Perspective

Trois mois depuis l'ouragan Harvey: des dizaines de milliers de personnes sont toujours sans demeure après la pire catastrophe naturelle de l'histoire des États-Unis

L'ouragan Harvey a touché terre aux États-Unis à la fin d'août cette année, tuant au moins 90 personnes et dévastant une grande partie de la région autour de Houston au Texas. Trois mois plus tard, des dizaines de milliers de personnes sont sans abri, la construction de maisons a à peine commencé et les conséquences sanitaires à long terme de la catastrophe n'ont pas encore été comptabilisées.

Selon certaines évaluations, Harvey est la pire catastrophe naturelle de l'histoire des États-Unis, avec des coûts estimés à près de 200 milliards de dollars, y compris des dommages causés par les inondations à plus de 300.000 foyers. Il a été suivi en septembre par l'ouragan Irma, qui a frappé les Caraïbes et la Floride, et l'ouragan Maria, qui a détruit une grande partie de l'infrastructure et du parc immobilier sur le territoire insulaire de Porto Rico.

Chacune de ces tempêtes, alimentées par les températures plus élevées causées par le réchauffement climatique, a révélé la négligence criminelle de la classe dirigeante américaine. Des procédures d'évacuation et des refuges d'urgence inadéquats ou inexistants ont entraîné la mort de quelque 250 personnes, selon les chiffres officiels (le nombre de décès à Porto Rico est beaucoup plus élevé que ce qui a été rapporté). Beaucoup d'autres personnes ont vu leur vie bouleversée, les forçant à se débrouiller après la destruction de leur maison.

Les médias américains et leurs présentateurs ont rapidement laissé tomber tout examen de l'impact de Harvey, conformément à la réponse des médias à chaque catastrophe qui frappe les États-Unis.

Selon le Houston Chronicle, trois mois après que l'ouragan a touché terre, plus de 47.000 victimes des inondations vivent dans des hôtels et des motels à travers le sud-est du Texas et au-delà, ce qui témoigne de l'extrême lenteur de la reconstruction des logements.

Selon le Chronicle, ce sont «les plus chanceux». Le journal ajoute: «Des dizaines de milliers d'autres ont bricolé leur propre logis temporaire, vivant avec des parents, dans des tentes ou sur des matelas dans des maisons à peine habitables.

L'aide anémique du gouvernement mise à la disposition de dizaines de milliers de personnes sans assurance contre les inondations au Texas prend essentiellement la forme de subventions temporaires pour l'hébergement dans des motels par l'intermédiaire de la Federal Emergency Management Agency (FEMA – Agence fédérale de gestion des urgences).

Les personnes touchées doivent subir un processus de demande d'aide tortueux. Selon le Houston Chronicle, seulement environ 9500 familles sont éligibles pour une aide au logement supplémentaire par le biais de la FEMA au-delà des subventions temporaires. Parmi celles-ci, «une seule avait pu se réinstaller dans une maison réparée grâce au programme de la FEMA et 223 familles vivaient dans une caravane ou une maison mobile». L'article ajoute que «personne n'a déménagé dans une maison mobile, n'a trouvé d'appartement, ni vu commencer le travail de réparation par les programmes de logement provisoires de l'État».

Une enquête menée par la chaîne de télévision locale KHOU a révélé que 22.208 élèves de la région de Houston sont considérés comme sans abri, certains quartiers signalant un taux de sans-abri pouvant atteindre 10%. Le défenseur des enfants Dr Bob Sanborn a été cité: «C'est quelque chose qui pourrait effectivement affecter toute cette génération», la «génération Harvey».

D'autres conséquences sont plus difficiles à calculer. Un rapport de la National Public Radio a constaté que 25.000 personnes vivant dans la région de Houston ont le VIH et le SIDA, et beaucoup ont dû passer des semaines sans médicaments. «L'ouragan a fermé les pharmacies et les cliniques pendant une semaine ou plus. Les inondations ont ruiné les médicaments. Les personnes qui ont fui vers d'autres États n'ont pas pu obtenir leurs médicaments pour le traitement du VIH.»

