Quatrième journée d’action contre la loi El Khomri: manifestations moins importantes et attaques de la police

Des centaines de milliers de personnes ont défilé à travers la France jeudi dans une quatrième journée d’action appelée par les syndicats industriels, lycéens et étudiants contre la réforme du droit du Travail de la ministre du Travail PS Myriam El Khomri. Des travailleurs des chemins de fer, des aéroports et des ports ont cessé le travail. La police anti-émeute, qui a brutalement attaqué les jeunes dans chaque manifestation contre la ‘loi Travail’, s’est de nouveau affrontée avec les manifestants dans de nombreuses villes.

Malgré de grandes différences dans l’estimation du nombre des participants – 170.000 selon les autorités et 500.000 selon la CGT stalinienne (Confédération générale du travail) – la participation était clairement en forte baisse par rapport aux plus de un million de personnes ayant manifesté le 31 mars.

Cela n’exprime pas un affaiblissement de la vaste opposition des travailleurs et des jeunes à la loi El Khomri. Même les sondeurs, dont les résultats s’adaptent en général aux besoins de la classe dominante, admettent que la loi reste extrêmement impopulaire. Elle allongerait la journée de travail, porterait atteinte à la sécurité de l’emploi des jeunes travailleurs et permettrait aux syndicats de négocier des contrats inférieurs aux normes fixées par le Code du travail. La manifestation se heurte bien plutôt à un obstacle majeur: des masses de travailleurs et de jeunes qui manifestent n’ont pas de stratégie viable pour lutter contre le gouvernement PS.

Dans les rassemblements de jeudi, plusieurs jeunes ont posé des questions aux journalistes du WSWS sur comment s’opposer vraiment au PS. Cela exprime une réalité politique fondamentale: les organisations qui contrôlent les manifestations sont des alliés du PS et ne mènent pas une vraie lutte contre la loi El Khomri. Elles défendent le PS. L’allié politique de la CGT, le Front de gauche, et le Nouveau Parti anticapitaliste (NPA), ont appelé à élire François Hollande comme président en 2012. Toutes ces organisations ont travaillé pendant des décennies avec le PS au sein de diverses alliances.

Elles n’ont pas appelé à une large mobilisation des travailleurs contre les attaques constantes des manifestations par la police, craignant que cela fasse tomber l’extrêmement faible et impopulaire gouvernement Hollande. Les travailleurs ont largement ignoré leurs appels à des manifestations symboliques et impuissantes. Cela a permis au PS d’essayer d’imposer sa loi par une répression brutale, sous prétexte d’état d’urgence; s’appuyant sur les syndicats pour démobiliser les travailleurs et isolant ainsi les manifestants étudiants et lycéens, la police a brutalement attaqué les jeunes à chaque journée d’action.

Jeudi encore, bien qu’il soit clair que le PS est déterminé à imposer par la force le programme d'austérité qui est celui de l'Union européenne dans toute l'Europe et à passer outre à l'opposition de plus de 70 pour cent de la population, tout ce que ces organisations ont à proposer ce sont encore plus d’appels impuissants au PS. Alors que le gouvernement s’apprête à présenter la loi El Khomri à l'Assemblée nationale le 3 mai, les syndicats ont affirmé dans une déclaration que la tenue de réunions de grève sur les lieux de travail permettrait aux travailleurs d’« obtenir de nouvelles garanties collectives pour produire le progrès social. »

Ces promesses creuses et fausses, destinées à donner une couverture politique aux bureaucraties corrompues alliées au PS, vont à l’encontre de l’expérience vécue par des milliers de travailleurs et de jeunes. Le PS et les autres partis de l’Assemblée nationale sont déterminés à sabrer les salaires et les conditions de travail et ne reculeront devant rien pour y parvenir.

La classe ouvrière ne peut se défendre que d’une manière, en France et en Europe: en se mobilisant en masse dans une lutte politique déclarée pour le socialisme – en France, contre le gouvernement du Parti socialiste et ses alliés pseudo de gauche. La difficulté centrale pour les travailleurs et les jeunes en France c’est que présentement aucun parti politique ne préconise une telle lutte. Chaque parti nominalement « à gauche » traite depuis des décennies le PS, un parti patronal, en représentant du socialisme et du mouvement ouvrier.

