Les élections présidentielles en France soulèvent des questions critiques pour les travailleurs à travers le monde. Elles se déroulent sous la menace d'une guerre suite aux frappes américaines contre la Syrie le 7 avril et à la campagne de dénonciation menée par Washington et l'OTAN contre la Syrie, la Russie, et la Corée du Nord. La France est sous l'état d'urgence et des candidats influents appellent à une sortie française de l'euro et de l'Union européenne ainsi qu'à un retour au service militaire.
Une vaste colère populaire contre l'élite dirigeante et les partis traditionnels de gouvernement, Les Républicains et le Parti socialiste, prédomine dans ces élections. Le PS, le parti hégémonique dans ce qui s'est donné pour la « gauche » française depuis sa fondation en 1971, peu après la grève générale de Mai-juin 1968, s'effondre, discrédité par ses politiques d'austérité et de guerre.
Un effondrement généralisé de la politique officielle est en marche. Au Royaume-Uni, une courte majorité a voté en juin la sortie de l'UE. Aux USA, Donald Trump a été élu malgré l'opposition du Parti démocrate, mais aussi de larges sections du Parti républicain de Trump. Depuis son inauguration, Trump mène une politique nationaliste et militariste de l’« Amérique d'Abord ».
En France, cette crise prend la forme particulièrement toxique d’une possible victoire électorale de Marine Le Pen du Front national (FN), le descendant des collaborationnistes fascistes qui ont gouverné la France sous l'Occupation. La possibilité d'un tel résultat est la responsabilité non seulement du PS, mais de toute une couche d'organisations de pseudo-gauche, dont le Nouveau parti anticapitaliste (NPA) et Lutte ouvrière (LO), qui ont rompu il y a longtemps tout lien avec le trotskysme. Ils ont abandonné tous les principes du marxisme révolutionnaire pour s'orienter vers le PS qui est un parti réactionnaire du capital financier.
Dans l'atmosphère créée par une situation où l'opposition au PS ne trouve aucune expression politique véritablement de gauche, Le Pen a pu se présenter en challenger populiste des partis établis. Cette situation, dans le contexte d'une crise internationale explosive, a produit de nombreux revirements au cours de la campagne.
D'abord LR a cru pouvoir, comme lors d'élections précédentes, bénéficier de la crise du PS. Mais en janvier, des allégations de corruption ont sérieusement affaibli le candidat LR François Fillon quelques jours à peine après sa décision de proposer un axe Paris-Berlin-Moscou contre Washington. Ensuite, Le Pen et Emmanuel Macron, un candidat proche du PS qui représente le mouvement En Marche, se sont disputés l'élection. Après les frappes en Syrie, Jean-Luc Mélenchon (France insoumise, ex-Front de gauche) est monté dans les sondages sur fond de croissance du sentiment anti-guerre, surtout parmi les jeunes.
Il est impossible de prédire le résultat de ces élections. Quatre candidats (Mélenchon, Macron, Le Pen, et Fillon) pourraient tous a priori arriver au second tour, une situation sans précédent.
Quel que soit le résultat, l'élection ne résoudra rien. La France est profondément polarisée et les tensions de classes sont explosives. Deux-tiers de la population française disent que la lutte des classes est une réalité quotidienne, 20 pour cent de plus qu'en 1968, peu avant une grève générale de dizaines de milliers de travailleurs. Dans le contexte d'une profonde crise internationale et du danger imminent de guerre, des crises politiques et des luttes de classes convulsives se préparent.
Le Parti de l'égalité socialiste, la section française du Comité international de la Quatrième Internationale fondée l'année dernière, intervient afin d'offrir une alternative internationaliste, socialiste et révolutionnaire aux travailleurs. Le PES n'accorde son soutien à aucun candidat. Il donne son soutien aux luttes ainsi qu'à l'opposition à la guerre et au nationalisme. Sa principale responsabilité est d'expliquer aux travailleurs et aux jeunes le rôle de classe des différents candidats, et la nécessité de la construction du PES en France et du CIQI à l'international, en tant que véritable avant-garde trotskyste de la classe ouvrière.
