Contre le nationalisme britannique et l’Union européenne !

Une réponse socialiste au Brexit

L’article suivant a été distribué le 25 mars à Londres lors de la manifestation Unite for Europe.

Le déclenchement le 29 mars par la Première ministre Theresa May de l’article 50 du traité de Lisbonne suscite une profusion d’avertissements quant à l’impact de la sortie de la Grande-Bretagne de l’Union européenne (UE).

May est actuellement en déplacement à travers le Royaume-Uni en promettant de « parvenir à un accord satisfaisant » pour tout le monde et en qualifiant le processus de sortie de l’UE qui débute mercredi et qui durera deux ans d’« événement historique qui accélérera un changement de notre rôle dans le monde en voyant la Grande-Bretagne entamer un nouveau chapitre audacieux en tant que nation prospère, ouverte et mondiale. »

Elle effectue sa tournée sur fond de demandes d’un « divorce » à 57 milliards de livres sterling réclamées par l’UE, de menaces de sanction des 27 États-membres restants, de rapports sur une dislocation économique, y compris de banques telles Goldman Sachs et HSBC, qui en quittant Londres mettraient en péril en tout et pour tout 230 000 emplois dans le secteur bancaire et diminueraient de 92 pour cent le nombre de ressortissants de l’UE travaillant comme infirmières en Angleterre.

De plus, l’annonce sera faite dans des conditions où le Parlement écossais de Holyrood, qui est mené par le Parti national écossais, a fait une demande officielle d’organiser un second référendum d’indépendance et où le Sinn Fein en Irlande a soulevé la question du statut des six comtés d’Irlande du Nord comme territoire britannique.

C’est dans ce contexte que la marche nationale vers le parlement a été organisée par Unite for Europe.

Il y a des raisons claires et valables motivant la préoccupation de ceux qui y participeront, y compris la répugnance à l’égard du refus du gouvernement de garantir les droits des ressortissants de l’UE résidant d’ores et déjà en Grande-Bretagne. En outre, les attaques à l’encontre de telles manifestations et qui sont exclusivement centrées sur l’insistance que ces protestations sont inadmissibles parce qu’elles visent à bafouer la « volonté du public », comme l’a exprimé le référendum de l’an dernier, ont des implications entièrement réactionnaires.

La dissidence à l’égard du résultat des 48 pour cent qui ont voté contre le Brexit est entièrement légitime et son passage sous silence n’a rien à voir avec un réel souci pour la démocratie. Il donne simplement carte blanche à l’aile réactionnaire pro-Brexit de la classe dirigeante britannique afin de compléter ce qu’elle décrit avec enthousiasme comme la « révolution [conservatrice] thatcherienne », fondée sur la réduction des impôts sur les sociétés et des dépenses publiques tout en intensifiant l’exploitation de la classe ouvrière en sorte que les entreprises britanniques puissent « quitter l’Europe et pénétrer le monde. »

Ne sont pourtant pas non plus des « amis » de la démocratie et des « valeurs progressistes » ou de l’avenir des jeunes générations, comme ils prétendent l’être, les individus et les tendances politiques qui se trouvent en tête de la manifestation Unite for Europe et de l’opposition plus générale contre le Brexit. Leur seule préoccupation majeure est qu’une mise à l’écart du Royaume-Uni par rapport à l’Europe, et surtout l’exclusion du marché unique, nuirait aux intérêts des capitalistes britanniques. Tout ce qu’ils disent d’autre, et qui est axé sur une apologie politiquement dégradée de l’UE, est un épanchement de moralisme et de mensonges.

C’est pourquoi, après s’être tout d’abord opposé aux efforts visant à « inciter à la haine et à diviser les communautés », etc., l’exigence prioritaire d’Unite for Europe pour « un dialogue ouvert où la société civile britannique est consultée et où le parlement ou le peuple ont le dernier mot quant à notre avenir » est : « Nous voulons rester membre du marché unique. »

Lors de la campagne du référendum sur le Brexit, le Parti de l’égalité socialiste avait décidé de ne soutenir ni le vote de rester (Remain) ni le vote de sortir (Brexit) de l’UE parce que ni l’un ni l’autre ne représentait les intérêts de la population laborieuse. Nous avions appelé à un boycott actif en consacrant nos efforts à expliquer avant tout les questions fondamentales posées aux travailleurs, non seulement en Grande-Bretagne, mais dans l’Europe entière.

Nous avons écrit que l’UE « n’est pas un instrument pour réaliser l’authentique et nécessaire unification de l’Europe », mais plutôt « un mécanisme de soumission du continent aux diktats des marchés financiers ».

