Sarkozy lance une candidature présidentielle basée sur l’hystérie anti-musulmane

Jeudi, l’ancien président Nicolas Sarkozy a lancé sa candidature aux primaires de LR en novembre pour les élections présidentielles de 2017, en réclamant des attaques sans précédent contre les droits démocratiques des musulmans. Sarkozy a été président de 2007 à 2012, quand il a perdu l'élection face à François Hollande du Parti socialiste (PS).

La France est encore sous l’état d’urgence, et le caractère politique des mesures prônées par Sarkozy est sans équivoque : ils convertiront les musulmans en citoyens de deuxième classe, privés de droits sociaux et démocratiques essentiels. Sarkozy a appelé à piétiner les libertés religieuses des femmes musulmanes et leur droit démocratique de se vêtir à leur guise, en proposant d'interdire le voile et la burqa dans les entreprises et les universités. Cela leur imposerait un choix odieux : renoncer soit à leur religion, soit au droit de travailler et d’obtenir une éducation.

Sarkozy avait choisi de lancer son appel à Châteaurenard, dans le sud de la France, où le Front national (FN) a réalisé des scores importants aux dernières élections régionales.

Sarkozy a tiré la plupart de ses remarques de son nouveau livre, « Tout pour la France », sorti la semaine dernière. Dans ce livre, il annonce sa candidature et appelle à la suspension du droit des immigrés au regroupement familial, à l'imposition de conditions sévères pour obtenir la nationalité française, et à l’élimination de l’aide médicale d’État aux migrants.

A Châteaurenard, Sarkozy a réclamé l’interdiction du voile « à l’école, à l’université, dans les services publics et dans les entreprises ». Il a carrément déclaré : « Notre identité est menacée quand on laisse des minorités nous imposer un mode de vie qui ne sera jamais le nôtre. » Il a ajouté : « Je veux être le président qui rétablira l’autorité de l’État sur chaque centimètre carré de la République. »

De tels propos d’un ancien chef de l’État témoignent d’une désintégration stupéfiante de la démocratie bourgeoise. La stratégie de la bourgeoisie française, mise en œuvre depuis des décennies, de diviser les travailleurs en incitant le nationalisme antimusulman acquiert de vastes et terrifiantes dimensions au milieu d'une crise historique du capitalisme mondial.

Une communauté religieuse entière, composée de millions de personnes largement issues des sections les plus opprimées de la classe ouvrière en France, est essentiellment accusée de trahison. Ce qui découle des remarques de Sarkozy est que le simple fait de pratiquer pacifiquement une religion partagée par des millions de personnes en France signifierait défier l’autorité de l’État et attaquer l’ethnie française.

Cette résurgence des conceptions racistes souligne la profonde crise du régime bourgeois en Europe. Comme le montre la croissance des tendances néo-fascistes à travers le continent — le FN en France, le parti Svoboda dans le régime pro-OTAN en Ukraine, et l’incorporation des Grecs indépendants d’extrême-droite au gouvernement Syriza — la bourgeoisie vire de plus en plus vers des méthodes et des politiques fascistes.

Les propositions de Sarkozy d'interdire le voile dans les entreprisees et les universités rappellent les premières lois antisémites de Vichy, qui interdisaient aux Juifs certaines professions, dont la médecine et la fonction publique, et limitaient leur accès aux postes universitaires. Cela a ouvert la voie à Vichy, qui a finalement imposé la déchéance de le nationalité française des Juifs et leur déportation en masse depuis la France vers des camps de la mort à travers l’Europe.

Comme maintenant, le ciblage de groupes ethniques et religieux entiers par l’État était lié à des tensions de classe aigües et à l’éruption de guerres impérialistes à travers le monde.

La bourgeoisie française fait face à une colère explosive des travailleurs contre la loi travail du PS, qui détruit le Code du Travail, et à un danger de guerre sans précédent depuis la Seconde Guerre mondiale. La France est profondément impliquée dans les préparatifs de guerre de l’OTAN contre la Syrie et contre la Russie, ainsi que dans le « pivot vers l’Asie » de Washington contre la Chine.