Le discrédit du PS et la montée du FN
La classe politique française se déchire suite à l'effondrement du PS, dont la crise répond à celles d'autres partis social-démocrates anti-ouvriers comme le Pasok grec ou le Parti socialiste espagnol (PSOE). Le président PS sortant, François Hollande, est si détesté qu'il n'a pas osé se représenter, décision sans précédent dans l'histoire de la Cinquième République.
La présidence de Hollande est le produit d'un parti qui était depuis sa fondation totalement pourri. Le PS s'est fondé en 1971, suite au discrédit du Parti communiste français (PCF) stalinien de par son refus de prendre le pouvoir pendant la grève générale de 1968. Ce n'était pas une organisation socialiste, mais l’outil de forces réactionnaires, sociaux-démocrates, catholiques sociaux, ex-staliniens, ex-trotskystes, et anciens responsables du régime collaborationniste de Vichy. Il a servi de machine électorale pour un ex-haut responsable de Vichy, François Mitterrand, qui est devenu président de la République en 1981.
Dès le départ, le PS a été l'axe autour duquel ont tourné d'innombrables partis prétendument « révolutionnaires ». En 1972, le PCF a entériné le Programme commun avec le PS, renforçant les prétentions socialisantes du PS en l'associant au principal allié du régime soviétique en France. Mais le PCF s'est effondré quand le gouvernement PS-PCF de Mitterrand a répudié les promesses du Programme Commun, amorçant le « tournant de la rigueur » en 1982, et quand le PCF a apporté son soutien à la restauration capitaliste en URSS.
Toutes les organisations françaises qui étaient sorties du mouvement trotskyste ont répudié la perspective prolétarienne et internationaliste de Trotsky, que défend le CIQI. Elles ont capitulé face au PS.
L'Organisation communiste internationaliste (OCI, aujourd'hui le Parti ouvrier indépendent démocratique, POID), l'ancienne section française du CIQI, a rompu avec le CIQI en 1971 sur une perspective fausse et nationaliste, selon laquelle l'alliance PS-PCF créerait un gouvernement ouvrier. Ceci a créé les conditions pour la carrière d’un Lionel Jospin, membre de l'OCI au sein du PS, qui est devenu un des principaux assistants de Mitterrand puis, entre 1997 et 2002, premier ministre.
Le PS a développé son influence dans les classes moyennes à travers un large réseau d'associations, la franc-maçonnerie, des sections social-démocrates de l'appareil syndical, et le milieu enseignant. Il a développé des liens étroits avec la Ligue communiste révolutionnaire (LCR, prédécesseur du NPA) dans les années 1980 à travers l'association SOS-Racisme et avec l'OCI à travers les syndicats étudiants.
L'OCI/POID, la LCR/NPA, et LO, tout en menant au sein de ces organisations des luttes d'appareil contre le PS, qui exprimaient le mécontentement de sections des classes moyennes avec la politique pro-patronale du PS, ne représentaient pas les travailleurs. Ils n'ont jamais tenté de défier réellement le PS ou de construire un parti ouvrier de masse contre lui. Ils ont tous fonctionné dans le milieu de l'Etat et dans sa périphérie politique, construisant effectivement le PS comme alternative à la construction d'un parti révolutionnaire.
Les présidentielles de 2002 ont été une expérience décisive. L'élimination de Jospin au premier tour a provoqué une vague de manifestations contre un second tour entre le candidat de droite, Jacques Chirac, et Jean-Marie Le Pen du FN. La LCR, LO, et le Parti des travailleurs (ex-OCI) avaient entre eux reçu 3 millions de voix au premier tour. Un mouvement anti-guerre international se développait en même temps contre les préparatifs à l’invasion illégale de l'Irak par les USA, qui eut lieu en 2003. Mais la LCR, LO, et le PT se sont avérés incapables et même hostiles à toute action sérieuse dans ce contexte prometteur.
Le CIQI a publié une lettre ouverte adressée aux trois partis, pour proposer un boycott actif du second tour. Sans dissimuler ses différends politiques avec ces organisations, le CIQI a expliqué qu'un boycott actif, mobilisant les travailleurs en lutte, préparerait au mieux les travailleurs à riposter contre les guerres et les attaques sociales que préparait Chirac. Les trois partis n'ont même pas pris la peine de répondre. Ils se sont simplement alignés sur la campagne du PS en soutien à Chirac, prétendument pour sauver la démocratie et empêcher le néo-fascisme d'arriver au pouvoir.
