Les hauts dirigeants du syndicat canadien de l'auto, Unifor, se sont rendus à Detroit jeudi pour des discussions à haut niveau avec les responsables de General Motors dans le but de mettre fin à la grève des 2800 travailleurs de l'automobile à l'usine d'assemblage de CAMI d'Ingersoll en Ontario. Les travailleurs, qui produisent le VUS Equinox, un véhicule très rentable et populaire, sont en grève depuis le 17 septembre.
Les travailleurs de la base sont déterminés a défendre leurs emplois et à se battre pour des améliorations substantielles de leurs salaires et de leurs conditions de travail après des années de concessions cédées par Unifor et son prédécesseur, les Travailleurs canadiens de l'automobile (TCA), au nom de la «préservation» des emplois. L'usine, qui est régie selon une convention collective séparée, a été utilisée pour établir les nouvelles normes qui sont ensuite utilisées pour abaisser les coûts de production à travers le Canada.
Les responsables d'Unifor ont cherché à décourager les attentes des travailleurs et ont limité leurs demandes à l'atteinte d'une promesse, écrite sur papier, que GM fera d'Ingersoll l'usine «principale» pour la production de l'Equinox. S'il y a une baisse des ventes, Unifor veut que GM congédie en premier les travailleurs aux deux usines mexicaines qui fabriquent le même modèle.
Le pèlerinage à Detroit du président d'Unifor, Jerry Dias, et d'autres importants bureaucrates est survenu après que le président de la section locale 88 Dan Borthwick – qui avait prétendu mardi que «des progrès ont été faits» cette semaine dans les négociations qui avaient recommencé la fin de semaine dernière – a soudainement changé son discours en disant jeudi que rien n'est ressorti d'une «série de rencontres décevantes» avec GM cette semaine.
Les responsables d'Unifor, avec l'aide des médias de la grande entreprise, ne font rien de moins qu'une mise en scène. Les négociations entre Dias et ses acolytes et GM ne se font pas entre des parties qui sont antagonistes, mais entre des «partenaires» patronaux-syndicaux qui sont tous les deux d'accord qu'il faille soutirer encore plus d'argent du dur labeur des travailleurs de CAMI. Si Unifor veut que les fabricants d'automobiles conservent une «présence au Canada», c'est pour cette seule et unique raison: préserver les cotisations syndicales qui vont vers l'organisation et ses relations corporatistes avec les patrons de l'auto, peu importe les salaires de ses membres.
Sans aucun doute, Dias supplie GM d'accorder quelque chose au syndicat pour qu'il sauve la face et puisse désorienter les travailleurs et briser leur résistance face à des concessions encore plus dures. Cependant, jusqu'à maintenant, les responsables de GM ont refusé tout engagement, même insignifiant, pour la production future à l'usine.
Dans une entrevue à la radio jeudi matin, le président de la section locale 88, Mike Van Boekel, a reconnu que GM n'a pas bougé d'un iota sur de tels engagements et que les négociateurs n'ont même pas parlé de salaires, d'avantages sociaux ou des conditions des travailleurs. «Ils ne veulent pas bouger... Ils disent que c'est leur usine et qu'ils décident où va la production», a dit Van Boekel.
La réaction de GM était incompréhensible aux yeux de Van Boekel, car Unifor a passé les trois dernières décennies à aider la compagnie à intensifier l'exploitation des travailleurs de l'auto et à générer des profits records à l'usine. «Nous sommes les meilleurs dans toute catégorie. Nous avons travaillé six jours par semaine pendant les neuf dernières années... Il n'y a pas d'explication logique.»
Van Boekel a admis que les «gens deviennent frustrés» et s'est inquiété du fait que les travailleurs ne soient pas disposés à accepter d'autres reculs. «Ils demandent des concessions dans tellement de secteurs... Ils ont fait 12 milliards $ l'année dernière et ils vont faire 10-11 milliards $ cette année. On n'envisage pas de concessions», a dit Van Boekel.
Tous les travailleurs savent, cependant, que GM n'a pas l'intention de concéder quoi que ce soit gratuitement, même des promesses bidon. En fait, les responsables d'Unifor n'ont fait aucune demande par rapport aux salaires, aux avantages sociaux ou aux conditions de travail et Van Boekel avait déjà dit que le syndicat n'allait pas «faire de demandes qui pourraient entraîner la perte d'emplois».
Lorsqu'on lui a demandé si le syndicat demandait plus d'argent, il a dit que les négociateurs n'ont même pas encore parlé d'argent, «nous en sommes encore aux normes de travail», ajoutant: «Nous n'encaisserons pas de concessions, c'est déjà géré comme une prison, nous ne retournerons pas en arrière.» Lorsqu'on lui a demandé d'expliquer ses commentaires sur les conditions semblables à une prison, Boekel a dit: «Je pense que le pénitencier de Kingston a de meilleurs règlements sur l'absentéisme que ce que nous avons chez CAMI. Nos membres savent comment c'est là-dedans. Nous avons un taux de présence de plus de 99 %. Nous devrions être traités beaucoup mieux que cela.»
