Entre avril et juin, Google a complété une révision majeure de son moteur de recherche qui réduit fortement l’accès public aux sites Internet qui fonctionnent indépendamment des médias de l’establishment contrôlés par l’État. Depuis la mise en œuvre des changements, de nombreux sites Web de gauche, anti-guerre, et progressistes ont connu une forte chute du trafic généré par les recherches Google. Le World Socialist Web Site a vu, en un seul mois, une baisse de 70 pour cent du trafic en provenance de Google.
Le 25 avril, Ben Gomes, ingénieur en chef en charge du moteur de recherche de Google, a publié sur son blogue la présentation du nouveau programme de censure dans une déclaration portant le titre orwellien de : « Nos dernières améliorations de la qualité des recherches ». Cette déclaration a été pratiquement ignorée par les médias de l’establishment. Ni le New York Times ni le Wall Street Journal n’ont rapporté la déclaration. Le Washington Post a limité sa couverture de la déclaration à une seule publication sur un blogue.
Encadré comme un simple changement des procédures techniques, la déclaration de Gomes légitime la censure d’Internet comme une réponse nécessaire au « phénomène des “fausses nouvelles”, où le contenu sur le Web a contribué à la diffusion d’informations clairement trompeuses, de mauvaise qualité, offensantes ou carrément fausses ».
Le « phénomène des “fausses nouvelles” » est en soi la principale histoire de « fausses nouvelles » de 2017. Dans ses origines et sa propagation, elle a toutes les caractéristiques bien connues de ce qu’on appelait les campagnes de « désinformation » de la CIA, visant à discréditer des adversaires de gauche de l’État et des intérêts de l’establishment.
De manière significative, Gomes ne fournit pas de définition claire, et encore moins d’exemples concrets, de ces termes chargés (« fausses nouvelles », « clairement trompeuses », « faible qualité », « offensant » et « carrément de fausses informations »).
L’objectif du nouvel algorithme de censure de Google est l’actualité politique et les sites d’opinion qui contestent les récits officiels du gouvernement et des grandes entreprises. Gomes écrit : « [C’]est devenu évident qu’un petit ensemble de requêtes dans notre trafic quotidien (environ 0,25 pour cent) ont retourné un contenu offensant ou clairement trompeur, ce qui n’est pas ce que les gens recherchent ».
M. Gomes a révélé que Google a recruté quelque 10 000 « évaluateurs » pour juger de la « qualité » de divers domaines Web. La société a des « évaluateurs – des personnes réelles qui évaluent la qualité des résultats de recherche de Google – nous donner des commentaires sur nos expérimentations ». L’ingénieur de recherche en chef n’identifie pas ces « évaluateurs » ni n’explique les critères utilisés dans leur sélection. Cependant, en utilisant les dernières évolutions dans la programmation, Google peut enseigner à ses moteurs de recherche à « penser » comme les évaluateurs, c’est-à-dire traduire leurs préférences politiques, leurs préjugés et leurs aversions dans les résultats acceptés par l’État et les grandes entreprises.
M. Gomes affirme que ces « évaluateurs » doivent se conformer aux lignes directrices de la société pour une Recherche de qualité, qui « fournissent des exemples plus détaillés de pages Web de mauvaise qualité pour que les évaluateurs puissent coter de manière appropriée, ce qui peut inclure des informations trompeuses, des résultats offensants inattendus, des canulars et des théories du complot sans fondement. »
Encore une fois, Gomes emploie une rhétorique incendiaire sans expliquer la base objective sur laquelle reposent les évaluations négatives des sites Web.
En utilisant la contribution de ces « évaluateurs », Gomes déclare que Google a « amélioré nos méthodes d’évaluation et a fait des mises à jour algorithmiques pour faire paraître un contenu qui fait plus autorité ». Il affirme à nouveau, plus bas, « Nous avons ajusté nos algorithmes pour faire paraître des pages qui font plus autorité et rétrograder le contenu de mauvaise qualité ».
Ce que cela signifie, concrètement, c’est que Google décide non seulement des points de vue politiques qu’il veut censurer, mais aussi des sites à favoriser.
M. Gomes est clairement amoureux du terme « qui fait autorité » (authoritative), et une étude du sens du mot explique la nature de son infatuation verbale. Une définition donnée par le Oxford Dictionary pour le mot « authoritative » est : « Provenant d’une source officielle et exigeant la conformité ou l’obéissance ».
La déclaration du 25 avril indique que les protocoles de censure deviendront de plus en plus restrictifs. M. Gomes affirme que Google « fait de bons progrès » pour rendre ses résultats de recherche plus restrictifs. « Mais pour avoir des changements durables et à long terme, il faut des changements structurels dans Search [le moteur de recherche de Google]. »
On peut supposer que M. Gomes est un programmeur et un ingénieur logiciel compétent. Mais il y a de bonnes raisons de douter qu’il ait une connaissance particulière, et encore moins la préoccupation, de la liberté d’expression.
La déclaration de Gomes est la manière en langage Google de dire que l’entreprise ne veut pas que les gens aient accès à quoi que ce soit en dehors du récit officiel, élaboré par le gouvernement, les agences de renseignement, les principaux partis politiques capitalistes, et transmis à la population par les médias de l’establishment.
En devenant une entreprise gigantesque valant plusieurs milliards de dollars, Google a développé des liens politiquement insidieux et dangereux avec des agences étatiques puissantes et répressives. Il maintient cette relation non seulement avec l’État américain, mais aussi avec les gouvernements à l’étranger. Quelques semaines seulement avant la mise en œuvre de son nouvel algorithme, au début d’avril, Gomes a rencontré de hauts responsables allemands à Berlin pour discuter des nouveaux protocoles de censure.
Google le moteur de recherche est maintenant une force majeure de l’imposition de la censure de l’État.
(Article paru d’abord en anglais le 31 juillet 2017)