Ces partis disaient essentiellement aux millions de gens mobilisés contre Le Pen : vous n'aviez pas besoin de vous déplacer, vous auriez pu simplement permettre à l'élection de se dérouler et à Chirac de prendre le pouvoir. En apportant leur soutien à un candidat de droite appuyé par le PS, soi-disant pour s’opposer au danger du fascisme et de l'autoritarisme posé par le FN, les trois partis ont démontré qu'ils n'avaient aucune intention de se poser en alternative au capitalisme. Ils ont ensuite mené des politiques de plus en plus ouvertement pro-impérialistes et pro-guerre.
Dans la crise capitaliste internationale toujours plus aiguë du 21e siècle, leur rôle réactionnaire a laissé ouvert la voie au FN. D'un parti mineur qui attirait parfois un vote sanction de droite contre la classe politique, il s'est transformé en potentiel parti de gouvernement.
Les divisions au sein de l'Otan et le tournant de l'UE vers une politique d'austérité profonde après la crise financière mondiale de 2008 ont, dans ce contexte politique, renforcé Le Pen. Elle pouvait dénoncer, d'un point de vue nationaliste réactionnaire, les mesures d'austérité suicidaires qu'imposaient l'UE et le PS. Le Pen pouvait aussi capter les humeurs autoritaires et le ressentiment grandissant de la bourgeoisie française contre l'hégémonie allemande au sein de l'UE.
Dans les années 2010, le FN a critiqué les guerres que l'Otan a menées par procuration en Syrie et en Ukraine avec le soutien du PS et du NPA ; il voulait garder la Russie en tant qu'allié de l'impérialisme français contre l'Allemagne. Le FN est pro-guerre et a activement soutenu la guerre de la France au Mali. Cependant, il a pu se donner pour moins agressif que le PS et ses alliés de « gauche », qui défendaient une escalade militariste entraînant la France et les autres puissances de l'Otan vers une confrontation directe avec la Russie, une puissance qui détient un vaste arsenal nucléaire.
Hollande a fini par utiliser le FN comme mécanisme pour stabiliser son gouvernement profondément impopulaire. Il a invité Le Pen à l'Elysée après les deux attentats terroristes de Paris en 2015 et imposé un état d'urgence sous lequel des droits démocratiques fondamentaux sont suspendus. Le PS a ensuite proposé d'inscrire dans la constitution la déchéance de nationalité, le fondement pseudo-juridique sous l'Occupation de la déportation des Juifs vers les camps de la mort et des peines de mort prononcées contre des dirigeants de la Résistance. Par cette répudiation sans équivoque des traditions de la gauche, le PS a légitimé le FN en tant que membre à part entière de la classe politique française.
Que proposent les candidats à la présidence ?
La montée du FN n’est que l'expression la plus nauséabonde de la dégénérescence de la classe capitaliste française dans son ensemble. Elle est politiquement en faillite et n'a plus rien à offrir. Malgré des conflits acerbes entre les candidats sur la politique étrangère et les affaires de corruption, les candidats présentent tous des programmes militaristes et sécuritaires. Ils veulent tous un renforcement coûteux de l'armée et de la police qui nécessitera des attaques draconiennes contre les acquis sociaux que les travailleurs ont obtenus par la lutte sur des générations.
Marine Le Pen mène une campagne populiste d'extrême-droite dans la tradition du fascisme français, alliée à des forces d'extrême-droite comme Geert Wilders aux Pays-bas et l'Alternative pour l'Allemagne (AfD). Elle soutient Trump. Elle représente des sections de la classe dirigeante qui veulent s'allier avec Trump et la Russie contre l'hégémonie allemande en Europe. Elle a déclaré qu'un mot suffisait pour négocier avec Merkel : « Nein ». Elle a proposé un Frexit et un retour au franc avant de se dédire suite aux réunions du FN avec les banques et de déclarer qu'elle soumettrait ces propositions d'abord à un référendum.