Si on met de côté les paroles creuses de Van Boekel selon lesquelles il ne va pas accepter d'autres concessions, sa reconnaissance que les travailleurs de CAMI font face à des conditions comparables au travail des prisonniers représente une sévère critique à l'endroit d'Unifor. Si l'usine CAMI est dirigée comme une prison, alors les responsables d'Unifor en sont les gardes. La question est: Pourquoi les travailleurs devraient-ils prêter allégeance, sans parler de donner une partie de leur salaire durement gagné, à une telle organisation?
La World Socialist Web Site Autoworker Newsletter a lutté, seule, pour que les travailleurs de la base prennent le contrôle de leur lutte, l'enlève des mains d'Unifor et travaille pour l'élargir à travers l'industrie de l'automobile et des pièces d'auto partout au Canada, aux États-Unis et au Mexique. Nous avons exposé les politiques réactionnaires d'Unifor qui tente d'aligner les travailleurs canadiens derrière les mesures de guerre commerciale de Justin Trudeau et de son Parti libéral ainsi que le milliardaire fascisant Donald Trump.
Les responsables d'Unifor ont répondu à l'intérêt grandissant et à l'appui pour la perspective politique et la programme défendus par l'Autoworker Newsletter en lançant une campagne contre le WSWS, y compris en donnant l'instruction aux capitaines de piquets d'ordonner aux partisans du WSWS de quitter les piquets de grève et de retirer tout commentaire favorable sur Facebook de la part des travailleurs.
«L'Autoworker Newsletter les agace», a dit un travailleur de CAMI avec beaucoup d'années d'expérience. «Ils envoient des messages sur Facebook pour dire aux travailleurs d'ignorer le bulletin. Je dis, si vous avez raison, vous avez raison. Je n'aime pas qu'Unifor me dise ce que je dois ou ne dois pas lire. C'est comme ce que fait Google, restreindre les nouvelles auxquelles vous avez accès. Ils ont un intérêt direct à empêcher les travailleurs de lire le WSWS.»
«D'autres travailleurs font circuler vos articles, non seulement à CAMI, mais à Oakville et Oshawa. Vous êtes en plein dans le mille les gars. Trudeau et Trump sont avec les compagnies, pas avec les travailleurs. Un travailleur est un travailleur, qu'il soit du Canada, des États-Unis ou du Mexique. Le syndicat aide la compagnie à prendre vos retraites et vos avantages au nom de la compétition avec le Mexique. C'est quoi le résultat? Toute cette zone, du sud de l'Ontario jusqu'à Buffalo et l'ouest de New York, a été désindustrialisée.»
«Jerry Dias, [le président d'Unifor], est un homme d'affaires. Le syndicat est dirigé comme une entreprise, tout comme GM et le gouvernement du Canada et des États-Unis.»
Une travailleuse de deuxième niveau et mère monoparentale de deux enfants a ajouté: «Ils prennent notre gagne-pain. Nous avons essayé d'amener le syndicat à lutter, nous avons même demandé à la direction d'améliorer nos conditions de travail dangereuses et nous avons fait appel aux membres du parlement. Au bout du compte, le dollar l'emporte... GM gagne. Ils contrôlent le syndicat, le gouvernement et tout ce qui est censé protéger le travailleur.»
«Cette grève doit être le fer de lance pour regagner ce que nous avons perdu. Mais pour Dias, Van Boekel et les autres responsables d'Unifor, ils veulent nous vendre un autre accord pourri. Pendant les 20 dernières années, les choses n'ont fait qu'empirer. Il y a tant de sans-abri dans la région de London. Si une personne pauvre vole une boîte de pêches, ils vont vous mettre en prison ou la police va vous tuer. Mais les PDGs, qui sont de vrais sociopathes, ils peuvent s'en tirer pour n'importe quel crime et il n'y a pas de conséquences.» Le WSWS s'est aussi entretenu avec un ancien contractuel de CAMI qui a exprimé son appui pour la grève et a qui a discuté des conditions auxquelles font face les jeunes travailleurs à Ingersoll et dans la région (vidéo en anglais).
Vidéo: Un ancien contractuel de CAMI appuie la grève
Si les travailleurs de CAMI veulent empêcher une autre trahison, ils doivent se préparer à défaire les préparatifs d'Unifor pour imposer une autre convention collective remplie de concessions dès dimanche. La WSWS Autoworker Newsletter va fournir toute l'assistance nécessaire pour que cette lutte aille de l'avant.
(Article paru en anglais le 29 septembre 2017)