Les résidents des tours HLM dans tout le Royaume-Uni vivent dans des pièges mortels potentiels, tout comme la tour de Grenfell dans l’ouest de Londres, où des dizaines, peut-être des centaines, de personnes ont péri le 14 juin. Les tests initiaux du revêtement externe sur 60 tours de logements situées dans 25 collectivités locales ont trouvé que ces revêtements sont inflammables et que ces tours ne respectent pas les normes de sécurité anti-incendie.
Les 60 immeubles testés jusqu’ici figuraient parmi les 600 sur 4000 tours au Royaume-Uni avec des revêtements semblables à ceux installés sur la Grenfell Tower. Ce revêtement fut un facteur central dans la propagation d’un petit incendie dans un appartement à toute la structure de 24 étages en quelques minutes.
Si au moins 79 personnes sont confirmées mortes dans l’incendie, la députée travailliste Dianne Abbott, qui représente la circonscription de Hackney à proximité de Grenfell Tower, a déclaré qu’elle croyait que « des centaines de personnes » ont été tuées par le feu.
Le revêtement et l’isolant de Grenfell testés par les experts « ont raté tous les tests de sécurité ». Selon les dernières informations, le matériau isolant pourrait s’avérer encore plus inflammable que le bardage – déjà connu pour sa haute inflammabilité.
Étant donné qu’au moins 600 personnes vivaient dans la Grenfell Tower, ce nombre extrapolé à l’échelle nationale signifie que des vies de centaines de milliers de personnes sont menacées par les logements dans lesquelles elles vivent.
Tout est fait pour dissimuler la criminalité des politiques et des actions des gouvernements successifs et des municipalités, conservateurs et travaillistes, et de leurs partenaires des grandes entreprises, ce qui a entraîné une horrible perte de vies.
Vendredi dernier, une résidente du lieu, Sarah Colbourne, qui vit près de Grenfell, a déclaré aux médias qu’elle n’acceptait pas le chiffre officiel du nombre de morts. Elle a dit : « Nous connaissons plus de 20 personnes qui ne répondent pas à leurs téléphones, qui ne répondent pas à mes courriels. Elles ne manquent pas à l’appel, elles sont mortes. »
« Des enfants ne sont pas allés à l’école, ni aux centres de loisirs que gère mon mari. Ils n’ont pas “disparu”, ils sont morts. Ils nous disent que c’est 79. Nous ne sommes pas stupides […] ce sont des centaines. Mais ils ne veulent pas divulguer ce chiffre et nous savons tous pourquoi et nous en avons marre de ce qu’ils ont fait. C’est 2017 dans l’un des arrondissements les plus riches de Londres et voilà ce qui se produit. »
À l’échelle nationale, les dangers auxquels les résidents de la classe ouvrière ont été exposés sont également dissimulés.
Bien que 25 collectivités locales aient été signalées comme ayant des immeubles couverts de revêtement dangereux sous leur responsabilité, seules 14 ont été citées. Sept d’entre elles sont à Londres ; Camden, Hounslow, Barnet, Brent, Islington, Lambeth et Wandsworth.
Les collectivités citées hors de Londres sont ; Doncaster, Manchester, Portsmouth, Norwich, Stockton on Tees, Sunderland et Plymouth. On ne sait pas combien des 600 tours dont il est question ont été analysées.
Malgré le danger auquel sont confrontés les résidents, aucune réponse coordonnée du gouvernement central n’est organisée, les collectivités locales étant autorisées à procéder comme bon leur semble. À Brent, aucun bardage incriminé par les tests ne doit être retiré. Bien que les résultats des tests de sécurité du bardage sur neuf tours dans la ville de Salford n’aient pas encore été divulgués, la municipalité a déclaré qu’elle supprimera le matériau composite en aluminium (ACM) dans la gaine car il est similaire à celui de Grenfell. À Plymouth, la municipalité a déclaré qu’elle n’évacuera pas les résidents malgré le danger.
L’utilisation d’un tel bardage est largement répandue y compris ailleurs que sur les logements sociaux. De nombreux bâtiments du NHS (Service national de la santé) ont également un bardage et les 200 organismes du NHS procèdent à un examen d’urgence.
Il n’y a pas eu d’insistance sur de tests systématiques dans le secteur privé. Premier Inn, qui exploite 750 hôtels à l’échelle nationale, y compris des tours d’immeubles, a annoncé vendredi qu’il est « extrêmement inquiet » du bardage utilisé sur ses hôtels à Maidenhead, Brentford et Tottenham. L’équipe de football de la Premier League de Brighton et Hove, Albion FC, a déclaré que leur stade et leur terrain d’entraînement pourraient être revêtus du même matériau que Grenfell Tower, mettant en danger des dizaines de milliers de personnes. La résidence étudiante universitaire de Newcastle est sujette à un examen d’urgence.
