Lundi dernier, l'administration Trump a annoncé que quelque 60.000 ressortissants haïtiens ne verraient pas leur statut de protection temporaire (SPT) renouvelé. Avec le SPT, les Haïtiens qui ont cherché refuge après le tremblement de terre de 2010 pouvaient vivre et travailler aux États-Unis. Les ressortissants ont maintenant jusqu'en juillet 2019 pour quitter le pays ou ils feront face à la détention et à la déportation.
Une déclaration du département de la sécurité intérieure américain (Department of Homeland Security, DHS) énonce que le délai de 18 mois vise à «permettre une transition ordonnée avant que le statut ne vienne à échéance le 22 juillet 2019».
Les Haïtiens sont le second groupe de ressortissants étrangers en importance vivant aux États-Unis sous le statut de protection temporaire. Le programme fut créé en 1990 pour protéger les ressortissants de la déportation lorsque la branche exécutive déterminait que des désastres naturels ou un conflit armé créaient des conditions empêchant leur retour. Il y a actuellement quelque 300.000 étrangers vivant aux États-Unis sous le SPT.
La décision de lundi dernier vient après que des officiels du DHS ont déterminé que la reconstruction de Haïti suite au séisme de 2010 était suffisante. Un haut représentant du département a statué que les «conditions extraordinaires» qui ont suivi le désastre «n'existent plus».
«Depuis le tremblement de terre de 2010, le nombre de personnes déplacées à Haïti a diminué de 97%», affirme la secrétaire à la Sécurité intérieure Elaine Duke dans un communiqué. «Des étapes significatives ont été franchies pour améliorer la stabilité et la qualité de vie des citoyens haïtiens, et Haïti est prêt à recevoir de manière sécuritaire les citoyens qui retournent».
L'ultimatum de 18 mois, affirme Duke, va permettre une «transition ordonnée», permettant aux Haïtiens «d'organiser leur départ» et à leur gouvernement de se préparer pour leur arrivée.
Toutefois, les affirmations du gouvernement à propos des conditions à l'intérieur du pays le plus pauvre de l'hémisphère occidental sont totalement fausses. Haïti peine toujours à se relever après le tremblement de terre. Plusieurs Haïtiens dépendent de l'argent envoyé par des proches expatriés aux États-Unis. Le gouvernement haïtien a demandé à l'administration Trump de prolonger le statut de protection.
Le 12 janvier 2010, un séisme de magnitude 7.0 a dévasté Haïti, faisant jusqu'à 316.000 morts et déplaçant plus de 1,5 million de personnes. Un rapport des Nations Unies en janvier 2017 affirme que 2,5 millions d'Haïtiens sont toujours en attente d'aide humanitaire.
Le tremblement de terre a de plus blessé environ 300.000 personnes et a laissé 3,3 millions de personnes en pénurie alimentaire. Le désastre a détruit ou endommagé plus de 80% des habitations rurales et des centaines de milliers de personnes ont été forcées à vivre dans des villes constituées de tentes de fortune. Les bâtiments publics tels que les écoles et les hôpitaux furent détruits durant la secousse, endommageant sévèrement de cruciales infrastructures sociales.
Seulement quelques mois après le séisme, l'une des pires épidémies de choléra dans l'histoire récente a rapidement submergé Haïti, tuant des milliers de personnes et infectant plus de 6% de la population en seulement deux ans. Le système de santé haïtien, déjà accablé, a été largement dépassé par l'épidémie.
Les efforts de reconstruction à Haïti ont été lents, et ce malgré les milliards amassés en aide internationale. La Croix rouge est accusée de n'avoir bâti que six maisons à Haïti depuis le désastre. Avec près d'un demi-milliard en dons, la Croix rouge a dépensé des millions pour des dépenses internes.
Le pays a expérimenté de multiples catastrophes depuis le tremblement de terre de 2010. L'ouragan Sandy a déferlé à travers le pays en 2012, causant d'importantes inondations, faisant de nouveaux morts et propageant des maladies infectieuses. Une sécheresse de trois ans a suivi, accroissant le niveau de pauvreté et de famine. En octobre 2016, l'ouragan Matthew a tué au moins 1000 personnes et dévasté tant les régions rurales qu'urbaines. Des arbres et des bâtiments effondrés bloquaient les routes, rendant difficile la distribution de l'aide et des fournitures médicales.
Au-delà des désastres naturels, Haïti est victime de décennies d'occupation par les États-Unis et l'ONU. L'héritage d'occupation et d'invasion a continué à porter ombrage à l'île d'Hispaniola depuis les décennies qui ont suivi la sortie officielle des États-Unis en 1915.
Les Marines américains ont envahi Santo Domingo en 1965 et ont lancé une opération à Haïti en 1994. La Mission des Nations Unies pour la stabilisation en Haïti, aussi connue sous le nom de MINUSTAH, maintient des Casques bleus dans le pays depuis 2004. Les Casques bleus à Haïti ont été accusés d'avoir accidentellement propagé le choléra à la suite du tremblement de terre.
Renvoyer les ressortissants haïtiens dans leur pays d'origine est quasi criminel, mais l'administration Trump soutient que le SPT était conçu pour être temporaire et qu'il ne s'agissait pas d'un moyen pour les gens de devenir des résidents des États-Unis à long terme.
La directrice des politiques du American Immigration Council, Royce Bernstein Murray, a indiqué à la NPR (National Public Radio) que les Haïtiens sous le SPT ont 27.000 enfants nés en sol américain et ayant la citoyenneté, et que dès lors la décision de l'administration Trump allait déraciner ces familles et les plonger dans une crise.
Plus tôt ce mois-ci, l'administration a annoncé qu'elle ne renouvellerait également pas la résidence provisoire de 2500 Nicaraguayens.
(Article paru en anglais le 22 novembre 2017)