Son parti est une coalition entre les descendants de forces collaborationnistes, comme le Parti populaire français, qui ont fondé le FN en 1972 et de nouveaux venus, issus de fragments du PS, notamment de l'entourage de Jean-Pierre Chevènement. Ses critiques des positions antisémites traditionnelles du FN et du négationnisme de son père sont une mesure purement pragmatique visant à « dédiaboliser » son parti et à prendre le pouvoir. Elle a abandonné l'optique économique libérale du FN et promis de « protéger » les Français, en ciblant les musulmans et en appelant à renforcer la police, avec de vagues promesses sociales comme le retour à la retraite à 60 ans.
Le Pen a développé une présence électorale dans la classe ouvrière uniquement grâce au rôle du PS et de sa périphérie politique. Ses attaques populistes contre le PS et LR lui ont valu une large audience parmi les déçus du PS. Son discours sécuritaire et anti-immigré se distingue à peine de celui du PS. Elle promet d'augmenter les dépenses militaires à 2 pour cent du PIB. Son populisme est une fraude réactionnaire. Le programe fascisant du FN, dans le contexte du danger de guerre et de la crise historique du capitalisme, provoquera inévitablement une collision violente avec la classe ouvrière.
François Fillon représente des sections pro-UE de la bourgeoisie, liées à la Russie et hostiles à la campagne américaine pour une guerre contre la Russie et la Chine. Il a critiqué la tentative de Hollande de pousser Washington à une intervention directe en Syrie en 2013, s’est rendu en Russie pour rencontrer Vladimir Poutine et dénoncer la politique de Hollande.
Au pouvoir, Fillon dirigerait un gouvernement violemment réactionnaire, lié à l'extrême-droite. Il propose des mesures d'austérité et des réductions d'emploi drastiques tout en lançant des appels nationalistes, sécuritaires et sociétaux à l'électorat du FN. Il a lancé sa campagne en proposant d'éliminer la Sécu et s'est appuyé à des moments décisifs de sa campagne sur le mouvement anti-homosexuel de la « Manif pour Tous ». Il veut aussi augmenter les dépenses militaires pour qu'elles atteignent 2 pour cent du PIB.
Emmanuel Macron, ex-banquier de Rothschild et ministre PS de l’Économie, est le favori de Berlin où il s'est rendu à plusieurs reprises, y compris pour une réunion avec Merkel. Il est partisan d'une ligne dure contre Moscou et critique Trump, s'alignant sur les factions qui, à Berlin et au sein de l'Otan, travaillent avec le Parti démocrate aux Etats-unis contre la Russie.
La politique militaire agressive de Macron montre qu'une UE dominée par Berlin n'est pas une alternative au militarisme américain. Il propose de restaurer le service militaire et de dépenser 2 pour cent du PIB sur l'armée. Il a reçu le soutien des poids-lourds du PS chargés de l'armée et du renseignement, tels que le ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian, qui ont joué un rôle-clé dans l'état d'urgence et les « opérations homo », c'est-à-dire de meurtre extra-judiciaire, de Hollande.
Derrière Macron, la vieille élite politique française veut se recycler. Elle considère manifestement que son mouvement « En marche ! » pourrait servir d'échappatoire à des politiciens qui voudraient abandonner le PS et rejoindre un parti qui ne fait aucune référence au socialisme. La direction du PS soutient plutôt Macron que le candidat PS, Benoît Hamon. Des sections de LR proches d'Alain Juppé, qui considèrent que Fillon est trop proche de l'extrême-droite, soutiennent aussi Macron.
Benoît Hamon a remporté la primaire du PS quand des électeurs se sont mobilisés contre son rival, l'ex-Premier ministre Manuel Valls. Des couches d'universitaires ainsi que certains médias l'ont encensé à cause de sa proposition de revenu minimum universel indépendant de l'emploi. Son programme est pro-Washington, militariste, et sécuritaire ; il propose de dépenser 3 pour cent du PIB sur l'armée et de renforcer la police. Il attaque les déclarations pro-russes d'autres candidats.
