Jeudi matin, une explosion dans la salle des machines de la centrale nucléaire de Flamanville en Normandie a provoqué un incendie, maitrisé par les pompiers en fin de matinée. La multiplication des incidents ces derniers jours dans les centrales et les difficultés rencontrées pour la réalisation des EPR souligne la crise du nucléaire français.
Le directeur du cabinet du préfet, Olivier Marmion a déclaré à l'AFP :«C'est un événement technique significatif mais il ne s'agit pas d'un accident nucléaire», l'explosion s'étant produite «hors zone nucléaire». Cinq personnes ont souffert une intoxication. D'après les premières informations données par la préfecture, l'explosion entendue aux alentours de la centrale, aurait été causée par un court circuit sur un ventilateur situé sous l’alternateur, en salle des machines, dans la partie non-nucléaire de l’installation.
Le réacteur n°1 s'est automatiquement coupé du réseau EDF suite à l'incident ; le réacteur n°2 a lui aussi été arrêté par sécurité. L'organisme chargé de l'élaboration de la réglementation nucléaire, du respect des règles et des prescriptions auxquelles sont soumises les installations nucléaires, l'Agence de Sureté Nucléaire, n'a pas donné plus d'indications sur les raisons de l'incident que la préfecture.
Pour l'instant, on n'a pas communiqué les éventuels dégâts causés par l'incendie. Selon l'association Sortir du nucléaire, « les conséquences de cet événement ne se limitent pas au départ de feu. Le réacteur n°1 a dû être arrêté en urgence à 9h47. Non seulement la chaleur résiduelle doit encore être évacuée, mais une baisse brutale de régime n’est jamais bienvenue pour les équipements nucléaires, surtout si, pour une raison ou une autre, ils étaient déjà fragilisés ... En effet, une brusque variation de température serait contraire aux préconisations de l’Autorité de sûreté nucléaire » (ASN).
L'association Greenpeace, qui milite aussi pour la sortie du nucléaire, a réagi :«Avec les deux récents incendies qui ont eu lieu à la centrale de Cattenom, en Moselle, il s'agit du troisième incendie sur une installation nucléaire en dix jours». Selon Greepeace, «L'ASN a elle-même déclaré que l'état de la sûreté nucléaire est préoccupant en France ». Sur le site internet de l'ASN, le nombre d'incidents relevés dans les centrales nucléaires française pour les mois de décembre et janvier est de 12 plus ou moins dangereux.
Ce n'est pas le premier incident technique à la centrale de Flamanville. Le plus marquant a été un dégagement de fumée non-radioactive en août 2015 au niveau du réacteur 2. Celui-ci avait entraîné le déclenchement pendant quelques heures d'un plan d'urgence.
Fin 2015-début 2016, ce réacteur n°2 avait dû aussi être arrêté pendant cinq semaines après la panne d'un transformateur qui a dû être remplacé. En octobre 2015, EDF avait par ailleurs déclaré un incident de niveau 1 (sur une échelle de 7) après avoir découvert que «quelques» joints n'étaient pas les bons sur ses deux réacteurs en fonctionnement.
Selon 20 Minutes, fin 2016, 21 réacteurs sur les 58 que compte la France étaient à l’arrêt, soit plus d’un sur trois, et 15 en maintenance 'planifiée.' Toutefois, 7 subissaient des tests sur leurs générateurs de vapeur, potentiellement défectueux. En effet, depuis la détection d'anomalies sur les générateurs fabriqués dans l'usine d'Areva du Creusot, l’ASN exige des inspections sur les 18 réacteurs équipés des générateurs en question.
L'incident survenu à Flamanville bien que n'ayant pas provoqué fort heureusement une catastrophe nucléaire souligne l'état critique du nucléaire, dont l'ancienneté des centrales, qui se rapprochent ou ont dépassé les 40 ans d'exploitation qu'EDF considère être la limite d'âge. Avec le vieillissement des centrales, le coût de les remettre en conformité en attendant leur remplacement par des centrales de nouvelles générations, de type EPR, augmente considérablement.
Les EPR, qui sont en construction notamment à Flamanville et Hinkley Point, ont mis en grande difficulté le groupe nucléaire Areva avec de longs retards sur l'achèvement des travaux en raison de plusieurs centaines d'anomalies décelés sur les chantiers de construction. Pour sauver Areva, EDF et l'État français se sont mis d'accord pour acheter l'activité réacteur à hauteur de 2,5 milliards d'euros.
Face à la difficulté du nucléaire, EDF, les risques de l'énergie nucléaire pour la sécurité des populations sont largement ignorées pour éviter l'aggravation de la crise du nucléaire français . Comme le souligne le journal Challenge : « Il reste maintenant l’hypothèque Flamanville. La décision d’autoriser la cuve de l’EPR normand qui recèle une trop grande ségrégation de carbone dépend de l’ASN. En novembre dernier, Xavier Ursat, le directeur exécutif ingénierie d’EDF avait indiqué de manière peu diplomatique qu’il n’envisageait pas l’éventualité d’un rejet de l’Autorité. « On n’est pas dans ce scénario. On n’a jamais réalisé autant de tests que pour cette cuve. Et l’ASN a validé notre programme. Il ne peut pas y avoir de surprise.» L’ASN est maintenant sous pression. On n’aimerait pas être à la place de son président Pierre-Franck Chevet. Quel que soit l’avis qu’il rendra dans les prochains mois, il sera sous le feu des critiques. De sa décision va dépendre l’avenir du premier EPR français. Mais au-delà de celui des EPR britanniques d’Hinkley Point (qui dépendent du bon lancement de Flamanville) et in fine de toute la filière nucléaire française. ».
Le nucléaire est une question stratégique nationale pour le capitalisme français afin d'assurer son indépendance énergétique. Cette industrie lui a servi dans l'armement pour lui assurer un rôle de politique dominant sur le continent européen sous De Gaulle pour contrer la domination économique sur l'Allemagne.
La multiplication des incidents dans les centrales et les difficultés de l'EPR révèlent la faillite d'une stratégie nationale basée sur les intérêts financiers incapable d'assurer le développement du nucléaire en sécurité. La catastrophe de Fukushima de 2011, tout comme l'incident d'hier matin, sont des avertissements sur le caractère de l'exploitation de cette industrie par la bourgeoisie française et mondiale.
Comme le soulignait le WSWS après Fukushima : « Tant que l’énergie nucléaire reste le domaine d’entreprises et de marchés privés, la santé de l’environnement et la sûreté de l’humanité seront subordonnées à la chasse aux profits et à l’enrichissement des dirigeants d’entreprises et des gros actionnaires. Une exploitation et un développement sûrs de l’énergie nucléaire ne sont concevables que sous le régime de la propriété publique et du contrôle démocratique de la population laborieuse – autrement dit, sous le socialisme. »