Le président Donald Trump a annoncé une escalade majeure de la guerre des États-Unis en Afghanistan dans un discours télévisé national lundi soir, bien qu’il n’ait pas donné de détails sur le nombre de soldats supplémentaires qui seront envoyés ou sur l’étendue ou la durée de l’engagement militaire. Trump a également lancé des menaces contre le Pakistan dans des remarques clairement élaborées en étroite coordination avec les principaux généraux militaires qui dominent son gouvernement.
Tandis que Trump a plaidé la nécessité militaire comme principale raison de ne pas divulguer combien de soldats seront ajoutés aux 8400 déjà déployés en Afghanistan, ou combien de temps elles vont y rester, son but n’était pas de cacher ces faits secrets aux talibans – qui en prendront connaissance assez rapidement – car ils ont des sympathisants dans tout le gouvernement afghan et dans tous les districts du pays.
Trump veut surtout cacher l’étendue de cette escalade au peuple américain qui, il l’a admis lui-même, est « fatigué de la guerre », 16 ans après les attentats du 11 septembre et l’invasion américaine de l’Afghanistan.
Le secrétaire à la Défense, James Mattis, ancien général des Marines, a été autorisé depuis juin à envoyer 4000 soldats américains en Afghanistan, mais l’action a été reportée en attendant que les hauts responsables mènent ce qui a été décrit comme un passage en revue complet de la stratégie américaine en Asie du Sud.
On s’attend à ce que les troupes se mettent rapidement en place afin qu’elles puissent participer à une série en cours de batailles sanglantes dans tout l’Afghanistan, cherchant à ralentir l’offensive d’été traditionnelle des insurgés talibans.
Au cours du mois dernier, cinq capitales de district sont tombées aux mains des insurgés, qui contrôlent maintenant 48 des 407 districts. Les districts contrôlés par le gouvernement sont à peine au nombre de 100, moins d’un quart du total, tandis que le reste est disputé, dans certains cas gérés par le gouvernement dans la journée et par les talibans dans la nuit.
Mis à part une brève référence aux attentats du 11 septembre, qui furent le prétexte de l’invasion américaine initiale et du renversement du régime taliban à Kaboul, Trump n’a pas tenté de fournir une explication, encore moins une justification, pour la guerre la plus longue de l’histoire des États-Unis.
En fait, la simple durée de la guerre et ses milliers de victimes subies par les forces américaines ont été cités comme argument par Trump pour poursuivre et étendre le conflit. La première conclusion de l’examen de la guerre par le gouvernement était la nécessité « d’un résultat honorable et durable digne des sacrifices énormes qui ont été faits, en particulier les sacrifices de vies ». La mort justifie plus de morts.
Le nombre de morts et de mutilés parmi la population afghane est de plusieurs centaines de milliers, ainsi que des millions de réfugiés. Ce carnage colossal ne fera que de s’accroître rapidement lorsque l’étendue et la férocité des opérations militaires américaines augmenteront.
La guerre en Afghanistan revêtira un caractère encore plus sanglant dans le cadre des nouvelles politiques annoncées par Trump. « La micro-gestion depuis Washington, DC, ne gagne pas de batailles », a-t-il déclaré, annonçant qu’il supprime toutes les contraintes sur les opérations militaires, donnant aux commandants sur le terrain le feu vert pour utiliser la force comme bon leur semble. Cela signifie abroger les restrictions établies sous les mandats de Bush et Obama suite aux atrocités bien documentées, telles que les bombardements de noces afghanes ou des raids d’hélicoptères qui ont rasé des hôpitaux et des villages entiers.
Encore plus imprudent et incendiaire, il y a le changement de politique des États-Unis envers le Pakistan, que Trump a dénoncé pour avoir « continué à abriter des criminels et des terroristes ». Il s’est plaint : « Nous avons payé des milliards et des milliards de dollars au Pakistan, pendant qu’ils abritent les mêmes terroristes contre qui nous nous battons. Mais cela devra changer. Et cela changera immédiatement. »
Trump ne parle pas simplement de la poursuite des attaques illégales de missiles tirés depuis des drones américains contre les talibans et d’autres milices afghanes se cachant dans les régions tribales Pachtounes dans l’ouest du Pakistan. Il menace d’adopter une attitude ouvertement hostile de la part des États-Unis envers un pays doté d’armes nucléaires et dont la population est de 190 millions d’habitants, en commençant par un éventuel arrêt de l’aide financière et militaire des États-Unis.