Ensuite, il y a l'impact environnemental. Les eaux étaient remplies d'E. Coli, de plomb, d'arsenic et d'autres toxines, ce qui a eu un impact sur ceux qui vivent et travaillent dans la région.

Une grande partie de la construction dans la région de Houston est effectuée par des journaliers, principalement des immigrés sans papiers qui vivent dans la peur constante de la déportation, intensifiée par la politique de l'administration Trump. Ils travaillent sans aucune protection légale, souvent dans des conditions dangereuses.

Associated Press rapporte que le National Day Laborer Organisation Network (le Réseau national pour l'organisation des journaliers) a récemment interviewé des travailleurs journaliers à Houston et a constaté que «la plupart sont régulièrement exposés à la moisissure et à la contamination [...] Environ un quart des plus de 350 travailleurs interrogés ont déclaré qu'on leur avait refusé les salaires promis après Harvey pour le travail de nettoyage, parfois des employeurs qui les ont abandonnés sur les chantiers après avoir terminé un travail.»

Des conditions similaires règnent dans les autres régions dévastées par les ouragans cette saison. Plus de 40.000 personnes ont fait une demande d'aide alimentaire d'urgence en Floride, la plupart d'entre elles dans de longues files d'attente pour obtenir la plus minuscule aide. L'ensemble du parc immobilier de l'île de Barbuda, dans les Caraïbes, a été anéanti et des investisseurs et des spéculateurs s'y sont rués pour saisir des terrains.

La moitié de Porto Rico reste sans électricité plus de deux mois après l'ouragan Maria. Des centaines de milliers de personnes manquent toujours d'eau potable. L'île a connu ce qui doit être décrit comme une crise massive de réfugiés, où des dizaines de milliers de personnes fuient vers les États-Unis pour se loger et travailler. Le gouvernement utilise la catastrophe comme une occasion pour fermer ou privatiser des écoles et licencier des enseignants, comme cela s'est produit après le passage de l'ouragan Katrina à la Nouvelle-Orléans en 2005.

Les catastrophes naturelles exposent la réalité de la vie sociale. Les États-Unis se caractérisent par des niveaux d'inégalités sociales sans précédent. Trois milliardaires possèdent autant de richesse que la moitié la plus pauvre de la population. La semaine dernière, Jeff Bezos, le PDG d'Amazon, a augmenté sa fortune à plus de 100 milliards de dollars: trois fois le montant approuvé par le Congrès américain pour l'aide aux ouragans le mois dernier.

Au cours des quatre dernières décennies, l'élite dirigeante, sous les démocrates autant que sous les républicains, s'est engagée dans une politique obstinée de redistribution des richesses, en canalisant les ressources des programmes sociaux et des infrastructures vers les bilans des entreprises et les comptes bancaires des riches. Les conséquences sont innombrables: de la crise des opioïdes qui sévit dans la plus grande partie du pays à la baisse de l'espérance de vie, à la baisse des salaires et à l'endettement qui monte en flèche pour la majorité de la population.

La principale priorité nationale de la classe dirigeante est de faire voter une réduction d'impôts massive pour les sociétés et les riches, que le Congrès fait passer en vitesse. Même si ce sont les républicains qui sont à l'avant-garde de cette opération de pillage, ils le font avec la complicité de tout l'establishment politique.

Les conditions à Houston illustrent la réalité sociale que les démocrates et les médias tentent d'enterrer en polluant la conscience publique avec la campagne sur les allégations de harcèlement sexuel et l'hystérie néo-maccarthyste sur les allégations selon lesquelles la Russie «sème des divisions» aux États-Unis. Ils espèrent réprimer l'opposition au moyen d'un régime de censure sur Internet.

Les faits, cependant, sont têtus. La dévastation causée par Harvey aura d'autres conséquences, alimentant des sentiments de colère et d'opposition qui ont des implications révolutionnaires.

(Article paru en anglais le 29 novembre 2017)

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