Le taux de mortalité maternelle est en forte hausse aux États-Unis alors qu’il diminue dans les autres pays industrialisés. Entre 2000 et 2014, durant les gouvernements Bush et Obama, le taux de mortalité maternelle a augmenté de 27 pour cent et poursuit vraisemblablement sa hausse.
Cette statistique choquante figure dans une étude publiée sur l’Internet le 8 août dans la revue « Obstetrics & Gynecology ». Bien que les auteurs y notent que les méthodes de recensement ont changé au cours de cette période, la chercheuse ayant dirigé l’étude, Marian MacDorman, de l’Université du Maryland, a déclaré qu’environ 20 des 27 pour cents de hausse enregistrés reflètent une augmentation « réelle » du décès de femmes accouchant.
Ces chiffres sont un réquisitoire cinglant de l’ordre social prévalant en Amérique, le pays le plus riche du monde dont le gouvernement proclame être la première démocratie de la planète. Ils ne sont qu’une manifestation parmi d’autres du coût humain exigé par l’inégalité, vaste et omniprésente, et par la pauvreté de masse qui domine la société américaine.
Ces chiffres démentent, avec d’autres indicateurs de détresse sociale et de régression sociétale croissantes, les déclarations du président américain Barack Obama plus tôt cette année que l’économie américaine était « l’envie du monde », et que « l’Amérique [était] sacrément grande en ce moment. »
Dans d’autres pays industrialisés, le taux de mortalité maternelle a fortement diminué depuis 1990, selon l’Institut de métrologie sanitaire et d’évaluation (IHME). En Corée du Sud par exemple, le taux de mortalité maternelle est passé de 20,7 décès pour 100.000 naissances vivantes à 12 aujourd’hui ; en Allemagne, il est tombé de 18 à 6,5.
Depuis 1987, la première année où les Centres pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC) ont commencé à recueillir des données, le taux de mortalité maternelle aux États-Unis a plus que doublé. Environ 700 femmes meurent sur 4 millions de naissances vivantes annuelles.
En plus des décès maternels, plus de 23.000 enfants sont décédés dans la première année de vie en 2014, soit environ 6 sur 1.000 enfants nés, selon les CDC. Vingt-cinq autres pays industrialisés réussissent mieux à garder en vie leurs habitants les plus petits et les plus vulnérables.
Les dernières recherches de suivi des décès maternels font suite à des rapports de déclin dans la santé de la grande majorité des Américains, entre autres une hausse du taux de mortalité dû à la toxicomanie et au suicide, et un fort écart dans l’espérance de vie des personnes aux échelons de revenus inférieurs par rapport aux échelons supérieurs.
Une cause majeure de l’augmentation des décès maternels aux États-Unis est, selon les chercheurs d’Obstetrics & Gynécology, l’augmentation du nombre de maladies chroniques chez les femmes. Il y a trois décennies, la plupart des décès maternels pouvaient être attribués à des hémorragies mortelles (à l’accouchement), à des troubles de l’hypertension induits par la grossesse, à des infections en salle d’accouchement et à des complications dues à l’anesthésie.
Les femmes enceintes aux États-Unis sont maintenant beaucoup plus susceptibles de mourir en raison de conditions préexistantes telles que les maladies cardiaques ou le diabète, qui sont plus fréquents chez les femmes à faible revenu. Les maladies cardio-vasculaires et la cardiomyopathie (liée à l’affaiblissement du tissu du muscle cardiaque) représentent plus d’un quart de tous les décès liés à la grossesse, comme le rapporte le site Web « Vox.com. » Les maladies cardio-vasculaires représentaient moins de 10 pour cent des décès maternels il y a 30 ans.
Un nouveau rapport de la CDC montre qu’en 2014, plus de 50 pour cent des femmes étaient en surpoids ou obèses avant de devenir enceintes. Être en surpoids ou obèse pendant la grossesse est en ligne avec l’épidémie générale d’obésité aux États-Unis. Si les chercheurs ont trouvé que ces problèmes étaient communs à toutes les couches socio-économiques, l’obésité est fortement associée à la pauvreté, au manque d’accès à des aliments nutritifs et au stress dû aux conditions de vie.
Selon les CDC, les femmes obèses avant la grossesse étaient plus susceptibles d'avoir plus de 40 ans, d’être noires ou d’origine amérindienne ou autochtone d’Alaska,. Elles étaient également moins susceptibles d’avoir un diplôme universitaire et plus d’être tributaires de Medicaid pour financer leur accouchement. Être en surpoids ou obèse est en corrélation directe avec l’hypertension artérielle et le diabète chez les femmes enceintes, des problèmes pouvant conduire à des accouchements avant terme et à des césariennes.
