Dans une allocution prononcée vendredi au Conseil de sécurité de l'ONU, le secrétaire d'État américain Rex Tillerson a affirmé qu'il y aurait des «conséquences catastrophiques» si les États membres ne prenaient de mesures rapides pour forcer la Corée du Nord à négocier sur les conditions draconiennes américaines.
Tillerson a réaffirmé que «toutes les options» étaient sur la table, en disant que les mesures diplomatiques et financières «seraient renforcées par une volonté de contrecarrer l'agression nord-coréenne avec des actions militaires, si nécessaire».
Il a fait ces remarques pendant que la Corée du Nord faisait l'essai du lancement d'un missile balistique de portée moyenne, tôt samedi matin heure locale, qui aurait échoué.
Les commentaires de Tillerson soulignent le grave danger de conflit que la politique de la corde raide de l'administration Trump a créé dans la péninsule coréenne. Les États-Unis utilisent la menace d'une guerre imminente, qui pourrait rapidement devenir une catastrophe nucléaire mondiale, pour intimider le monde, en particulier la Corée du Nord et la Chine, pour qu'il accepte ses demandes.
Tout au long de son discours, le secrétaire d'État américain a insisté à maintes reprises sur l'idée que le Conseil de sécurité de l'ONU prenne d'urgence des mesures contre la Corée du Nord. «Pendant trop longtemps, la communauté internationale a reculé face à la Corée du Nord. Cette période doit prendre fin», a-t-il déclaré. «Ne pas agir maintenant sur le problème de sécurité le plus urgent du monde pourrait avoir des conséquences catastrophiques.»
Les États-Unis exercent une immense pression à la fois sur la Corée du Nord et sur la Chine grâce à leur développement militaire en Asie du Nord-Est. En plus des jeux de guerre conjoints entre les États-Unis et la Corée du Sud, le Pentagone a envoyé un groupe d'attaque de porte-avion dirigé par l'USS Carl Vinson et un sous-marin nucléaire qui se consacre actuellement à des exercices avec des navires de guerre sud-coréens et japonais près de la péninsule coréenne.
Dans ce contexte, Tillerson a déclaré que les États-Unis «préféraient une solution négociée à ce problème» et a énoncé les termes de tous pourparlers avec Pyongyang. «La Corée du Nord doit prendre des mesures concrètes pour réduire la menace que ses programmes d'armes illégales posent aux États-Unis et à ses alliés avant que nous envisagions des discussions.»
À la fin de la réunion, Tillerson a précisé les conditions: «Nous ne récompenserons pas leur mauvaise conduite avec des pourparlers. Nous ne discuterons avec la Corée du Nord que lorsqu'elle s'engagera de bonne foi à respecter les résolutions du Conseil de sécurité et ses promesses passées de mettre fin à ses programmes nucléaires.»
Une telle entreprise entraînerait l'arrêt de tous les essais nucléaires et antimissiles de la Corée du Nord, la destruction de ses installations nucléaires et leur démantèlement final, ainsi que des inspections fortement intrusives de l'ONU. Tillerson n'a pas indiqué les «mesures concrètes» que Pyongyang devrait prendre avant que Washington «n'envisage des discussions».
Tout le discours était rempli d'hypocrisie. À deux reprises, en 1994 et en 2007, la Corée du Nord a accepté toutes les conditions susmentionnées et a commencé leur mise en œuvre seulement pour voir les accords sabotés après par les États-Unis, qui ont refusé de respecter leur part de l'entente. Washington n'a jamais démontré sa «bonne foi» en allégeant l'embargo diplomatique et économique sur la Corée du Nord qui continue depuis des décennies.
En outre, les affirmations de Tillerson selon lesquelles les États-Unis ne veulent pas de «changement de régime» à Pyongyang et n'ont pas «envie de menacer le peuple nord-coréen ou de déstabiliser la région Asie-Pacifique» sont absurdes. Depuis l'effondrement de l'Union soviétique en 1991, le but à peine déguisé des administrations américaines successives a été d'abolir le régime nord-coréen.
Le discours de Tillerson était en fait un ultimatum fait au monde entier. Il a souligné une série de demandes dirigées aux États membres de l'ONU: qu'ils appliquent pleinement les sanctions existantes contre la Corée du Nord, suspendent ou réduisent les relations diplomatiques et «augmentent l'isolement financier de la Corée du Nord» par de nouvelles sanctions. «Cette nouvelle campagne de pression sera rapidement mise en œuvre et pénible pour les intérêts nord-coréens», a-t-il déclaré.
L'insistance de Tillerson sur la mise en œuvre intégrale des sanctions existantes visait en particulier la Chine, que l'administration Trump a critiquée à maintes reprises pour ne pas l'avoir fait. «Nous devons tous faire notre part, mais la Chine, qui représente 90 pour cent du commerce nord-coréen, a un levier économique unique et son rôle est particulièrement important», a-t-il déclaré.
Le ministre chinois des Affaires étrangères, Wang Yi, a réfuté cette critique en déclarant: «La situation dans la péninsule coréenne n'est pas causée par une seule partie, et il n'est pas non plus raisonnable de demander à n'importe quelle partie d'en prendre seule la responsabilité.» Wang a de nouveau appelé ces parties directement impliquées – les États-Unis et la Corée du Nord – à «démontrer leur réelle ouverture au dialogue et à reprendre ce dialogue» et a mis en garde contre «la rhétorique ou l'action provocatrices».
Les remarques de Tillerson dans l'ONU sont conformes aux commentaires de jeudi soir du président Trump, quand il a déclaré que «nous aimerions régler les choses diplomatiquement, mais c'est très difficile». Il a ensuite précisé que si la campagne de pression, en particulier par la Chine , échouait, alors la seule option était la force militaire. Trump a prévenu qu'il y avait «absolument» la possibilité d'un «important, très important conflit» avec la Corée du Nord.
Ayant amené la péninsule coréenne au bord de la guerre, l'administration Trump n'est pas disposée à attendre des mois que Pyongyang accepte ses demandes. Le Korean Times a rapporté la semaine dernière que la Chine et la Corée du Nord mènent des pourparlers secrets. Il a fait remarquer que la NBC avait cité une source gouvernementale américaine qui a dit que Pékin avait envoyé ses «principaux négociateurs du nucléaire» pour «communiquer la gravité de la situation au Nord».
Selon le journal, l'analyste militaire de Hong Kong, Liang Guoliang, a indiqué que, dans les pourparlers, la Corée du Nord avait exigé que la Chine garantisse sa sécurité et son économie et qu'elle lui accorde trois ans pour abandonner ses armes nucléaires. Les autorités chinoises ont répondu en disant que Pyongyang avait trois mois pour démanteler son arsenal nucléaire et deux à trois semaines pour accepter les conditions américaines.
Le Korean Times a également cité le journaliste sud-coréen Jeong Kyu-jae, qui prétend que les États-Unis ont déjà entamé des pourparlers secrets à New York avec des responsables nord-coréens. «Si le dialogue s'avère productif, le président américain Donald Trump pourrait envoyer clandestinement un envoyé spécial au Nord à la fin avril ou au début du mois de mai», a-t-il déclaré.
Cependant, Jeong a prévenu: «C'est un scénario qui ne peut fonctionner que si les choses se déroulent en douceur. Si les pourparlers échouent, les États-Unis pourraient considérer comme prochaine option une attaque militaire.»
(Article paru en anglais le 29 avril 2017)