Environ 10 000 éboueurs ont été licenciés la semaine dernière par le gouvernement Syriza en Grèce afin d’équilibrer le budget et de répondre aux demandes potentielles des créanciers du pays aussi rapidement que possible.
Dans la foulée de l’imposition de réductions drastiques des retraites, de privatisations et de hausses des impôts pour les sections les plus pauvres de la population afin de respecter ses obligations de rembourser ses emprunts du Fonds international monétaire et de l’Union européenne (EU), Syriza lance une attaque éhontée sur les travailleurs du secteur public.
Une grève puissante s’est développée contre les licenciements, et les éboueurs ont débrayé lundi dernier, ce qui a arrêté la collecte des déchets à Athènes, Thessalonique et d’autres villes. Les travailleurs bloquent actuellement les installations d’élimination des déchets pour empêcher une opération de bris de grève organisée par l’État. Seuls les hôpitaux et d’autres services nécessaires à la santé publique ont été exclus de la grève.
Les travailleurs manifestent une énorme détermination. « Tout ce que nous voulons c’est du travail, n’importe qui dans le monde peut comprendre cela. Des emplois pour que nous puissions nourrir nos familles », a déclaré Manolis Skoulas à l’agence de presse Xinhua.
Skoulas travaillait auparavant dans la construction, mais a perdu son emploi pendant la crise économique et a été embauché par le service d’élimination des déchets en 2011. Il a deux jeunes enfants et fait partie des travailleurs licenciés. « Je ne sais pas quoi faire. J’ai 51 ans. Personne ne m’engagera dans le secteur privé. Ils préfèrent les travailleurs plus jeunes et moins chers », a-t-il déclaré.
Ce sont là des commentaires typiques des éboueurs, qui exercent des tâches physiquement exigeantes et ne gagnent pas plus de 700 € par mois. Maintenant, ils sont licenciés sans compensation.
Le gouvernement est bien conscient des tensions sociales accrues et traite donc les grévistes avec une extrême brutalité. Les manifestants qui se sont rassemblés devant le ministère de l’intérieur à Athènes lundi ont été durement attaqués par la police. Selon l’agence de presse AMNA, un procureur prépare des procédures pénales contre les grévistes au motif de mise en danger de la santé publique. Le maire de Thessalonique, Jannis Boutaris, a annoncé qu’il contracterait une entreprise privée pour l’élimination des déchets.
La mise à pied en masse des éboueurs marque un nouveau point fort des attaques sociales organisées par Syriza en Grèce.
Certains des travailleurs licenciés ont été employés par le service public d’élimination des déchets depuis 16 ans, mais sont restés sur des contrats temporaires pendant toute cette période. De cette façon, plusieurs gouvernements ont utilisé cela comme un moyen de s’assurer une loyauté politique. La Coalition de la gauche radicale (Syriza) a promis lors de sa campagne électorale de mettre fin à ce système précaire et d’embaucher les travailleurs en CDI.
Mais le chef de Syriza, Alexis Tsipras, avait à peine pris ses fonctions qu’il défendait ce système et n’a fait que prolonger les contrats de huit mois. Le bureau d’audit a déclaré cette pratique inacceptable la semaine dernière parce que les emplois n’étaient pas à durée indéterminée. Les contrats des 10 000 travailleurs étaient donc nuls et ne pouvaient pas simplement être prolongés, selon le tribunal.
Le gouvernement Syriza n’avait pas l’intention de profiter de cette occasion afin de réaliser son engagement électoral et de garantir aux travailleurs la sécurité en les embauchant en CDI. Au lieu de cela, le ministre de l’Intérieur, Panos Skourletis, a utilisé la décision pour imposer des mises à pied en masse. Il a insisté sur l’exigence du FMI et de l’UE selon laquelle chaque nouvelle embauche dans le secteur public doit être accompagnée de quatre mises à pied afin d’équilibrer le budget.
En conformité avec cela, le gouvernement ne remplacera les 10 000 travailleurs licenciés du service d’élimination des déchets de l’État qu’avec 2500 travailleurs. De cette façon, Skourletis détruira 7500 emplois d’un seul coup. Cela représente environ le quart de la main-d’œuvre. En outre, il a l’intention de faire une annonce d’emploi pour 2500 nouveaux postes afin que les travailleurs âgés, qui ont effectué ce travail exigeant pendant de nombreuses années, n’aient presque aucun espoir d’être réembauchés.
Cependant, il n’est pas tout à fait clair si les stipulations des créanciers s’appliquent dans le cas présent, puisque ce ne sont pas de nouvelles embauches au sens strict du terme, mais la transformation des conditions de travail existantes. Skourletis et Tsipras se précipitent pour faire respecter loyalement les exigences d’austérité et vont au-delà des réductions demandées.
Le 14 juin, Tsipras se vantait dans le quotidien Die Welt du fait qu’il était le meilleur en Europe pour les coupes budgétaires. « Au cours des deux années où notre gouvernement est en fonction, nous avons mis en place plus de réformes que tous les autres États européens combinés », a-t-il déclaré. Son gouvernement a maintenant « franchi une étape encore plus loin » et a déposé des propositions budgétaires pour 2019 et 2020 pour satisfaire les créanciers.
En fait, Syriza est allé plus loin que tout autre gouvernement pour garantir aux banques, au FMI et à l’UE qu’ils rembourseront toute la dette grecque. Rien que pour obtenir la dernière tranche de prêt, le gouvernement Syriza a imposé des réductions des pensions de retraite de 9 à 18 pour cent, baissé le seuil de revenus exonéré d’impôt de 8636 à 5681 euros et réduit les subventions pour le chauffage domestique, l’assurance chômage et d’autres prestations sociales. Les privatisations et les licenciements massifs ont également été rendus plus faciles.
Cette politique s’est heurtée à une forte résistance de la classe ouvrière. En mai, des marins, des journalistes et des travailleurs du secteur public se sont mis en grève. Des protestations et des manifestations se produisent régulièrement. Les chauffeurs de bus à Thessalonique ont débrayé parce que leurs salaires n’ont pas été payés depuis des mois. La grève actuelle des éboueurs dépasse les précédentes manifestations à la fois en longueur et en intensité.
Pour supprimer cette opposition, Syriza travaille en étroite collaboration avec les syndicats, qui restreignent régulièrement les grèves et les conduisent dans une impasse. Mardi, des responsables du syndicat représentant les travailleurs municipaux, POE-OTA, ont rencontré Tsipras pour discuter de la façon dont la grève pourrait être terminée. Les dirigeants syndicaux ont par la suite constaté à quel point les discussions s’étaient bien passées et ont déclaré qu’ils s’attendaient à une « proposition améliorée ». Mais face à la colère de la main-d’œuvre, ils ont déclaré que la grève continuerait jusqu’à jeudi.
(Article paru en anglais le 28 juin 2017)