Les actes de vandalisme attribués aux manifestants en marge du sommet du G20 de la semaine dernière à Hambourg sont mis à profit pour lancer une campagne sécuritaire à travers tout le pays
Toute critique du capitalisme, de l’austérité, du renforcement de l’armée et de l’intensification des préparatifs de guerre est criminalisée. L’objectif est la construction d’un État policier dirigé non pas contre quelques vandales, mais contre toute la classe ouvrière et toute forme d’opposition sociale.
Tous les partis ont désormais comme enjeu électoral le renforcement de l’appareil d’État à l’encontre des manifestations de gauche et de la résistance sociale. Le président du Parti libéral démocrate (FDP) Christian Lindner s’est exprimé en leur nom à tous lorsqu’il a exigé dans le journal Bild « plus de respect pour la police » en qualifiant la critique du capitalisme d’incendie intellectuel.
Le Parti social-démocrate (SPD) s’est placé à la tête de cette campagne agressive et démagogique pour un renforcement de la sécurité intérieure. En cela, il se fonde sur une longue tradition. Il y a un siècle environ, le ministre social-démocrate Gustav Noske avait déclaré que quelqu’un devait faire office de « molosse sanguinaire » (Bluthund), et il joua un rôle clé en réprimant dans le sang la révolution de novembre 1918, et dans les meurtres de Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht.
De nos jours, le SPD affirme être le mieux en mesure d’imposer la nouvelle politique de grande puissance de l’Allemagne que les partis de droite de l’union CDU-CSU. Le SPD utilise les événements de Hambourg pour s’en prendre par la droite à Merkel et à la CDU-CSU. Ses membres dirigeants cherchent à se surpasser les uns les autres en réclamant davantage d’effectifs policiers ainsi que l’armement des forces de l’ordre.
Le ministre de la Justice, Heiko Maas (SPD), exige une répression implacable contre les délinquants gauchistes, y compris la création d’une base de données à l’échelle européenne des extrémistes visant les extrémistes de gauche et en envisageant un concert « rock contre la gauche » (Rock gegen Links). La direction du SPD a forgé le terme « terrorisme de manifestation » afin de criminaliser une opposition populaire croissante à une politique de plus en plus antisociale et belliciste.
En dépit d’un battage médiatique entourant son nouveau leader, Martin Schulz, le SPD a subi de graves échecs électoraux lors des récentes élections législatives régionales. Le parti est méprisé par de grandes couches de travailleurs et la population en général, qui le perçoivent pour ce qu’il est : le parti de l’austérité des lois Hartz IV et du militarisme. Le SPD réagi à cette opposition en opérant un virage brutal vers la droite. Par sa campagne hystérique contre la gauche, le SPD en appelle maintenant ouvertement à des éléments fascisants d’extrême-droite et qui jusque-là avaient soutenu l’Alternative pour l’Allemagne (AfD).
Le Parti de gauche (Die Linke) se sent attiré par ce virage vers la droite du SPD et réclame un renforcement de l’appareil d’État. Bien qu’il ait participé samedi à la manifestation principale contre le G-20 à Hambourg, Die Linke a explicitement approuvé les brutales actions policières à l’encontre des critiques et renforcé sa coopération avec le SPD et les forces de sécurité.
Sahra Wagenknecht, la présidente du groupe parlementaire de Die Linke et candidate tête de liste du parti aux élections fédérales, a déclaré dans une interview à Die Welt : « À Hambourg, nous avons surtout vu des criminels violents saccageant tout sur leur passage, incendiant des voitures, blessant des policiers et menaçant les riverains. » Certes, admet-elle, de mauvaises décisions avaient été prises en amont par la police, mais « lors des exactions commises plus tard, personne ne peut évidemment prétendre que la police était à l’origine de la violence. Bien au contraire, 500 policiers blessés c’est un chiffre éloquent », a déclaré Wagenknecht.
À Hambourg, le parti Die Linke avait soutenu encore plus ouvertement la police. « La police avait une mission difficile et dangereuse à accomplir. Nous souhaitons un prompt rétablissement à tous ceux qui ont été blessés », ont écrit dans une déclaration Sabine Boeddinghaus et Cansu Özdemir, les coprésidentes du groupe du parti au parlement de Hambourg (Hamburgische Bürgerschaft) et Christiane Schneider, porte-parole pour la politique intérieure.
Sur leur page Facebook, les jeunes de Die Linke à Hambourg ont même qualifié la police de « collègues » en brandissant des menaces contre les manifestants et en offrant leurs services aux forces de sécurité. « Nous souhaitons aux collègues blessés un bon rétablissement et nous adressons expressément un avertissement à tous les auteurs d’actes de violence : toute personne que nous surprendrons en train de faire preuve de violence à l’endroit de nos collègues du GdP [GdP est le sigle du syndicat de la police allemande] sera identifiée et dénoncée par les jeunes de Die Linke de Hambourg. Nous savons où vous habitez et nous n’hésiterions pas à guider aux premières heures de la matinée nos collègues du GdP de Hambourg à vos tentes ou lieux d’hébergement ! »
La défense de la police, qui constitue actuellement la question centrale pour le SPD et Die Linke, équivaut à défendre le terrorisme d’État exercé contre la population et les attaques massives contre les droits fondamentaux que sont la liberté de réunion et la liberté d’opinion. Ce qui fut réellement extraordinaire à Hambourg, ce ne furent pas les actes de vandalisme commis dans le quartier de Schanzen, mais plutôt les opérations provocatrices, brutales et illicites des forces de sécurité.
