseudo-légale aux attaques contre leurs propres membres.
Leurs critiques de la CFDT sont des manœuvres fractionnelles destinées surtout à les protéger de la montée de la colère sociale, tout en poursuivant une politique nationaliste visant à doper la compétitivité française sur le marché mondial aux dépens des travailleurs.
Tous sont hostiles à la mobilisation politique de la classe ouvrière contre la régression historique qu’organisent Macron et l’UE. En rejoignant FO pour critiquer la convention dans la chimie signée par la CFDT, la CGT dénonce également de manière provocatrice une grève ferroviaire contre les suppressions d’emplois dans le sud de la France que FO qualifie de manœuvre « populiste » qui va « fomenter la haine contre les cheminots ».
Quant à FO, une grande partie de sa direction, y compris son dirigeant, Jean-Claude Mailly, a ouvertement approuvé les décrets de Macron l’automne dernier.
La seule voie à suivre est de construire des organisations et des comités indépendants sur les lieux de travail et dans les quartiers ouvriers pour discuter et mobiliser l’opposition aux différentes attaques issues des ordonnances de Macron, et approuvées par les syndicats. Un élément clé de leur travail consisterait à coordonner leurs luttes avec celles de travailleurs confrontés à des attaques similaires dans le reste de l’Europe.
Cela soulève aussi la nécessité urgente de construire une nouvelle direction dans la classe ouvrière : des sections du Comité international de la Quatrième Internationale dans chaque pays, combattant l’austérité et la dictature. Le CIQI se battra pour promouvoir la croissance des organisations de travailleurs indépendants et les lier à un mouvement socialiste international pour prendre le pouvoir de l’État et remplacer l’UE en faillite par les États-Unis socialistes d’Europe.
(Article paru d’abord en anglais le 8 janvier 2018)