«Hitler n’était pas un psychopathe; il n’était pas cruel. Il ne voulait pas que les gens parlent de l’extermination des juifs à sa table. »
«Dans la mesure où plusieurs personnes viennent de l'étranger et que la population n'est pas impliquée dans la réglementation de ces problèmes, des agressions vont naturellement survenir.»
Il est évident comment les politiciens et les éditorialistes allemands réagiraient si Donald Trump avait publié ces déclarations sur Twitter ou les avait prononcées dans une conférence de presse. Ils l'accuseraient de vouloir minimiser les crimes d’Hitler et des nazis.
En effet, après que Trump se soit solidarisé avec la foule fasciste à Charlottesville, le candidat du Parti social-démocrate pour la chancellerie, dans les élections parlementaires du mois prochain, Martin Schulz, a dénoncé la «minimisation de la violence nazie» de Trump. La couverture du numéro actuel du Der Spiegel représente Trump portant une robe du Ku Klux Klan et proclame: «Voici le vrai visage de Donald Trump».
Il est difficile d’exagérer l’hypocrisie de la classe dirigeante allemande. Lorsque le professeur allemand extrémiste de droite Jörg Baberowski, la source des déclarations citées au début de ce commentaire, banalise les crimes des nazis et soutient la violence de droite, il n’y a aucun tollé de l’establishment politique ou médiatique. Au contraire, ces mêmes cercles diffament et cherchent à censurer ces voix critiques qui se soulèvent en opposition aux apologies pronazies de Baberowski – surtout le World Socialist Web Site.
Sous la protection de forces influentes dans les sphères politiques, les médias et l’armée, Baberowski a utilisé pendant des années sa position à l’Université d’Humboldt pour faire de la propagande contre les réfugiés, défendre des méthodes de guerre illégales et blanchir les nazis. Ses déclarations extrémistes de droite vont bien plus loin que tout ce que Trump ait pu dire publiquement. Par exemple, Baberowski est un partisan déclaré d’Ernst Nolte, l’apologiste nazi le plus connu parmi les historiens d'après-guerre. «On a commis une injustice envers Nolte. Historiquement parlant, il avait raison», a dit Baberowski à Der Spiegel en 2014.
La puanteur du révisionnisme historique émane des travaux «académiques» de Baberowski. Dans un essai publié en 2009, il a écrit qu’une comparaison entre l'histoire d'avant-guerre du stalinisme et du nazisme «ne favorisait pas les bolcheviques du point de vue moral». Il argumente que la guerre d’annihilation d’Hitler dans l’est n’avait pas été planifiée par les nazis, mais «imposée» à la Wehrmacht allemande par Staline. Dans son dernier livre, Spaces of Violence, il va même jusqu'à déclarer ceci: «Il n’y avait pas d’antisémites particulièrement déterminés dans les Forces armées [allemandes].»
À la minimisation des crimes des nazis par Baberowski s'ajoutent des appels à la guerre et la violence. Dans une table ronde au Musée Historique allemand sur le sujet de «L’Allemagne: une puissance interventionniste?» il a dit, sur la question de combattre des acteurs non étatiques tels les talibans en Afghanistan et l'État islamique en Syrie et en Irak: «Et si l'on ne veut pas prendre des otages, brûler des villages, pendre les gens et semer la peur et la terreur, comme le font les terroristes, si l'on n'est pas prêt à faire de telles choses, alors on ne pourra jamais gagner ce genre de conflit et il vaut mieux ne pas s’en mêler.»
Baberowski est glorifié pour ses déclarations inhumaines par l’extrême droite en Allemagne, qui l’accueille comme un des leurs. Mais ceci n’est pas limité au milieu néo-fasciste en Allemagne. Il est également encensé par les forces extrémistes de droite aux États-Unis responsables de la fureur fasciste à Charlottesville.
En décembre 2015, le site web d’extrême droite Breitbart News, mené par le stratège en chef récemment destitué Stephen Bannon, a écrit que le professeur «hautement respecté» mettait en garde contre la disparition de l’Allemagne telle que nous la connaissons. Breitbart a cité avec approbation un extrait d’une entrevue que Baberowski avait accordée au Huffington Post, incluant le commentaire: «L’Allemagne ne sera plus capable de rester à l’écart des guerres et des conflits. Et l’Allemagne que nous connaissons disparaitra à cause de l’immigration de masse.»