La campagne de Hamon a rapidement souffert de son refus de rompre avec les dirigeants PS les plus liés à la politique d'austérité de Hollande, dont la ministre du Travail Myriam El Khomri. De plus, son revenu minimum universel n’a pas été bien reçu. Il aurait fourni aux travailleurs quelques centaines d'euros sur la base de la théorie pessimiste qu'à cause des mutations technologiques, de larges couches de la classe ouvrière ne retrouveront jamais un travail stable.
Mélenchon et l'impasse du nationalisme français
De larges couches d'électeurs considèrent à présent que Jean-Luc Mélenchon est l'alternative aux politiques droitières de Le Pen, Fillon, et Macron. Son soutien est remonté dans les dernières semaines de la campagne surtout parce que de nombreux jeunes défendent ses déclarations récentes contre la guerre et la haine anti-immigré, et approuvent des propositions sociales de son programme : augmentations de salaire, aides aux étudiants, baisse de l'âge de la retraite. Son virage vers un discours anti-guerre est lié à sa stratégie de « Plan B », développée quand son allié grec, le gouvernement Syriza, a commencé à imposer l’austérité profonde de l’UE aux travailleurs.
Le PES encourage les travailleurs à lutter pour des augmentations importantes, pour faire baisser l'âge de la retraite, pour la gratuité de l'éducation et pour des aides financières aux étudiants. Il encourage les luttes les plus larges pour ces revendications. Mais il met en garde les travailleurs que si Mélenchon est élu ils devront se préparer à une lutte acharnée contre lui.
Mélenchon dresse un piège aux travailleurs – une spécialité qu'il a développée au cours d'une longue carrière, d'abord à l'OCI puis au PS à partir de 1976. S'il est élu, il sera tout comme Syriza un ennemi tenace de la classe ouvrière
Un coup d’œil à sa carrière suffit à dissiper l’illusion qu'il luttera pour les revendications inscrites dans son programme. Il a rejoint le PS en 1976 après un passage à l'OCI ; puis il est devenu sénateur. Il n'a quitté le PS qu'en 2008 pour former le Front de gauche avec le PCF et des forces sorties du NPA. Au PS, il a travaillé étroitement avec Mitterrand pour étrangler l'opposition à la politique du PS : il s'est dit opposé à la Guerre du Golfe contre l'Irak en 1991, puis au lancement de l'euro, mais il a abandonné cette opposition quand Mitterrand lui a dit que c'était le moment de le faire.
Il a été ministre du gouvernement impopulaire de Lionel Jospin entre 1997 et 2002, puis il a défendu la guerre de l'Otan en Libye. Le Front de gauche a voté l'état d'urgence à l'Assemblée en 2015.
Le programme et les revendications de Mélenchon ne sont qu'une démagogie creuse. Son programme est bourgeois. Une politique socialiste nécessite l'action unifiée de la classe ouvrière européenne et internationale. Le capitalisme français dépend des flux financiers internationaux et il est bien moins capable de faire des concessions aux travailleurs qu'il ne l’était il y a 35 ans, quand Mitterrand a opéré son « tournant de la rigueur ». Il n'entreprendra aucune réforme sérieuse.
Le « Plan B » de Mélenchon, qui résume sa politique étrangère, est réactionnaire et nationaliste. Il maintient qu'un gouvernement capitaliste français doit accepter d’affronter Berlin et, au besoin, de quitter l'euro. Evoquant avec Le Parisien les revendications qu'il adresserait aux responsables allemands après son élection, il a dit : « Les Allemands n'ont aucun moyen de nous dire non. Les Espagnols, les Italiens, les Portugais, les Polonais, toute une série de pays commencent à en avoir assez ! Si les Allemands ne veulent pas bouger, j'ai dit que le plan B serait de sortir avec ceux qui sont d'accord pour faire une relance ».
Mélenchon ne prépare pas une stratégie internationaliste pour mobiliser les travailleurs en France et à travers l'Europe pour défendre les travailleurs ciblés par l'UE, en Grèce ou ailleurs. Il ne propose pas non plus une stratégie antimilitariste. Il propose de revenir au service militaire et de se préparer à la guerre ainsi qu’un réalignement des alliances impérialistes en Europe.
