La décision du gouvernement Trump de mettre fin à la neutralité d’Internet, mercredi dernier, marque un jalon dans l’offensive du gouvernement américain et des grandes entreprises pour mettre fin à l’Internet libre et ouvert, ouvrant la voie à une censure généralisée du gouvernement sur les nouvelles et analyses oppositionnelles.
Sous la loi actuelle, confirmée par de nombreuses décisions judiciaires et réaffirmée par la Commission fédérale des communications (FCC) en 2015, les entreprises qui fournissent un accès Internet aux utilisateurs, les « fournisseurs d’accès Internet » (FAI) ne peuvent bloquer ou empêcher l’accès de leurs usagers à aucun site Web ou service.
Mais le projet de la proposition publiée mercredi par le président de la FCC, Ajit Pai, qui est censée franchir le processus d’approbation le mois prochain, mettrait fin au traitement des services Internet en tant que service public depuis des décennies, permettrait aux monopoles Internet comme Comcast, Charter, AT&T’et Verizon la capacité totale de bloquer, d’étrangler et de promouvoir le trafic Internet à volonté.
Cela leur permettra de bloquer ou de limiter l’accès à des sites Web, tels que le World Socialist Web Site, WikiLeaks et d’autres sources d’informations politiquement critiques, entièrement à leur discrétion, ainsi que des réseaux de partage de fichiers pair-à-pair (P2P), utilisés par des organes de presse pour contourner la censure dans le passé.
La fin de la neutralité d’Internet aura également un effet économique substantiel. En supprimant la plupart des réglementations gouvernementales des géants d’Internet, les FAI pourront utiliser leur contrôle du marché pour augmenter les prix pour les consommateurs. Alors que la plupart des gens seront relégués à un Internet lent et largement censuré, la possibilité de communiquer librement des informations sera réservée à ceux qui peuvent payer des prix exorbitants pour des services premium (de premier choix).
De plus, en forçant les fournisseurs de contenu à payer pour un accès premium, la fin de la neutralité de l’Internet menace de rendre les monopoles existants quasiment inattaquables, tout en limitant l’accès pour les petites entreprises et les sites et services participatifs qui n’auraient pas les ressources financières suffisantes pour rivaliser avec les géants de la technologie et des médias. Les FAI seront libres d’augmenter les coûts pour les petits sites et services, ce qui pourrait les pousser à la faillite.
Les grands médias, qui depuis des années s’indignent contre les blogues indépendants, les sites web et autres médias qui ont acquis un lectorat à leurs dépens, chercheront sans aucun doute à utiliser cette décision pour pousser leur avantage économique afin de reprendre le contrôle qu’ils avaient par le passé sur le discours politique.
Le pouvoir qu’on laisse à quelques sociétés est stupéfiant. Les quatre plus grandes entreprises de télécommunications contrôlent plus de 75 pour cent des services Internet à haute vitesse. Plus de la moitié des ménages américains n’a qu’un seul FAI de disponible là où ils habitent, et la majorité des autres ménages n’a le choix qu’entre deux FAI.
Maintenant, ces monopoles géants, qui ont déjà démontré qu’ils sont au service du gouvernement en collaborant aux programmes illégaux de surveillance de masse de la NSA, pourront bloquer l’accès à des sites Web entiers.
Alors que les grandes entreprises de médias sociaux et de distribution de contenu, notamment Facebook et Google, ont affirmé s’opposer à cette décision, elles le font entièrement du point de vue que la neutralité de l’Internet finira par donner aux fournisseurs d’accès Internet plus de pouvoir pour concurrencer leurs propres entreprises.
Facebook, Twitter et Google (propriétaire de YouTube), ont clairement fait savoir qu’ils soutenaient pleinement la censure sur Internet, qui sera la principale conséquence de la fin de la neutralité d’Internet.
Cette semaine, Facebook a annoncé qu’il avertirait les utilisateurs lorsqu’ils liraient le contenu de comptes accusés par les agences de renseignement américaines de diffuser de la « propagande russe », en créant une liste de sites présentant des sources critiques de nouvelles et d’analyses.
Cela faisait suite à l’annonce par le dirigeant de Google, Éric Schmidt, que l’entreprise « déclasserait » RT (Russia Today), Spoutnik et ce qu’elle appelle « ces types de sites », dans ses produits de recherche et de nouvelles. Il s’agit d’une déclaration d’intention ouverte visant à censurer non seulement les sites d’information liés à la Russie, mais aussi toute opposition politique. Les commentaires de Schmidt étaient une confirmation des déclarations du World Socialist Web Site que Google cherche à limiter l’accès aux sites en fonction de critères politiques.
Le YouTube de Google, quant à lui, a connu une vague de censure, supprimant des vidéos et interdisant des chaînes ou en les empêchant de générer des revenus publicitaires quand, selon YouTube, elles propagent des opinions « extrémistes ».
La fin de la neutralité d’Internet joue un rôle clé dans cette campagne de censure. Dans des conditions qui existaient avant la fin de la neutralité d’Internet, les utilisateurs ont pu contourner ces formes de censure brutale en se tournant vers des plates-formes plus petites et plus ouvertes pour trouver et partager des informations.
Mais avec la fin de la neutralité d’Internet, les monopoles de médias sociaux et de streaming pourront, en coupant les accords avec les FAI afin d’étrangler leurs concurrents et maintenir les usagers enfermés sur des plate-formes qui ne servent désormais que de réseaux de distribution de la propagande approuvée par l’État.
Des milliards de personnes partout dans le monde ont adopté Internet, précisément parce qu’il promettait d’être un moyen libre d’accéder à l’information et de la partager. Les organisations oppositionnelles et socialistes, exclues depuis des décennies du discours public par le monopole effectif exercé par les grands journaux, chaînes de télévision et stations de radio, ont trouvé un public affamé d’informations réprimées par les médias de l’élite qui sont de plus en plus discrédités.
Les mensonges du gouvernement – des « armes de destruction massive » pour justifier l’invasion de l’Irak, à la complicité du gouvernement avec les organisations islamistes dans la « guerre contre le terrorisme », et la surveillance massive et la nature corrompue et oligarchique de la politique américaine – ont été exposés par des publications Internet.
Aujourd’hui, dans un contexte de menaces croissantes de guerre et d’inégalité sociale, l’accès du public à d’autres sources d’information est considéré comme une menace intolérable, à exclure et à supprimer.
Les communications Internet ne sont pas un luxe, mais un besoin social vital et doivent être traitées comme un service public. Cependant, dans des conditions où trois milliardaires contrôlent autant de richesse que la moitié de la population américaine, et toute la vie sociale et économique sont contrôlées par un nombre de plus en plus réduit de puissantes entreprises, la fourniture de tous les droits sociaux, des communications aux nécessités les plus élémentaires. Les infrastructures publiques sont considérées comme des privilèges accessibles uniquement à la tranche de plus en plus petite de la population capable de les payer.
La revendication des droits sociaux les plus élémentaires, y compris la liberté de la presse et la liberté de parole, entre en conflit avec le système capitaliste.
La défense d’un internet libre et ouvert est indissociablement liée à la lutte contre le capitalisme, s’appuyant sur la mobilisation indépendante et internationale de la classe ouvrière autour d’un programme socialiste.
Les monopoles technologiques massifs et gonflés, qui voient maintenant leur fonction première comme le blocage, et non la diffusion de l’information, doivent être expropriés et transformés en services publics, pour fournir les connaissances combinées du monde entier à l’ensemble de la population mondiale.
(Article paru d’abord en anglais le 25 novembre 2017)