L’administration Trump a franchi une autre étape vers une position beaucoup plus conflictuelle contre la Chine en donnant le feu vert à une autre opération dite de « liberté de navigation » (FONOP – Freedom of Navigation Operations) dans les eaux revendiquées par la Chine en mer de Chine méridionale ce dimanche.
La marine américaine a envoyé le destroyer lance-missiles USS Stethem dans la limite territoriale de 12 milles nautiques autour de l’île Triton qui fait partie des îles Paracelse contrôlées par la Chine depuis 1974. Cette dernière opération intervient moins de six semaines après une incursion par le USS Dewey à proximité de l’îlot chinois de Mischief Reef dans le groupe des îles Spratly.
La provocation navale de dimanche a suivi l’approbation américaine de la semaine dernière d’une vente importante d’armes pour un montant de 1,23 milliard d’euros à Taïwan et l’imposition de sanctions aux entreprises et aux particuliers chinois qui participent aux échanges avec la Corée du Nord.
Le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Lu Kang, a dénoncé la vente d’armes comme une atteinte à la souveraineté du pays et « contraire à l’engagement de Washington envers la politique : Une seule chine », selon laquelle les États-Unis reconnaissent Pékin comme le seul gouvernement légitime de toute la Chine, y compris Taïwan.
Pékin avait déjà exprimé sa préoccupation la semaine dernière sur une loi approuvée par un panel du Sénat des États-Unis pour permettre aux navires de guerre américains de faire des visites régulières au port à Taïwan.
Répondant à l’intrusion navale américaine de dimanche, Lu a appelé Washington à « arrêter immédiatement de telles opérations provocatrices qui violent la souveraineté de la Chine et menacent la sécurité de la Chine ». Il a prévenu : « Du côté chinois on continuera à prendre tous les moyens nécessaires pour défendre la souveraineté et la sécurité nationales ».
Lu a déclaré que la Chine avait dépêché des navires de guerre et des avions de combat pour décourager le destroyer des États-Unis, ajoutant que « du côté chinois on est mécontent et opposé au comportement pertinent du côté américain ». Il a accusé Washington de « délibérément semer le trouble en mer de Chine méridionale » et d’aller à l’encontre de la volonté de stabilité des autres pays de la région.
L’envoi des chasseurs et des navires de guerre chinois souligne l’imprudence des actions de l’Administration Trump. Elles pourraient conduire à un incident militaire, accidentel ou délibéré, qui déclencherait un conflit plus large entre les deux puissances nucléaires.
Les États-Unis ont rejeté les revendications territoriales chinoises en mer de Chine méridionale comme excessives et, à maintes reprises, déclaré qu’ils n’ont pas l’intention de respecter celles-ci. En plus d’effectuer des intrusions plus fréquentes à proximité des îlots chinois, la marine américaine a renforcé sa présence et effectué des exercices plus fréquents dans cette mer stratégique.
Le Pentagone considère la mer de Chine méridionale comme une composante essentielle de sa stratégie AirSea Battle, pour la guerre avec la Chine. Le plan prévoit des attaques aériennes et de missiles massives sur le continent chinois depuis les navires de guerre, les sous-marins et les bases militaires américaines dans la région. L’île de Triton, le plus au sud du groupe des îles Paracelse, se trouve à environ 400 kilomètres au sud de l’île du Hainan en Chine, qui abrite des bases navales stratégiques de grande importance.
L’intrusion navale d’hier est un autre signe que l’administration de Donald Trump est frustrée par l’échec de la Chine à forcer la Corée du Nord à abandonner ses programmes nucléaires et de missiles.
Au cours de la campagne électorale présidentielle américaine de l’an dernier, Trump a recouru à maintes reprises à la démagogie anti-Chine et a promis de prendre des mesures de guerre commerciale contre la Chine, y compris en la marquant comme un manipulateur de devises. À la suite de sa victoire électorale, Trump a accru les menaces contre les activités de la Chine dans la mer de Chine méridionale et a même parlé d’abroger la politique d’« Une seule chine », qui a été le fondement des relations américano-chinoises depuis près de quatre décennies.
Trump a diminué sa rhétorique en avril quand il a rencontré le président chinois Xi Jinping, qui a indiqué que la Chine intensifierait ses pressions sur la Corée du Nord. Pékin a stoppé l’importation de charbon nord-coréen et, au cours des dernières semaines, aurait supprimé ses exportations de pétrole vers la Corée du Nord. La Chine est de loin le principal partenaire commercial de la Corée du Nord et la source de la majeure partie de son énergie.
Les représentants de Trump, cependant, ont mis en garde à maintes reprises que les États-Unis n’étaient pas prêts à attendre indéfiniment et que leur patience s’épuisait. À la fin du mois dernier, Trump a indiqué que le temps était écoulé, déclarant dans un tweet que, tout en appréciant les efforts du président Xi, « cela n’a pas fonctionné ».
Trump a souligné le message après les entretiens avec le président sud-coréen, Moon Jae-in, à Washington vendredi dernier. Se référant à la politique de sanctions de l’administration Obama, Trump a déclaré que : « l’ère de la patience stratégique avec le régime nord-coréen a échoué. Franchement, la patience est terminée ».
Trump n’a pas précisé les méthodes vers lesquelles les États-Unis se tourneront, mais ses responsables ont déclaré que les États-Unis ne parleraient à Pyongyang que dans les « bonnes circonstances », c’est-à-dire si la Corée du Nord capitule aux demandes des États-Unis. La Maison Blanche a insisté sur le fait que « toutes les options », c’est-à-dire, y compris les attaques militaires, sont sur la table. Trois groupes aéronavals opérationnels, ainsi que des sous-marins nucléaires, sont actuellement stationnés dans la région de la péninsule coréenne.
L’opération de « liberté de navigation » des États-Unis est un signe évident que l’Administration Trump a l’intention d’affronter la Chine, non seulement sur la Corée du Nord, mais sur tous les sujets, y compris sur Taïwan et les questions commerciales. Au cours du rendez-vous de Trump avec Moon, selon le New York Times, le conseiller économique principal du président, Gary Cohn, a attaqué la Chine pour les « nombreuses pratiques prédatrices qu’elle utilise à notre égard ».
Trump devait parler par téléphone hier soir avec le président chinois Xi et le Premier ministre japonais Shinzo Abe avant les réunions prévues avec les deux hommes lors du sommet du G20 de cette semaine en Allemagne. La Corée du Nord était au sommet de l’ordre du jour américain. Au moment où cet article devait être publié, les premières informations sur la conversation téléphonique de Trump avec Abe indiquaient que les deux pays renforceraient leurs pressions sur la Corée du Nord.
(Article paru d’abord en anglais le 3 juillet 2017)