Dimanche, au centre-ville de Paris, la police française a attaqué une manifestation d’environ 7000 personnes contre la brutalité policière, tirant des gaz lacrymogènes et en venant aux coups avec les manifestants, tout en bloquant les autres groupes de manifestants pacifiques au mépris des droits démocratiques fondamentaux. La marche a défié l’état d’urgence perpétuellement étendu en France qui, selon les déclarations des responsables du Parti socialiste (PS) ainsi que des membres des partis de droite et néo-fascistes, signifie qu’aucune manifestation ne devrait avoir lieu.
La manifestation a été organisée par la Marche pour la Justice et la Dignité, une organisation créée par les familles des victimes de violences policières dans de multiples banlieues parisiennes. Un cas particulièrement important fut le viol récent de Théo, un jeune de la banlieue ouvrière d’Aulnay-sous-Bois, qui a subi une plaie de 10 cm au rectum par une matraque de police le mois dernier.
L’assaut contre la manifestation est survenu au milieu de l’hystérie sécuritaire incitée par le gouvernement PS et le candidat de droite à la présidence François Fillon lors de la fusillade de l’aéroport d’Orly samedi. Ziyed Ben Belgacem, un français mentalement dérangé de 39 ans, armé et agissant seul, a blessé un policier lors d’une fusillade, puis a été abattu par des soldats patrouillant dans l’aéroport après s’être emparé de l’arme d’une militaire.
L’ensemble de l’aéroport a ensuite été verrouillé.
Ces événements mettent en évidence les tensions sociales explosives en France à la veille des élections présidentielles d’avril-mai et l’atmosphère implacable de droite et sécuritaire suscitée par toutes les factions de l’establishment politique français.
Plusieurs membres de la famille des victimes de violences policières ont pris la parole lors de la manifestation et ont exprimé la profonde colère qui monte dans les quartiers populaires face aux actes de brutalité policière commis en toute impunité. Amal Bentousi, dont le frère Amine a été tué d’une balle dans le dos en 2012 en fuyant la police, a déclaré : « Le meurtrier de mon frère a été condamné, mais il reste encore d’autres familles pour qui ce n’est pas le cas. »
Ramata Dieng, dont le frère Dieng est mort d’asphyxie au cours d’une arrestation en 2007 où la police l’a brutalement retenu et a plaqué au sol, a déclaré : « Nous réclamons que les policiers ne soient pas au-dessus des lois. Nous réclamons que leurs homicides soient jugés à la mesure de ce que prévoit le code pénal. » Se référant aux conclusions des enquêteurs qu’il n’y avait aucune raison d’accuser la police dans l’affaire, elle a ajouté : « Nous en avons marre de ces mascarades de justice. »
À la fin de la manifestation, cependant, alors que la marche s’approchait de la place de la République, des affrontements ont éclaté entre la police et des groupes non identifiés de manifestants cagoulés ou des manifestants du Black Bloc. Les activités de ces forces, dont il fut révélé à plusieurs reprises en France et dans toute l’Europe qu’elles sont infiltrées par des provocateurs policiers, a servi de prétexte à une répression policière, y compris contre des manifestants pacifiques.
Les manifestants du Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA) petit-bourgeois auraient été empêchés de continuer leur route pendant la manifestation, bien qu’il n’y ait aucune indication d’un reproche de la police contre eux. En particulier, étant donné les liens bien connus et très étroits entre le NPA et le Parti socialiste (PS) au pouvoir, le fait que les escadrons de police sous l’autorité PS ciblent les militants NPA est un avertissement. Ils sont prêts à procéder brutalement contre d’autres organisations qui ne sont pas aussi serviles envers les intérêts à long terme du PS.
Ces manifestations donnent une image bien plus vraie de l’attitude de la population envers la police française que le culte incessant de la police et du ministère de l’Intérieur dans les médias et les sondages qui veulent montrer qu’une large majorité de la population appuie l’état d’urgence. Dans une crise sociale et économique profonde en France et à travers l’Europe, les interventions policières dans les quartiers ouvriers de plus en plus exploités et opprimés produisent une colère explosive.
La seule réponse du gouvernement PS profondément impopulaire a été d’essayer de supprimer l’opposition sociale en fomentant une atmosphère sécuritaire hystérique et d’insister constamment sur le rôle de la police dans l’état d’urgence.
Samedi, alors que tout l’aéroport d’Orly a été verrouillé, laissant des milliers de passagers à l’abandon, le président François Hollande et François Fillon, le candidat présidentiel du parti de droite Les Républicains (LR), ont fait des déclarations belliqueuses sur la fusillade. Fillon a utilisé l’incident pour dénoncer toute suggestion selon laquelle l’état d’urgence, qui suspend les droits démocratiques fondamentaux, pourrait être résilié. « Rien, je dis bien rien, n’autorise à lever l’état d’urgence » a-t-il dit.
Hollande a déclaré : « ceux qui s’interrogeaient encore sur le rôle de l’opération Sentinelle (la présence de militaires dans les lieux publics, les aéroports, les gares) doivent comprendre que ce renfort est essentiel, que tout le dispositif a pu répondre parfaitement aux ordres donnés il y a plusieurs mois par moi et par le gouvernement ».
En fait, les rapports initiaux qui émergent donnent à penser que la présence de soldats armés de fusils d’assaut dans des lieux publics à travers la France a plutôt encouragé Belgacem à agir agressivement – cherchant une confrontation avec des soldats pour mettre fin à sa propre vie.
Vers 6 h 55 samedi, il a blessé un policier avec un fusil de chasse lors d’un contrôle de circulation à Garges-lès-Gonesse, au nord de Paris, puis a fui. Il a ensuite appelé sa famille et a dit : « J’ai fait des bêtises, j’ai tiré sur des gens et on m’a tiré dessus ». Il est ensuite allé à un bar à Vitry-sur-Seine, où il a menacé les clients et a tiré plusieurs coups sans toucher personne. Il a ensuite volé une voiture et a conduit à l’aéroport d’Orly.
À 8 h 22, il a affronté une patrouille de trois personnes à l’aéroport, en criant : « Posez vos armes, je suis là pour mourir par Allah. De toutes façons il va y avoir des morts ». Il a tenté et finalement réussi à saisir le fusil d’assaut de la militaire, à ce moment les deux autres soldats l’ont abattu.
La famille de Belgacem a déclaré qu’il n’avait aucun lien islamiste connu, et que ses fusillades étaient dues à une histoire de vol à main armée et de toxicomanie. « Mon fils n’a jamais été un terroriste. Jamais il a fait la prière, et il boit. Et sous l’effet de l’alcool et du cannabis, voilà où on arrive », a déclaré le père de Belgacem alors qu’il était en détention préventive pour interrogatoire par la police.
(Article paru en anglais le 20 mars 2017)