Perspective

La grande diversion : Les démocrates se concentrent sur le scandale sexuel alors que le conflit avec la Russie s’intensifie

À voir la couverture médiatique en Amérique dominée par les allégations d’agression sexuelle contre le candidat présidentiel républicain Donald Trump, on ne saurait jamais que les États-Unis sont sur le point d’entreprendre une escalade massive des opérations contre la Syrie et se préparent à un conflit militaire avec la Russie.

Vendredi, la couverture média en continu des transgressions sexuelles supposées de Trump a donné le rôle principal à un discours plein d’indignation moralisatrice par la Première Dame, Michelle Obama, vétéran de la machine politique coup-gorge de Chicago. Elle a déclaré, mélodramatique, qu’un enregistrement de Trump faisant des remarques obscènes « m’a profondément ébranlé ».

Le spectacle médiatique tout entier sert d’écran de fumée pour des plans à grande portée de l’administration actuelle, avec le plein appui de la candidate démocrate à la présidentielle Hillary Clinton, à mettre en œuvre des politiques profondément impopulaires sans examen public aucun. Il sert également à enterrer toute discussion sur les questions de fond dans la campagne électorale.

Derrière un black-out médiatique presque totale, le Conseil de sécurité nationale de la Maison-Blanche a tenu une réunion à huis clos vendredi pour examiner la campagne de l’armée américaine en Irak et en Syrie. Le seul reportage des grands médias sorti rapidement sur la réunion, inclus dans le flux d’actualités de Reuters jeudi, puis rapidement supprimé, a noté que les responsables américains étudiaient des « frappes aériennes sur les bases militaires syriennes, les dépôts de munitions ou des bases de radar et des défenses antiaériennes ». Interrogé sur la réunion à une conférence de presse vendredi après-midi, le vice-secrétaire de presse, Eric Schultz, a même refusé de reconnaître que la réunion a eu lieu.

La réunion a eu lieu juste un jour après que l’armée américaine a considérablement intensifié son rôle dans le conflit au Yémen, en lançant des frappes de missiles de croisière contre des sites contrôlés par la milice Houthi. Ceci, moins d’une semaine après que l’armée saoudienne, soutenue par les Américains, a bombardé des funérailles Houthi dans la capitale du Yémen, Sanaa, tuant au moins 140 civils et en blessant plus de 500 autres.

Quelques heures après la réunion du conseil de guerre d’Obama, l’émission des informations du soir de NBC a commencé vendredi avec un reportage exclusif indiquant, selon les dires des responsables des renseignements restant anonymes, que la Maison-Blanche « envisage une intervention informatique secrète sans précédent contre la Russie en représailles à l’ingérence russe supposée dans l’élection présidentielle américaine ».

Ce rapport vague donne un ton belliqueux pour des discussions déjà prévues entre le secrétaire d’État américain, John Kerry, et son homologue russe, Sergueï Lavrov, samedi.

La Grande-Bretagne, la France et l’Allemagne, quant à eux, poussent à une escalade militaire dans la guerre par procuration de cinq ans pour renverser le président syrien Bachar al-Assad. Mardi, le ministre des Affaires étrangères britannique, Boris Johnson, a déclaré que la Russie était un État « paria » et a appelé à des manifestations anti-Assad et anti-Russe à l’ambassade de Russie à Londres.

Johnson est l’hôte d’une rencontre entre Kerry et les ministres des Affaires étrangères européens dimanche afin d’envisager « d’autres options cinétiques, les options militaires » dans la guerre en Syrie.

Pour leur part, les responsables russes ont menacé de représailles contre des frappes américaines contre des cibles du gouvernement syrien. « Les missiles ou des frappes aériennes sur le territoire contrôlé par le gouvernement syrien vont créer une menace claire pour les militaires russes », a déclaré le porte-parole du Ministère de la Défense russe, le général Igor Konashenkov, la semaine dernière.

Il a ajouté : « Les équipes des systèmes de défense aérienne russes ont peu de chances d’avoir le temps pour déterminer, dans une “ligne droite,” les trajectoires de vol exactes de missiles, puis à qui les ogives appartiennent. Et toutes les illusions d’amateurs sur l’existence d’avions “invisibles” seront confrontées à une réalité décevante ». La référence de Konashenkov aux avions “invisibles” était un avertissement que les systèmes de défense aérienne avancés russes S-400 sont capables d’abattre des avions de combat de la cinquième génération avec furtivité, tels que les F-22 et F-35 américains.