Son discours est un mélange dangereux de démagogie sociale, de populisme et de nationalisme. Sous Hollande, il est allé très loin vers la droite. Il a fondé La France insoumise afin de ne pas se présenter ouvertement en tant que candidat du Front de gauche, parce que, comme il l'a expliqué dans son livre L'ère du peuple, il considère que la gauche, le socialisme, et un rôle indépendant de la classe ouvrière sont tous obsolètes. La presse a rapporté ses amitiés avec des nationalistes droitiers comme le conseiller LR Patrick Buisson et le journaliste Eric Zemmour.
Pour retrouver un précurseur historique de Mélenchon, il faudrait revenir en arrière à des personnalités telles que Henri De Man, le dirigeant social-démocrate belge des années 1920 et 1930. Un nationaliste qui voulait planifier l'économie capitaliste pendant la Dépression des années 1930, De Man a attaqué le marxisme et évolué de façon très réactionnaire. Il a entretenu des correspondances avec de nombreux dirigeants droitiers comme le dictateur fasciste italien Benito Mussolini. Finalement, lors de la crise décisive de l'invasion nazie de la Belgique en 1940, il est intervenu agressivement pour faire dissoudre son propre parti et installer un régime collaborationniste.
La faillite du Nouveau parti anticapitaliste
Aux travailleurs et aux jeunes qui recherchent une critique de gauche du PS et de Mélenchon, le PES adresse la mise en garde la plus ferme sur le rôle du NPA et d'autres partis semblables, dont LO et le POID. Ce sont des associés de longue date du PS qui sont violemment hostiles au trotskysme. Comme Mélenchon, ils ne s'opposent pas à l'austérité ou à la guerre.
Le NPA est issu des forces petite-bourgeoises avec lesquelles le CIQI a fait scission lors de sa fondation en 1953, et qui ont ensuite trouvé une base sociale dans le mouvement estudiantin soixante-huitard. Il représente des couches pro-impérialistes des classes moyennes aisées. La transformation de la LCR en NPA en 2009, quelques mois après le krach de Wall Street, était censée envoyer un message sans équivoque à l'élite politique : la LCR abandonnait toute identification avec Trotsky et préparait un virage majeur vers la droite en réaction à la crise économique mondiale.
« Le NPA ne revendique pas de filiation spécifique avec le Trotskysme », déclarait la LCR dans son programme de fondation pour le NPA, « mais une continuité avec celles et ceux qui ont affronté jusqu'au bout le système depuis deux siècles. Le NPA est un parti pluraliste et démocratique. Le processus constituant a commencé "par en bas", puis il y a eu un réel élargissement politique avec la participation de camarades venant de diverses composantes du mouvement social, de la gauche antilibérale, de l'écologie politique, de camarades issus du PS, du PCF, du mouvement libertaire, de la gauche révolutionnaire. Sans s'affadir, le NPA a tout à gagner en s'ouvrant plus encore ».
Le PES a documenté en détail sur le World Socialist Web Site le rôle joué par le NPA depuis. Avec Mélenchon, le NPA a appelé à voter Hollande au second tour en 2012. Depuis six ans, le NPA joue un rôle critique dans la promotion des interventions de l'Otan en Libye, en Syrie, et en Ukraine, qui ciblaient avant tout la Russie. Il a prôné l'élection du gouvernement pro-austéritaire de Syriza en Grèce. La poussée vers la guerre est au centre de l'intervention du NPA dans les présidentielles. Quand le NPA critique le « populisme » de Mélenchon, alors que la presse attaque les positions prorusses de Mélenchon, c'est depuis la droite, parce que le NPA défend les menaces contre la Russie auxquelles s'oppose Mélenchon.
Après les frappes de Trump en Syrie, Philippe Poutou, le candidat présidentiel du NPA, a publié une déclaration pour s'opposer à un mouvement anti-guerre dans un vocabulaire identique à celui de la CIA. Il a diffamé les opposants de la guerre en Syrie, en les traitant de soutiens du président Bachar al-Assad. Il a déclaré que « sans apporter le moindre soutien ni entretenir la moindre espérance envers les frappes de l'armée américaine, nous ne rejoindrons pas les protestations des partis en France qui, pour prôner une paix "raisonnable" avec El Assad et ses sbires, ferment les yeux sur les centaines de milliers de morts tués par le dictateur et les millions de déplacés et réfugiés ».
