L'aggravation de la crise sociale en Espagne est pratiquement ignorée à la veille du vote du 1er octobre sur l'indépendance catalane.
Les chiffres officiels du gouvernement espagnol pour août montrent une augmentation majeure du chômage, signalant un ralentissement de la croissance économique et annonçant une croissance des inégalités sociales.
Quelque 46.000 personnes ont rejoint les rangs des chômeurs en août, mettant fin à une période de six mois durant laquelle le chômage avait légèrement baissé. Le nombre de salariés qui ont contribué, par les impôts sur leur salaire, à la sécurité sociale a chuté de 179.000.
Le taux de chômage en Espagne est de 17,8%, soit le deuxième plus élevé de l'Union européenne (UE) après la Grèce (22,5%). Le nombre de jeunes de moins de 25 ans sans travail est de 38,6% (contre 44,4% en Grèce).
Le gouvernement du Parti populaire (PP) attribue l'augmentation du chômage aux facteurs saisonniers, à savoir la fin de la saison touristique.
«Le mois d'août est un mois de transition où se terminent certaines activités d'été, alors que les secteurs qui ralentissent traditionnellement en été, comme la construction ou l'industrie, n'ont pas encore repris leurs activités», a déclaré Tomás Burgos, secrétaire d'État à la sécurité sociale.
Cependant, l'augmentation du chômage a été la plus importante au mois d'août depuis 2008, la pire période du krach économique mondial.
En outre, les chiffres officiels du chômage sont un reflet inexact de la situation réelle des travailleurs, car un nombre toujours plus important d'entre eux, en particulier les chômeurs de longue durée, quittent tout simplement le marché du travail et n'en cherchent plus.
Un quart des chômeurs sont sans emploi depuis au moins quatre ans.
Il faut aussi ajouter les gens qui ont migré à l'étranger à la recherche de travail, qui sont également retirés des statistiques officielles. Selon les chiffres d'inscription des consulats, près de 2,5 millions de travailleurs et de jeunes sont inscrits comme résidant hors de l'Espagne. Il y a des centaines de milliers d'autres qui ne s'inscrivent pas.
En même temps, la redistribution massive de la richesse et des revenus vers le haut, vers certaines des plus grandes banques et fortunes privées d'Europe, s'intensifie depuis le krach financier de 2008 comme résultat direct de la contre-révolution sociale menée par les deux principaux partis de la bourgeoisie espagnole: le PP et le Parti socialiste (PSOE).
Une étude basée sur une compilation de déclarations d'impôt montre que, en seulement quatre ans, entre 2011 et 2015, le nombre de riches – ceux qui possèdent au moins 700.000 € d'actifs – a augmenté de pas moins de 44%, soit de quelque 58.000 personnes. Environ 0,4% de la population possède désormais la moitié de la richesse en Espagne. Ils ont bénéficié du sauvetage bancaire, qui s'élève à 57 milliards d'euros, dont seulement quatre milliards ont été récupérés.
Le résultat de cette attaque prolongée sur les salaires, les conditions de travail et les avantages sociaux est que la moitié des ménages en Espagne ont des revenus inférieurs au seuil de pauvreté officiel (8010 € pour les personnes vivant seules et 16.823 € pour ceux qui ont deux adultes et deux enfants) ou sont à risque de sombrer dans la pauvreté ou l'exclusion sociale. Le nombre de travailleurs et de jeunes dont le revenu est inférieur à 6000 € par an a augmenté de 1,4 million au cours des cinq dernières années pour atteindre 5,4 millions au total.
Les compressions répétées et le resserrement des conditions d'éligibilité entre 2012 et 2015 pour l'allocation chômage et la protection sociale ont entraîné une baisse d'au moins 41% des dépenses totales et une réduction de 31% du nombre de chômeurs qui les reçoivent.
Toujours plus de ménages n'ont presque aucune source de revenus en dehors des retraites des grands-parents. Ces familles dépendent de leurs parents âgés pour les repas, les garderies et autres formes d'aide.
Le taux de chômage croissant de l'Espagne va de pair avec d'autres politiques de classe dirigeante en cours qui accentuent la misère et les inégalités en Espagne.
L'une de ces politiques est l'utilisation de contrats temporaires pour maintenir un large bassin de travailleurs dans un état d'existence précaire, comme instruments jetables des employeurs. Par exemple, plus de 92% des contrats signés en août étaient temporaires. Pour un large éventail de la classe ouvrière, en particulier les jeunes, un contrat de travail permanent est devenu une rareté, presque semblable à gagner à la loterie.
L'Espagne a le troisième taux d'emploi temporaire le plus élevé de tous les pays de l'OCDE, soit 26,1% de la main-d'œuvre, derrière seulement la Pologne et la Colombie. Pour ceux qui sont piégés dans le monde du travail temporaire, un contrat ne fournit pas de sécurité, car les termes du contrat ont été réduits à quelques mois, quelques semaines ou parfois quelques jours. Une conséquence de la «précarité» accrue du travail est l'augmentation de 8,4% par rapport à 2016 du nombre de travailleurs décédés dans les accidents du travail au premier semestre de cette année, soit 300 personnes.
L'effet sur les enfants est dévastateur. L'UNICEF a récemment signalé que l'Espagne avait le troisième niveau de pauvreté infantile de l'ensemble de l'Europe, derrière la Roumanie et la Grèce. Environ 40% des enfants se trouvaient sous le seuil de pauvreté officiel en 2014, soit neuf points de plus qu'en 2008.
La source de ce déclin calamiteux dans la position sociale de la classe ouvrière est l'effondrement de l'ordre économique et politique d'après-guerre, qui a entraîné la croissance du nationalisme et du séparatisme. En Espagne, le système bipartite s'est effondré et les demandes d'indépendance régionale ont augmenté, surtout en Catalogne.
L'enjeu fondamental de ces développements est la mobilisation indépendante de la classe ouvrière en opposition aux élites dirigeantes en Espagne, en Catalogne et en Europe.
La croissance du séparatisme, exprimée dans référendum de l'indépendance catalane du 1er octobre, est un développement rétrograde qui entrave la lutte cruciale pour unir la classe ouvrière en opposition à la contre-révolution sociale menée à la fois par l'Espagne et la Catalogne sous l'égide de l'UE.
La lutte pour l'indépendance catalane est liée à une tentative des couches bourgeoises et de la classe moyenne supérieure pour exploiter leur position économique déjà privilégiée dans les régions les plus prospères d'Espagne. L'une de leurs principales plaintes est qu'ils ne veulent pas que les taxes y soient collectées pour subventionner les régions les plus pauvres d'Espagne.
Le rôle des organisations de la pseudo-gauche telles que CUP est de détourner le mécontentement social, en particulier chez les jeunes, vers les canaux nationalistes, divisant ainsi la classe ouvrière espagnole contre elle-même, pour appuyer des factions rivales de la bourgeoisie.
(Article paru en anglais le 26 septembre 2017)