Par conséquent, malgré que Hollande soit le président français le plus impopulaire depuis la Seconde Guerre mondiale, des couches plus larges de travailleurs ne sont pas entrées en lutte et une petite couche de manifestants est forcée dans des combats de rue infructueux, face à des hordes de policiers anti-émeute.

Des affrontements ont éclaté dans et autour des manifestations à Paris, Lyon, Rennes, Nantes, Marseille et au Havre. La Police a agressé de jeunes manifestants à Marseille et a enfermé un certain nombre de jeunes dans la gare Saint-Charles; une voiture a été brûlée à Nantes au cours de combats entre la police et les manifestants.

Des reporters du WSWS ont assisté à la manifestation principale dans le centre de Paris où étaient présentes un certain nombre de délégations de responsables syndicaux, des membres d’organisations de jeunesse du PS et du Front de gauche et des groupes d’étudiants de différentes écoles et universités locales. Ils ont parlé à une étudiante du 13e arrondissement ayant participé aux manifestations parisiennes contre la loi sur El Khomri.

Elle s’est fortement opposée à la loi El Khomri et a dit: « On est déjà assez précaires, si on rajoute de la précarité à cela, ce ne sera pas beau. Il n’y a pas de beau présage pour l’avenir des jeunes, et pas que des jeunes, des employés aujourd’hui, des travailleurs de tous bords. »

Elle a attaqué l’état d’urgence imposé par le PS, l’appelant « une bonne couverture pour éviter que les gens sortent dehors... Il y a du monde – donc tant mieux, parce que ça ne marche pas si bien que ça. »

Elle a aussi critiqué que le gouvernement PS ait tout à coup lancé une proposition réactionnaire d’interdire le voile islamique dans les universités françaises comme une mesure pour diviser les étudiants qui protestaient contre la loi El Khomri. « Le voile à l’Université sort comme par hasard au moment où tous les jeunes sont dehors contre un projet de loi du gouvernement... Je ne suis pas d’accord avec eux. »

Elle a encore critiqué la guerre en Syrie: « La politique occidentale n’est pas pour rien dans tout ce qui se passe dans ces pays-là, que ce soit aussi bien le départ de Kadhafi ou sa mort. Les jeunes qui aujourd’hui partent de la France, de la Belgique, de l’Allemagne ou d’ailleurs en Syrie ou autre, ce n’est pas pour rien. C’est peut-être qu’on les a poussés un peu et qu’on leur a dit qu’ici ils n’avaient rien à gagner... J’ai de la peine pour ceux qui sont morts, les victimes de ces attentats et pour les jeunes qui ne voient aucune autre solution que de partir dans ces pays-là. Après, il y a une belle manipulation là derrière. »

Des reporters du WSWS ont participé à un rassemblement de jeunes à Marseille et parlé à plusieurs lycéens. Un lycéen a dit qu’il était contre la loi El Khomri parce qu’elle « contraint notre futur, le fait que le salaire ne change pas alors que la charge de travail augmente. Même si le travail est moins physique on nous fait travailler beaucoup plus. »

Il s’est aussi fortement opposé à la violence policière, en particulier à Marseille, où la police a régulièrement élargi ses déploiements et où le PS a appelé envoyer l’armée pour imposer l’ordre, « je pense que les gens doivent ouvrir les yeux. Il n’y a pas que dans les manifestations qu’il y a de la violence policière, il y a, dans certains quartiers de Marseille, tous les jours des problèmes. »

Il a regretté qu’aucune organisation politique en France ne défende l’égalité sociale et fait ce commentaire: « J’attends l’égalité pour tous, mais c’est une utopie parce que personne n’est pour l’égalité. Surtout au travail. Je pense que l’on est une société où il faut se soutenir. »

(Article paru d’abord en anglais le 29 avril 2016)

Loading