L'Union européenne (UE) et le Fonds monétaire international (FMI) s’apprêtent à exiger de nouvelles mesures d'austérité au-delà de celles acceptées par le gouvernement Syriza en Grèce l'an dernier dans le cadre du plan de sauvetage de 86 milliards d’euros convenu l’été dernier.
Syriza (« coalition de la gauche radicale ») a accepté en juillet dernier d’imposer des mesures d'austérité massives, piétinant tant ses promesses électorales d’en finir avec l’austérité de l'UE que le « non » écrasant à l’austérité lors d'un référendum anti-austérité qu’il avait lui-même proposé. Dans un nouvel acte de trahison politique, Syriza prépare de nouvelles mesures austéritaires à hauteur de milliards d'euros contre la population grecque dans ses pourparlers avec le FMI et l’UE.
Alors que restent à débourser 60 milliards d’euros sur les 86 milliards du plan d’aide, le FMI et l'UE insistent sur une réduction permanente de 3 milliards d’euros des dépenses annuelles. Si la Grèce ne parvient pas à faire ces coupes soi-disant de « prévoyance », ils bloqueront les fonds restants, obligeant la Grèce à faire défaut sur 3,5 milliards d’euros de paiement de la dette arrivant à échéance cet été – un renouvellement de la menace, l'été dernier, de forcer la Grèce à faire défaut.
Les responsables américains ont appuyé la demande de l'UE que la Grèce mette en œuvre de nouvelles mesures d'austérité comme condition préalable à l’effacement d’une portion de la dette massive de la Grèce que des renflouements successifs ont porté au niveau gigantesque, non viable, de 177 pour cent du PIB.
Le porte-parole de la Maison-Blanche Josh Earnest a dit mercredi 27 avril, « Bien sûr, vous savez, nous sommes très favorables aux efforts que les membres de l'UE ont fait pour faire face aux défis financiers posés par les finances de la Grèce. Une partie de cet accord tenait à ce que la Grèce introduise un certain nombre de réformes structurelles. Et nous croyons fermement que la Grèce a la responsabilité de le faire. »
Interrogé par la Commission des services financiers du Congrès, le sous-secrétaire du ministre des Finances, Nathan Sheets, a confirmé que le FMI n’accepterait de débourser des fonds à la Grèce que si Syriza imposait de nouvelles et sévères coupes sociales. Il a également confirmé que c'était la position du gouvernement Obama et du ministère américain des Finances.
Sheets a dit au Comité du Congrès, « Le FMI a clairement indiqué qu'il ne s’engagerait dans un programme grec, dans le sens de fournir des ressources, que s’il est convaincu que le programme de réforme mis en avant est important et que les autorités grecques l’adoptent comme le leur ... Laissez-moi encore dire que la position du FMI sur la nécessité d’un programme solide et d’une adhésion au programme à la seule condition qu’il y ait un allègement significatif de la dette, est fortement soutenu par le ministère [américain] des Finances. »
Les commentaires de Sheets et Earnest interviennent après que Syriza s’est opposé aux termes des coupes de « prévoyance » exigées par les fonctionnaires de l'UE et que le Premier ministre grec Alexis Tsipras a lancé un appel au président du Conseil européen Donald Tusk lui demandant de préparer une réunion des dirigeants de la zone euro pour discuter de la question. Mais Tusk a ignoré la demande de Syriza.
La porte-parole du gouvernement Syriza Olga Gerovasili a indiqué que les nouvelles demandes d'austérité violaient les termes du plan de sauvetage de juillet 2015 et a essayé de les présenter comme des exigences venant de Washington et sapant les positions de l'UE : « Le FMI fait des exigences qui vont au-delà ce qui était convenu. Ces exigences sapent les efforts à la fois du gouvernement grec et des institutions européennes. »
Mais Tusk a été clair sur le fait que l'UE est en fait d' accord avec les exigences actuellement avancées surtout par Washington et le FMI, rejetant carrément la demande de Tsipras d’une réunion des premiers ministres qui pourrait théoriquement accepter de desserrer l'étau financier qui étrangle la Grèce. « Je suis convaincu qu'il y a encore du travail à faire par les ministres des Finances qui doivent éviter une situation d'incertitude pour la Grèce », a déclaré Tusk.
Les protestations impuissantes de Syriza à l’adresse de l'UE sont en fait une couverture cynique. Dans les coulisses, il poursuit le programme d'austérité qu’il a imposé immédiatement après avoir sa prise de pouvoir en janvier 2015, reniant sa promesse de mettre fin au Mémorandum d’austérité de l’UE quelques semaines après son entrée en fonction.
La Grèce est déjà confrontée à une grave crise de liquidités, ne sachant si elle payera les retraites et les salaires des travailleurs du secteur public le mois prochain. Tsipras a contraint des entités publiques, dont les services de santé et des eaux, à vider leurs comptes en banque et à déposer l’argent à la Banque centrale pour aider à atténuer la pénurie de fonds.
En attendant, les responsables de l'UE font l'éloge du gouvernement Syriza pour être très disposé et obligeant dans les négociations à huis clos sur les mesures d'austérité contre la population grecque.
Le commissaire européen aux Affaires économiques et financières Pierre Moscovici a salué Syriza pour avoir négocié agressivement des coupes très impopulaires dans les retraites, les privatisations et les réformes de l'impôt sur le revenu. « Nous avons fait 99 pour cent du chemin, nous avons convergé sur presque tous les aspects,» a dit Moscovici avant d’ajouter: « En ce qui concerne le mécanisme de prévoyance, ce qui à notre avis n’est pas vraiment justifié par les données, mais politiquement nécessaire, nous allons y travailler. »
Néanmoins, Syriza étant en train de chuter rapidement dans les sondages et la colère montant dans la classe ouvrière contre son programme d'austérité, on spécule de plus en plus dans l'establishment politique que les nouvelles mesures d'austérité pourraient faire tomber le gouvernement Tsipras.
Sept Grecs sur dix s’opposent aux négociations d'austérité en cours, selon un récent sondage KAPA, qui a également constaté que Syriza n’obtiendrait que 18,4 pour cent des voix, à peu près la moitié de ce qu’il avait obtenu l'an dernier, alors que le parti de droite New Democracy obtiendrait lui, 21,4 pour cent.
Des sources au sein de Syriza ont néanmoins déclaré au Financial Times, le principal journal du capital financier européen, que Tsipras n’appellerait pas à des élections anticipées ni ne prévoirait un nouveau référendum sur l'austérité dans une nouvelle tentative de se donner une couverture politique pour poursuivre l'austérité. Cela suggère qu'il poursuivra la négociation des mesures d'austérité avec l'UE et leur imposition.
« Ce n’est pas comme l'an dernier », a déclaré Stefanos Akrivakis un ancien militant de la jeunesse de Syriza au Financial Times; « Alexis a déçu tant de gens qu'il ne peut pas risquer de tenir un référendum sur les mesures ou une élection générale. »
(Article original paru en anglais le 30 avril 2016)