Le « Comité pour les droits fondamentaux et la démocratie » (Komitee für Grundrechte und Demokratie) avait envoyé 43 observateurs à Hambourg. Ceux-ci avaient publié un premier rapport en début de semaine précisant : « Nous avons constaté à quel point la police a pris ces derniers jours le contrôle des événements dans la ville. Elle a envenimé la situation, ignoré les droits des citoyens et les droits de l’homme, fourni de fausses informations au public et fait usage d’une violence extrême à l’égard des gens. » Soutenue par le gouvernement de Hambourg, la police a « testé l’état d’urgence. »
Les affirmations de la police et des forces de sécurité selon lesquelles elles auraient été surprises par l’ampleur des violences fait partie intégrante de la campagne de propagande mensongère. En réalité, les scènes d’affrontement dans les rues, de pillage et de voitures en feu étaient recherchées par les forces de l’État pour précisément mener à bien la campagne politique en faveur du renforcement de l’État et faire de l’agitation contre les critiques de gauche du capitalisme qui se développent actuellement.
Les preuves en sont multiples. Des Videos prouvent que des policiers en civil et armés étaient actifs à Hambourg parmi les manifestants anarchistes. En Allemagne et en Europe, les milieux anarchistes sont fortement infiltrés par des agents provocateurs de la police, et les autorités étaient tout à fait conscientes que des groupes, prêts à commettre des actes de violence, en provenance de plusieurs autres pays devaient arriver. Et, malgré cela, la police s’était tout d’abord repliée au moment où les violences nocturnes ont éclaté dans le quartier de Schanzen. Elle laissa visiblement le champ libre aux hooligans violents en se consacrant plutôt à enregistrer des vidéos et à prendre des photos.
Les autorités de sécurité savaient aussi que des extrémistes de droite et des hooligans participaient aux actes de violence. À cet effet, le NPD néo-nazi de Hambourg avait lancé un appel en amont des manifestations disant qu’il serait présent. Il avait l’intention de « transmettre aux manifestants la perspective nationaliste de base nécessaire », avait déclaré sur Internet le parti néo-fasciste. Le groupe d’extrême-droite « Hooligans contre Salafistes » (Hogesa) avait également appelé en ligne ses membres à se rassembler samedi à la gare centrale de Hanovre afin de se rendre à Hambourg.
Cet appel était connu des autorités parce qu’il y avait à la gare du lieu de départ une présence accrue de la police fédérale et des agents de la sécurité ferroviaire, avait déclaré le journal dimanche Hannoversche Allgemeine Zeitung. Lundi, le journal Hamburger Morgenpost écrivait que le samedi précédent, « plus d’une dizaine de néo-nazis s’étaient réunis à la gare centrale de Hambourg. Dans la soirée, le groupe s’était rendu dans le district de Schanzen pour s’associer aux actes de vandalisme.
Le SPD et Die Linke sont au courant de tout cela. Leur appel à davantage de policiers et au renforcement de l’appareil d’État est une réaction à la rapide intensification de la crise mondiale du capitalisme. L’élection de Donald Trump comme président américain a amené à la surface la pourriture du système capitaliste. L’amer conflit persistant au sein de la classe dirigeante américaine est en train de déstabiliser la puissance occidentale et d’intensifier la lutte des classes aux États-Unis et internationalement. Alors que les conflits entre les grandes puissances s’aggravent, les régimes oligarchiques sont déterminés à faire valoir leurs intérêts contre la population. C’est ce qui est apparu très clairement durant le sommet du G20 à Hambourg.
La classe dirigeante allemande a réagi à la politique de l’« Amérique d’abord » du gouvernement Trump en promouvant la guerre commerciale et le militarisme. Soixante-dix ans après la défaite des nazis de Hitler, la classe dirigeante allemande revendique une fois de plus le droit de « diriger l’Europe afin de diriger le monde », comme cela fut formulé en 2014 par le ministère des Affaires étrangères. À cet effet, le budget militaire devra passer de 37 milliards d’euros en 2017 à plus de 60 milliards d’euros en 2024. Dans les milieux sécuritaires, des discussions sont en cours en vue de l’acquisition par l’Allemagne de l’arme nucléaire.
Tout comme dans les années 1930, cette politique ne peut être mise en œuvre que par une dictature. La campagne électorale fédérale est en train d’empirer considérablement du fait de l’hystérique campagne sécuritaire que mènent tous les partis capitalistes. La politique et les points de vue de gauche sont criminalisés dans le but d’amener au pouvoir un gouvernement fondé sur des forces d’extrême-droite et fascistes capables d’imposer par la force la politique de l’élite dirigeante.
Le Parti de l’égalité socialiste (Sozialistische Gleichheitspartei, SGP) est le seul parti politique à participer aux élections fédérales en se fondant sur un programme socialiste et internationaliste contre la guerre et les inégalités sociales et pour la défense des droits démocratiques. Le SGP avertit les travailleurs des énormes dangers auxquels ils sont confrontés en les préparant aux batailles de classe à venir.
(Article original paru le 13 juillet 2017)