Près de deux semaines après l’incendie de Grenfell, les survivants continuent d’être traités sans ménagement. Le vendredi dernier, 30 familles hébergées dans 20 chambres au Holiday Inn Kensington Forum ont été expulsées avec un préavis court, recevant seulement une lettre leur indiquant de contacter le service d’hébergement de la municipalité par un numéro de téléphone.
Dans l’arrondissement de Camden, 4000 résidents ont été évacués de quatre tours dans la cité de Chalcots vendredi soir, avec un très court préavis. La décision a été prise par la municipalité travailliste après qu’il a été constaté que certaines tours, non seulement ont des revêtements similaires à Grenfell, mais aussi une isolation entourant la tuyauterie de gaz et des portes coupe-feu fabriquées à partir du mauvais matériau ainsi que des portes coupe-feu manquantes.
La municipalité a refourgué de nombreux résidents de Chalcot, y compris les personnes handicapées, les personnes âgées et les femmes avec des nouveau-nés, au centre de loisirs local et un complexe de bibliothèques où ils ont été obligés de dormir sur des matelas gonflables. D’autres ont été expédiés pour être logés temporairement dans des hôtels.
Le lendemain matin, les résidents en colère se sont confrontés à la dirigeante de la municipalité travailliste, Georgia Gould, à propos de leur traitement et ont demandé de savoir pourquoi ils avaient été autorisés à vivre dans des conditions dangereuses en premier lieu. Le travail d’enlèvement du bardage devrait prendre jusqu’à six semaines.
L’enquête de la police de Londres sur l’incendie de Grenfell a annoncé vendredi que l’incendie a commencé dans un réfrigérateur-congélateur et a confirmé que le bardage de la construction et l’isolation ne passaient pas les tests de sécurité.
Le fait que le modèle de réfrigérateur qui a pris feu et a commencé l’incendie a fait l’objet de nombreuses plaintes pour manque fiabilité a fait les manchettes des journaux, y compris le Daily Mail, qui la semaine dernière a essayé de faire un bouc émissaire de l’homme dont le logement était la source du feu. Bien que les défauts de conception justifient une enquête, cela détourne l’attention du fait qu’un incendie dans un appartement unique n’aurait jamais dû engloutir un immeuble de grande hauteur si rapidement et dans de telles proportions.
Ceux qui ont décidé d’installer des matériaux inflammables, ou ont permis l’installation de ces matériaux, surtout le gouvernement conservateur qui a détruit les règles de sécurité et son prédécesseur du Parti travailliste qui a fermé les yeux sur les catastrophes précédentes, sont les coupables. Pourtant, personne n’a été arrêté.
La police a déclaré que l’enquête criminelle qu’ils ont commencée pourrait conduire à des chefs d’inculpation d’homicide involontaire. Pourtant, non seulement personne n’a pas été inculpé, mais le Guardian a également révélé que pas une seule personne n’a même été interrogée par l’équipe d’enquête qui compte pourtant 250 membres !
Cela dans des conditions où il a été révélé que parmi ceux qui ont échappé au feu de Grenfell, trois des 12 patients du King's College Hospital ont été traités au Cyanokit, l’antidote au cyanure d’hydrogène. C’est parce que le bardage contenait un produit qui émet la substance hautement toxique en cas d’incendie – un fait confirmé par son fabricant, Celotex.
Selon une estimation, la quantité de bardage signifiait qu’il y avait assez de fumée contenant du cyanure pour avoir rempli les 120 appartements du bâtiment et avoir tué chaque personne. Le professeur Richard Hull, professeur de chimie et de sciences de l’incendie à l’Université du Central Lancashire, a déclaré que le matériau utilisé pour rénover Grenfell Tower entre 2014-2016 « a contribué de manière importante à la propagation rapide du feu et à la toxicité de sa fumée ».
« La combinaison du bardage, du vide d’air et de la mousse de polyisocyanurate (PIR) agit comme une cheminée », a déclaré Hull, « propageant le feu à travers l’extérieur du bâtiment en enflammant le bardage et la mousse ».
Il n’existe pas de réglementation sur la toxicité des matériaux de construction qui sont exposés au feu au Royaume-Uni et dans une grande partie de l’Europe, bien qu’il soit « largement reconnu que l’inhalation de gaz toxiques émanant de la fumée représente la plupart des décès et des blessures à l’occasion d’un feu », a-t-il dit. « Beaucoup de gens dans la tour ont dû avoir leurs fenêtres ouvertes en raison du beau temps mardi soir, donc il est probable qu’un nombre important de victimes se soient effondrées peu après l’exposition à la fumée. »
(Article paru en anglais le 26 juin 2017)