L’UE et les gouvernements qui en sont membres ont passé des années à imposer une contre-révolution sociale aux travailleurs européens et une réduction incessante des emplois, des salaires et des conditions sociales, qui ont appauvri des millions de personnes et mis en faillite des pays entiers.

Pour ce qui est de l’association de l’UE à la « libre circulation », sa véritable désignation est celle de « forteresse Europe ». Il s’agit d’un continent entouré de fil de fer barbelé, de murs de béton et de camps de concentration et dont de nombreux dirigeants sont maculées du sang de milliers de réfugiés désespérés fuyant les conséquences des guerres menées par les États-Unis, la Grande-Bretagne et l’Europe.

C’est la raison pour laquelle la xénophobie, qui est attisée par le Brexit, trouve son corollaire dans toute l’Europe, en premier lieu dans la montée des mouvements fascistes tels que le Front National en France.

Unite for Europe, dont la direction effective est une alliance entre la droite du Parti travailliste impulsée par Blair et les libéraux démocrates, ment de la même manière sur sa revendication – qui serait de « résister » non seulement à un « Brexit dur » mais aussi au président américain Donald Trump.

Il est essentiel de distinguer entre une authentique opposition populaire au nationalisme de Trump, au militarisme, au racisme et à la misogynie, et l’usage qu’en font les forces pro-UE du camp Remain. Ils considèrent la présidence de Trump et son alliance avec May comme contraires aux intérêts de l’impérialisme britannique pour deux raisons liées entre elles :

· Sa doctrine de « l’Amérique d’abord » fait de Trump un adversaire actif de l’UE, parce qu’il la considère comme une rivale commerciale dominée par l’Allemagne qui doit être refrénée.

· Il a exprimé des réserves quant à l’engagement des États-Unis envers l’OTAN et l’importance apportée par l’ancien gouvernement Obama à l’intensification des hostilités militaires avec la Russie, alors que la Chine devrait constituer la principale préoccupation de l’Amérique.

La réponse qu’apportent les opposants politiques de Trump à cette question – les démocrates aux États-Unis et les puissances européennes dirigées par Berlin. – est tout à fait réactionnaire.

La principale accusation lancée contre Trump est, de part et d’autre de l’Atlantique, d’être une marionnette du président russe Vladimir Poutine et de s’opposer au renforcement militaire de l’OTAN aux frontières européennes. En Europe, il est question de la construction d’une capacité militaire indépendante afin de projeter sur la scène mondiale les intérêts des principales puissances – allant de pair avec les efforts entrepris pour tirer parti des hostilités américaines à l’égard de Beijing en signant des accords commerciaux qui rendent une confrontation avec Washington de plus en plus certaine.

Un ralliement à l’UE contre Trump, veut donc dire lier la classe ouvrière à une poussée croissante vers la guerre commerciale et le militarisme et qui ne peut signifier qu’une austérité accrue et une confrontation potentiellement catastrophique avec la Russie.

Le Brexit, Trump et la fracture en cours de l’UE selon des frontières nationales ont tous leur origine dans les contradictions irréconciliables du capitalisme qui a précipité par deux fois au 20 siècle l’Europe et le monde dans la guerre – entre le caractère mondialement intégré de la production et la division du monde en États-nations antagonistes.

Après la Seconde Guerre mondiale, les puissances européennes ont cherché, avec le soutien des États-Unis, à stabiliser le continent et à réglementer ces rivalités nationales qui furent jusque-là si désastreuses par le biais d’une intégration économique et politique de plus en plus étroite.

Ce projet a échoué et ne peut être relancé. Seule la mobilisation politique unie et indépendante de la classe ouvrière contre toutes les factions de la bourgeoisie, en Grande-Bretagne, en Europe et à l’étranger, offre un moyen d’avancer.

La tâche à accomplir est la lutte pour un gouvernement ouvrier en Grande-Bretagne et les États unis socialistes d’Europe établis comme partie intégrante d’une fédération mondiale d’États socialistes.

Le rejet conscient de tous les efforts entrepris pour diviser la classe ouvrière selon les lignes pro et anti-Brexit, de la part des éléments les plus sensibles à ce problème, constitue la base essentielle d’un tel mouvement – surtout venant des jeunes gens attirés par les protestations pro-UE en raison du soutien à la « libre circulation » des travailleurs et de l’hostilité déclarée contre la xénophobie.

(Article original paru le 25 mars 2017)

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