Le site de propagande néonazie Daily Stormer, qui a joué un rôle prédominant à Charlottesville, a, environ au même moment, a exprimé son affinité avec Baberowski. Il a cité ses attaques racistes sur la politique des réfugiés du gouvernement allemand, incluant la déclaration suivante: «Il était imprudent de prendre des selfies avec des réfugiés qui ont été partagés à travers le monde, et il était également imprudent de déclarer au monde que n’importe qui peut venir en Allemagne parce que nous ne pouvons pas avoir de limite maximale.»
Pourquoi est-ce que les mêmes médias qui critiquent Trump défendent aussi férocement l’extrémiste de droite Baberowski en Allemagne? La réponse est simple: parce qu’ils préparent les mêmes politiques que celles menées par Trump aux États-Unis.
Trump n’est pas un phénomène isolé. Il est le résultat de guerres sans fin et d’attaques ininterrompues sur la classe ouvrière. Son gouvernement de milliardaires, de généraux et de fascistes expose le vrai visage du capitalisme américain. La classe dirigeante américaine ne peut défendre sa richesse et son pouvoir qu’en brandissant la menace de l’annihilation nucléaire contre ses rivaux internationaux et celle du fascisme contre sa propre classe ouvrière.
Cela produit des frictions et des conflits à l’intérieur même de l’élite dirigeante. Les critiques de Trump au sein de l’establishment politique et de l’État craignent que l’opposition sociale devienne incontrôlable si Trump se solidarise trop ouvertement avec la droite fasciste. Par contre, les politiques de guerre, de torture et d’assassinat par drone, l’enrichissement de Wall Street aux dépens de la classe ouvrière et la construction d’un appareil de surveillance et de répression n’ont pas été inventés par Trump. Ils ont été lancés par ses prédécesseurs: Bush Sr et Jr, Clinton et Obama.
La classe dirigeante allemande réagit à la crise du capitalisme mondiale avec les mêmes mesures. La semaine même où Baberowski déclarait qu’Hitler «n’était pas cruel», le président allemand Gauck, le ministre des Affaires étrangères Steinmeier et la ministre de la Défense Von der Leyen proclamaient la «fin de la retenue militaire». Depuis, la reconstruction des forces militaires et domestiques de répression est menée sans répit.
Le retour du militarisme allemand nécessite la minimisation de ses crimes historiques. Le collègue de Baberowski, Herfried Münkler, a dit au Süddeutsche Zeitung en 2014: «Il ne peut guère y avoir une politique responsable en vigueur en Europe quand on entretient l’idée que tout était de notre faute. En ce qui concerne 1914, c’est une légende.»
Tous les partis de l’establishment sont d'accord sur cette question. Baberowski n’est pas qu’un invité bienvenu à la fondation Konrad Adenauer, qui est aligné avec l’Union chrétienne-démocrate, il est aussi invité à participer à des tables rondes des Verts et du parti La Gauche. La présidente sociale-démocrate de l’Université Humboldt, Sabine Kunst, a menacé de poursuivre au criminel les critiques de Baberowski, même si un tribunal a ultérieurement statué que Baberowski peut être légitiment décrit comme un «extrémiste de droite».
Le Sozialistische Gleichheitspartei (SGP – Parti de l’égalité socialiste) et son organisation jeunesse, les Étudiants et jeunes internationalistes pour l’égalité sociale (ÉJIES), sont les seules organisations politiques qui se sont dès le début opposées publiquement aux positions extrémistes de droite de Baberowski et qui ont mis en garde de leurs conséquences – qui ont été horriblement mises en évidence à Charlottesville. Les représentants de l’impérialisme allemand peuvent pointer Trump du doigt aussi souvent qu’ils le souhaitent, mais plusieurs travailleurs et jeunes savent désormais que la chancelière de l’Union chrétienne-démocrate Angela Merkel, que le candidat du Parti social-démocrate Schulz, qu’Oskar Lafontaine du parti La Gauche et que leurs amis politiciens capitalistes, de «gauche» comme de droite, défendent les mêmes politiques réactionnaires.
L’expérience de la montée du fascisme en Allemagne a démontré que le danger de la guerre et de la dictature fasciste ne peut être combattu que par la mobilisation indépendante de la classe ouvrière sur la base d’un programme socialiste. Le SGP utilise présentement la campagne d’élection fédérale allemande, de concert avec ses parties frères en Amérique du Nord, en Europe et en Asie, pour exposer les promoteurs de guerre des deux côtés de l’Atlantique et construire un puissant mouvement socialiste de la classe ouvrière internationale.
(Article paru en anglais le 22 avril 2017)