Les élections de 2017 sont une condamnation de toute l'évolution politique de la LCR/NPA depuis la crise électorale en 2002. La LCR a dit aux travailleurs de se fier aux partis bourgeois traditionnels, dont les « camarades » du NPA au sein du PS, pour se protéger de l'autoritarisme, des guerres, et de l'austérité auxquelles les masses voulaient s'opposer en se mobilisant contre Le Pen. Mais c'est le PS qui a imposé l'état d'urgence, imposé de profondes attaques sociales, et mené une série de guerres. Et il a pu compter sur le NPA pour bloquer l'opposition sur sa gauche.
La lutte pour le trotskysme dans la classe ouvrière ne se fera pas dans une alliance avec le NPA, LO, ou le POID, mais en lutte contre eux.
Construisons le PES !
Le discrédit de la classe politique française est une première étape dans une large réorientation politique de la classe ouvrière française et internationale face aux dangers de guerre et de dictature. Il n'y a pas d'autre voie qu’un retour aux principes fondamentaux du marxisme révolutionnaire. En ce centenaire de la révolution d'Octobre, qui rappelle aux masses de la population la lutte irréconciliable du Parti bolchévique et sa perspective internationaliste ainsi que les luttes héroïques de la classe ouvrière russe il y a 100 ans, c'est la perspective qu'avance le PES.
Le PES insiste sur le fait qu'on ne peut expliquer les défaites des luttes ouvrières durant l'époque où le PS était identifié à tort avec le socialisme et la LCR avec le trotskysme, et inverser ces défaites, qu'en adoptant le point de vue du trotskysme véritable. Le PES fonde sa lutte sur la continuité trotskyste internationale du CIQI, sur sa défense intransigeante de l'indépendance politique du prolétariat et sur son opposition aux pressions petite-bourgeoises qui ont amené tellement d'organisations en France à abandonner le trotskysme pour une alliance avec le PCF ou le PS.
Fondé l'automne passé en tant que section française du CIQI, le PES n'était pas en mesure de présenter son propre candidat. Mais nous sommes confiants que notre perspective rencontrera de plus en plus de soutien dans le contexte de la crise capitaliste. Nous appelons les travailleurs, les jeunes et les intellectuels qui défendent le véritable socialisme, de rejoindre et de construire le PES.
Le PES s'oppose à la guerre impérialiste et à toute forme de nationalisme. Avec ses camarades européens, le Socialist Equality Party britannique et le Sozialistische Gleichheitspartei allemand, il avance la perspective des Etats-unis socialistes d'Europe. Il s'oppose à la fois à l'UE et à ceux qui, comme Mélenchon et Le Pen, s'opposent à l'UE d'un point de vue nationaliste. La crise internationale et l'offensive austéritaire de l'UE ne se résoudra pas via des conflits entre les nations, mais par la lutte des classes et le renversement de la classe capitaliste par la classe ouvrière dans tous les pays, et la construction d'une fédération d’États ouvriers menant des politiques socialistes à travers l'Europe.
Avant tout, le PES lutte pour construire le CIQI en tant que direction révolutionnaire internationale de la classe ouvrière, afin de mobiliser la classe ouvrière en lutte contre la guerre et le capitalisme. Comme l'indique la déclaration du CIQI contre la guerre impérialiste, il souligne que :
- La lutte contre la guerre doit être fondée sur la classe ouvrière, la grande force révolutionnaire de la société, derrière laquelle doivent s'unir tous les éléments progressistes de la population.
- Le nouveau mouvement anti-guerre doit être anticapitaliste et socialiste car il ne peut y avoir de véritable lutte contre la guerre sans une lutte qui vise à mettre fin à la dictature du capital financier et au système économique qui est la cause fondamentale du militarisme et de la guerre.
- Le nouveau mouvement anti-guerre doit donc nécessairement garder une indépendance et une hostilité complètes et sans équivoque envers tous les partis et organisations politiques de la classe capitaliste.
- Le nouveau mouvement anti-guerre doit surtout être international et mobiliser la grande force de la classe ouvrière dans une lutte mondiale unifiée contre l'impérialisme.
Pour contacter le PES, cliquez ici.