Le président américain a menacé le Pakistan. Il agite le spectre de Washington renforçant son « partenariat stratégique avec l’Inde », qu’il a qualifié de « partenaire clé des États-Unis dans les domaines de la sécurité et de l’économie ». Washington a cultivé des relations diplomatiques et militaires avec l’Inde depuis deux décennies, cherchant à transformer l’Inde en un état de première ligne dans la stratégie américaine d’encerclement de la Chine. Le discours de Trump a été un avertissement au Pakistan selon lequel les États-Unis sont prêts à se rallier ouvertement à l’Inde contre le Pakistan dans le conflit de longue date entre les deux puissances nucléaires de l’Asie du Sud.
Trump a également abordé brièvement les intérêts matériels qui sous-tendent l’intervention des États-Unis en Afghanistan, en disant : « Comme le premier ministre de l’Afghanistan l’a promis, nous allons participer au développement économique pour nous aider à amortir les coûts de cette guerre. »
Derrière ce langage flou se trouve tout simplement le pillage impérialiste. Trump a récemment cité des études montrant que l’Afghanistan possède au moins pour 3000 milliards de dollars de ressources naturelles, plus de quatre fois le montant estimé à 714 milliards de dollars des dépenses militaires et de reconstruction américaines dans le pays depuis 2001. Comme CNBC l’a rapporté samedi, « Trump cherche une victoire militaire en Afghanistan, mais les efforts américains peuvent encore y donner lieu à des gains financiers. L’Afghanistan possède des minéraux rares cruciaux pour la production industrielle, dont le cuivre, l’or, l’uranium et les combustibles fossiles ».
L’annonce de Trump d’une position plus agressive en Afghanistan est la première décision politique majeure de la Maison Blanche depuis le remaniement par Trump du personnel clé de la Maison Blanche, remplaçant le chef de cabinet Reince Priebus par l’ancien général de la marine John Kelly et en renvoyant son stratège politique principal Stephen Bannon.
Lors des discussions au sein du gouvernement qui remontent du moins au printemps, Bannon s’était opposé à l’envoi de plus de troupes en Afghanistan, affrontant à la fois le secrétaire à la défense Mattis et le conseiller à la sécurité nationale, HR McMaster, un général de l’armée en service actif. Il s’est opposé à la plupart des actions militaires américaines au Moyen-Orient en les qualifiant de diversion du conflit entre les États-Unis et la Chine, déclarant dans un entretien la semaine dernière, « la guerre économique avec la Chine est tout ».
Les principaux généraux du gouvernement Trump étaient également furieux de la déclaration de Bannon la semaine dernière selon laquelle il n’y avait aucune option militaire viable pour les États-Unis en Corée du Nord. Après le départ de Bannon, le New York Times a publié un article en première page lundi rapportant que les discussions sur la « guerre préventive » contre la Corée du Nord sont « en vogue à la Maison Blanche ». Le journal a rapporté que « le général McMaster et d’autres responsables du gouvernement ont contesté le point de vue de longue date qu’il n’y a pas de véritable solution militaire au problème nord-coréen », et que le gouvernement envisage sérieusement une première frappe contre la Corée du Nord, une action qui entraînerait la mort de dizaines de millions de personnes.
Le discours de Trump du lundi soir, annoncé seulement 24 heures à l’avance, était clairement un effort pour cimenter ses relations avec les huiles du Pentagone à la suite du renvoi de Bannon et de la crise politique qui a éclaté après la déclaration de sympathie de Trump pour les néonazis qui ont manifesté violemment le 11 août à Charlottesville, en Virginie, et ont causé la mort d’une manifestante antinazie.
Le discours a commencé par une longue déclaration de Trump selon laquelle il n’y avait pas de place pour le fanatisme ou le racisme au sein de l’armée. Le langage a été emprunté directement aux déclarations des membres du chef d’état-major, qui ont tous publié des déclarations après Charlottesville déplorant les racistes et les suprémacistes blancs et présentant l’armée comme un modèle d’unité au-delà des lignes d’ethnies et de genre.
Le rédacteur du discours de Trump a combiné le désaveu de la haine raciale avec un panégyrique des forces armées présentées comme un modèle pour la société américaine dans son ensemble, en utilisant un langage qui ne serait pas hors de propos dans une dictature militaire. Chez les hommes et les femmes de l’armée, a déclaré Trump : « Notre pays a produit une classe spéciale de héros dont l’abnégation, le courage et la résolution sont inégalés dans l’histoire humaine. »
Tout au long du mandat du gouvernement Trump, et après les événements de Charlottesville, les démocrates ont tenté de subordonner et de rediriger toute opposition à Trump derrière les agences militaires et du renseignement, saluant des personnages comme Kelly et Mattis pour avoir fourni une « stabilité » au gouvernement. L’annonce d’une nouvelle étape dans la guerre sanglante en Afghanistan est le fruit de leurs efforts.
(Article paru en anglais le 22 août 2017)