Si les frappes aériennes américaines contre des cibles syriennes conduisent à la perte des avions américains, abattus par les forces russes, la Maison-Blanche sera sous une pression immense de se venger, ce qui pourrait déclencher une réaction en chaîne qui pourrait aboutir à la première utilisation d’armes nucléaires depuis la Seconde Guerre mondiale.

En préparation évidente à une telle éventualité, Moscou a envoyé des missiles Iskander-M à capacité nucléaire dans la ville Baltique russe de Kaliningrad le 8 octobre. De Kaliningrad, les missiles peuvent frapper des cibles, y compris les bases de l’OTAN, à travers la Pologne et les républiques baltes.

Soulignant les dangers posés par ces développements, Numan Kurtulmus, le vice-premier ministre de la Turquie, a prévenu cette semaine que si la guerre en Syrie continue, « L’Amérique et la Russie arriveront au bord de la guerre ». Il a ajouté que la « guerre par procuration » en Syrie a conduit le monde au « bord du début d’une grande guerre régionale ou mondiale ».

La guerre en Syrie n’est qu’un seul point chaud dans ce qui, d’après les stratèges militaires deviendra de plus en plus un conflit « inévitable » entre les grandes puissances militaires. Le mois dernier, le Conseil de l’Atlantique, un groupe de réflexion de Washington, a publié un rapport intitulé « L’avenir de l’armée », qui a précisé que la principale préoccupation de l’armée américaine est de se préparer à combattre de guerres « grandes et mortelles » entre « grandes puissances », entraînant « de lourdes pertes » et « des niveaux élevés de mort et de destruction ».

Le 4 octobre, lors d’une réunion de l’Association de l’armée américaine à Washington, le chef d’état-major de l’Armée, le général Mark A. Milley a déclaré qu’une guerre entre les États-Unis et les puissances mondiales telles que la Russie et la Chine était « presque garantie ». À la même conférence, le général William Hix, un haut stratège de l’Armée, a déclaré qu’un conflit « dans un avenir proche » avec un pays comme la Russie ou la Chine entraînerait un niveau de violence « que nos armées n’ont pas connu probablement depuis la Corée, sinon la Seconde Guerre mondiale ».

Ces développements montrent clairement que la menace sur l’humanité d’une guerre entre puissances nucléaires est plus importante aujourd’hui qu’à tout autre moment depuis la hauteur de la guerre froide. La brusque escalade des tensions militaires rappelle la crise des missiles de Cuba en 1962, qui a presque conduit à la guerre à grande échelle entre les États-Unis et l’Union soviétique.

À cette époque-là, la presse suivait avidement chaque détail de la confrontation entre les États-Unis et l’URSS, tandis que l’Administration Kennedy cherchait intensément une solution diplomatique à la crise. Maintenant, la Maison-Blanche, poussée par une situation intérieure instable et de menaces croissantes à sa domination mondiale, prend des mesures de plus en plus téméraires, tandis que la presse se voile la face pratiquement devant le danger d’un affrontement entre les États-Unis et la Russie.

Le silence des médias sur la menace de guerre est couplé à un entraînement, dirigé par la campagne Clinton, le Parti démocrate et le New York Times, à dépeindre le candidat républicain fascisant à la présidentielle, Donald Trump, comme un agent du président russe Vladimir Poutine. En encadrant l’élection du 8 novembre comme une lutte contre la subversion russe et le « dictateur » Poutine, Hillary Clinton cherche à créer les conditions pour demander un mandat populaire pour l’escalade militaire et une confrontation avec la Russie, si elle devait emporter la Maison-Blanche.

Les deux partis des grandes entreprises, en dépit de leurs différences tactiques, soutiennent pleinement la poussée vers la guerre des États-Unis, tandis que les candidats libertaires et verts se voilent la face en grande partie devant le risque de guerre. Le Parti de l’égalité socialiste seul a mis l’opposition à la guerre au cœur de sa campagne pour les élections de 2016.

Le 5 novembre, le PES tiendra une conférence, « Le socialisme contre le capitalisme et la guerre », qui discutera des fondations politiques pour la construction d’un mouvement de masse se fondant sur la classe ouvrière contre la poussée des États-Unis vers la guerre. Le World Socialist Web Site encourage tous ses lecteurs de s’inscrire à la conférence et de prendre part à la lutte contre la guerre.

(Article paru d’abord en anglais le 15 octobre 2016)

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