Si le risque de décès dû à des complications de grossesse augmente avec l’âge, les experts disent que l’âge n’explique pas à lui seul pourquoi les décès maternels sont en hausse aux États-Unis. Nicholas Kassebaum de IHME a dit à Vox que les risques de grossesse augmentaient « de façon exponentielle après l’âge de 35 ans, », mais que « le nombre de femmes ayant retardé la grossesse aux États-Unis n’avait pas augmenté plus » que dans les autres pays industrialisés.
Les femmes noires sont deux à trois fois plus susceptibles de mourir suite à une grossesse et à un accouchement que les femmes blanches. Des études gouvernementales ont montré que les femmes noires étaient moins susceptibles de recevoir des soins prénatals au cours du premier trimestre et plus susceptibles de souffrir de maladies préexistantes que les femmes blanches. Les chercheurs ont constaté que cela était vrai indépendamment de l’âge, du niveau d’éducation ou du statut socio-économique.
Selon le CDC, la différence de taux de mortalité maternelle entre femmes blanches et noires est actuellement l’une des disparités les plus graves du système de santé aux États-Unis. Cela est très probablement lié au manque d’accès aux services de santé, à l’abordabilité et à la qualité des soins médicaux que reçoivent les femmes noires.
En 2014, « Un rapport alternatif pour le Comité des Nations Unies sur l’élimination de la discrimination raciale » a trouvé que: « Dans le comté de Chickasaw, Mississippi, le MMR [taux de mortalité maternelle] pour les femmes de couleur (595 pour 100.000 naissances vivantes) est plus élevé que dans les pays d’Afrique subsaharienne, dont le Kenya (400) et le Rwanda (320). »
Le taux de mortalité maternelle disproportionné chez les Afro-Américains aux États-Unis est une manifestation extrême de la fracture sociale entre riches et pauvres et des inégalités raciales qui l’accompagnent. Selon le recensement américain de l’an 2000, le comté de Chickasaw (cité ci-dessus) avait un revenu annuel par habitant de 13.279 dollars. Vingt pour cent de la population vivait en-dessous du seuil officiel de pauvreté (24 pour cent des moins de 18 ans et 22 pour cent des personnes âgées de 65 ans et plus).
Une deuxième étude du même numéro d’Obstetrics & Gynecology constatait que les décès aux États-Unis de femmes pendant la grossesse ou peu après n’ont souvent rien à voir avec l’accouchement ou les complications de la grossesse. L’étude a suivi les décès maternels dans l’Illinois entre 2002 et 2011 et a constaté que plus d’un tiers était le résultat d’accidents de voiture, de la toxicomanie, de suicides et d’homicides — autant d’indications de la violence omniprésente dans la société américaine.
Le taux croissant de mortalité maternelle aux États-Unis doit être pris en compte avec d’autres signes d’inégalité sociale affectant la santé et la vie des familles qui travaillent dans l’Amérique du 21e siècle :
- Un bébé toxicomane est né toutes les 19 minutes, faisant l’objet d’une désintoxication épuisante et confronté aux risques de complications de santé tout au long de sa vie.
- En 2014, il y eut 47.055 décès par overdose, 61 pour cent d’entre eux par opioïdes.
- Le taux de mortalité des Américains blancs âgés de 45 à 54 ans ayant au plus un diplôme d’études secondaires a augmenté de 134 décès pour 100.000 personnes de 1999 à 2014.
- L’écart dans l’espérance de vie entre le un pour cent le plus riche et celui le plus pauvre de la population aux États-Unis, est de 14,6 ans pour les hommes et de 10,1 ans pour les femmes.
- La Loi sur les soins abordables (« Affordable Care Act ») de l’Administration Obama, qui enrichit l’industrie des soins de santé pour le profit, vise à forcer les travailleurs et leurs familles à se rationner eux-mêmes en soins de santé. Ceci se traduira inévitablement par des souffrances et des décès prématurés.
Ces indicateurs flagrants de la réalité sociale — combinée avec les bas salaires, la pauvreté, la dette et d’autres manifestations de l’insécurité économique pour la grande majorité de la population — ne trouvent aucune mention dans la campagne présidentielle de 2016 des deux partis du patronat. Hillary Clinton et Donald Trump défendent tous deux les intérêts de l’élite dirigeante sous la forme de l’augmentation des dépenses militaires, de la réduction des impôts pour les sociétés et de coupes dans les programmes sociaux.
L’augmentation des décès maternels et de la mortalité infantile et la baisse de l’espérance de vie, ne peuvent être combattus qu’en mettant fin à la médecine pour le profit et en établissant des soins de santé gratuits pour tous, de haute qualité et gérés par l’État, dans le cadre d’une lutte pour réorganiser la société sur une base socialiste.
(Article paru d’abord en anglais le 10 août 2016)