L’élection présidentielle de dimanche 26 mars en Sarre devait avoir valeur de test politique après l’arrivée à la tête du parti social-démocrate (SPD) de Martin Schulz et d’une campagne systématique de coopération avec le parti Die Linke (La Gauche) et les Verts.
Dans de nombreux médias il avait été question ces dernières semaines d’un changement politique radical dans le Land de Sarre. L’effet « Schulz » y ayant permis au SPD de regagner du terrain après avoir été en début d’année à la traîne de 12 points dans les sondages, derrière l’Union chrétienne-démocrate (CDU). Le SPD et la CDU, qui avaient auparavant dirigé le gouvernement régional via une grande coalition, seraient à égalité, avait-on affirmé.
Les résultats électoraux reflètent cependant une tout autre histoire. La participation électorale avait nettement progressé de 8 pour cent en passant de 62 à près de 70 pour cent, mais ce ne furent pas le SPD, Die Linke ou les Verts qui profitèrent de ce nombre accru de voix mais plutôt la CDU.
« L’effet Martin Schulz n’a pas eu lieu », a déclaré SpiegelOnline. La CDU a gagné plus de 5 points de pourcentage et a recueilli plus de 40 pour cent des voix. Le SPD a perdu près d’un pour cent en chutant en dessous de 30 pour cent. Les Verts ont également perdu 1 pour cent et n’ont pas réussi à atteindre les 5 pour cent nécessaires pour continuer à siéger au parlement du Land.
La perte la plus frappante a été subie par Die Linke et son principal candidat en Sarre, Oskar Lafontaine. Die Linke, qui s’était résolument engagé à former une alliance gouvernementale avec le SPD, a perdu plus de 3 pour cent par rapport aux dernières élections en n’obtenant que 13 pour cent. Lors des élections de l’été 2009, lorsque le parti participa pour la première fois en tant que Die Linke dans la région, il avait remporté 21,3 pour cent des scrutins.
Die Linke n’a pas non plus pu tirer profit de l’effondrement complet du Parti Pirate. Il y a cinq ans, ce parti de protestation qui arbore une voile pirate noire avait été crédité d’un score surprenant de 7,4 pour cent des suffrages, principalement en faisant appel aux jeunes électeurs pour s’opposer à la corruption politique tout en promouvant une plus grande transparence et les droits civils. Dimanche, ce parti a remporté moins de 1 pour cent des voix.
Quant au parti xénophobe Alternative pour l’Allemagne (AfD), il a pu faire son entrée dans le parlement régional avec plus de six pour cent. Ce chiffre était bien inférieur au résultat prévu de 10 pour cent et plus. Le parti d’extrême-droite siège désormais au sein de 11 parlements de Länder sur les 16 que compte le pays.
La plupart des médias ont justifié le gain des voix de la CDU comme étant un vote de confiance attribué à la candidate du parti et ministre-présidente du Land, Annegret Kramp-Karrenbauer. Une telle conclusion est toutefois tout à fait superficielle. Il n’y avait rien de progressiste dans la politique du gouvernement sarrois qui puisse expliquer ce résultat.
Ce petit Land dont la population totalise un peu moins d’un million d’habitants est très endetté et applique depuis des années des mesures d’austérité drastiques.
Le vote a été moins un signe de soutien pour le gouvernement CDU qu’un rejet clair du SPD, de Die Linke et des Verts. Tous les partis parlementaires sont étroitement liés et s’entendent sur toutes les questions politiques importantes. Ils travaillent ensemble dans diverses coalitions au niveau régional et local en imposant la même politique réactionnaire et antisociale à travers tout le pays.
Le parti Die Linke et Oskar Lafontaine sont bien connus pour leur politique en Sarre. Au cours de ses 13 ans de mandat comme ministre-président de la Sarre (1985-1998), il a travaillé en étroite collaboration avec les syndicats pour assurer la liquidation sans encombre de l’industrie charbonnière et sidérurgique du Land. Il ne reste plus aucune des mines de charbon, où travaillaient jadis 60 000 mineurs. Lafontaine combine sa politique antisociale avec des tirades nationalistes et des appels à la guerre commerciale. Lors de la campagne électorale, il a par exemple exigé que l’industrie sidérurgique de la Sarre soit protégée par des tarifs douaniers « similaires à ceux en vigueur aux États-Unis ». Parallèlement, il fait de la propagande contre les réfugiés en réclamant des procédures d’expulsion plus rapides et plus cohérentes.
Les électeurs sarrois ont clairement indiqué qu’ils n’escomptaient aucune amélioration de leur sort d’une alliance gouvernementale entre le SPD, le parti Die Linke et les Verts.
Le résultat de l’élection confirme l’avertissement du WSWS : le « renouveau du SPD » dont on a fait grand cas suite au remplacement survenu à la direction du parti de Sigmar Gabriel par Martin Schulz ne reflète pas un soutien populaire croissant pour le SPD. L’électorat perçoit le SPD pour ce qu’il est : le parti des réformes Hartz IV et de l’Agenda 2010 et qui ont dramatiquement détérioré les conditions de travail et de vie.
Le battage médiatique entourant Schulz est une campagne délibérée lancée par les milieux influents de la classe dirigeante. Ils sont d’avis que le gouvernement Merkel est trop faible et trop discrédité et que les partis conservateurs CDU/CSU trop divisés pour répondre aux défis posés par le gouvernement Trump aux États-Unis, par les conflits transatlantiques croissants et par la dissolution de l’UE.
L’élection en Sarre visait à déplacer l’équilibre du pouvoir vers une coalition rouge-rouge, ou rouge-rouge-verte au niveau régional et fédéral. Cela n’a pas marché. Dimanche soir, Schulz est apparu devant les caméras comme un dirigeant du SPD visiblement surpris et abasourdi pour annoncer qu’il poursuivrait en mai sa campagne aux élections législatives régionales dans le Schleswig-Holstein et en Rhénanie-du-Nord-Westphalie en vue de préparer les élections fédérales de l’automne prochain.
(Article original paru le 28 mars 2017)