A Châteaurenard, Sarkozy a donc promis de réintroduire le service militaire universel pour les jeunes de 18 ans qui sont au chômage ou qui étudient à temps plein. Attaquent implicitement Hollande, Sarkozy a promis de renforcer la guerre contre le terrorisme : « Je veux que face à la menace terroriste, les Français aient la certitude d’être protégés, au lieu de se demander pourquoi la réponse de ceux qui devraient nous gouverner est si faible. »

En fait, si les services de renseignement ont permis à des islamistes qu'ils connaissaient d'organiser des attaques en Europe, c'est que ces islamistes servent de truchements aux guerres de l’OTAN au Moyen-Orient. Ils bénéficient donc d’une protection tacite des forces de sécurité de l’OTAN.

Sarkozy lui-même porte une lourde responsabilité politique dans cette affaire. Il était au pouvoir en 2011, quand la France a fait pression pour lancer la guerre en Libye, pendant laquelle l'OTAN a armé en financé des milices islamistes afin de renverser le régime du colonel Mouammar Kadhafi. Hollande a continué la même stratégie, en attisant une guerre en Syrie et en soutenant des milices islamistes liées à Al-Qaïda contre le régime syrien du président Bachar al-Assad.

Si Sarkozy peut à nouveau lancer une campagne présidentielle, après avoir été l’un des présidents les plus impopulaires de l'histoire française, c’est avant tout dû au rôle du PS et de ses alliés de pseudo-gauche. Leurs politiques d’austérité, de guerre, et d’hystérie sécuritaire ont ouvert la voie à la réaffirmation de la discrimination ethnique et religieuse comme principe de la politique française.

Après les attentats contre Charlie Hebdo et du 13 novembre à Paris, menés par des islamistes connus des services de renseignement, Hollande a invité la chef du FN, Marine Le Pen, à l’Élysée, prétendument afin d’établir « l’unité nationale » contre le terrorisme.

Hollande a exploité les attentats terroristes afin de légitimer le FN et d'imposer un état d’urgence permanent qui liquide des droits démocratiques fondamentaux ; il a également préconisé d’inscrire le principe de la déchéance de la nationalité dans la Constitution.

Après le discours de Sarkozy, le Premier ministre Manuel Valls s'est posé en adversaire de Sarkozy, en dénonçant « la brutalité de ses propositions. ... Il suit l'extrême droite, il embarque progressivement la droite républicaine, et d'ailleurs même les autres candidats aux primaires, y compris Alain Juppé, se laissent entraîner dans ce mouvement, dans cette voie-là, et ça m'inquiète. »

Ces commentaires sont totalement hypocrites. Valls attise lui-même le climat antidémocratique et antimusulman, notamment en soutenant l'interdiction du burkini. Il a joué un rôle central dans la répression des manifestations contre la loi travail au printemps et au début de l’été.

Plus largement, toute la classe politique française attise les ressentiments anti-musulmans depuis plus d’une décennie. Le gouvernement de droite de Jacques Chirac a imposé l'interdiction du foulard dans les écoles en 2004 ; l'interdiction de la burqa proposée par Sarkozy et par le Parti communiste français (PCF) stalinien a été entérinée en 2010.

Des groupes de pseudo-gauche, dont Lutte ouvrière (LO) et le Nouveau parti anticapitaliste (NPA), ont soutenu ces interdictions, en affirmant frauduleusement que c'étaient des mesures « laïques » visant à défendre les droits des femmes. Permettant ainsi aux haines anti-musulmanes de monter, ils ont aussi soutenu les guerres impérialistes « humanitaires » en Libye et en Syrie. Ils sont participé à la création des conditions sous lesquelles Sarkozy peut lancer une campagne fondée sur la discrimination religieuse.

(Article paru d’abord en anglais le 29 août 2016)

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