La première détection directe des ondes gravitationnelles, prédites par Albert Einstein il y a presque exactement un siècle, marque une avancée importante dans les connaissances scientifiques et la maîtrise technique du monde naturel.
Les instruments scientifiques les plus précis jamais construits, les détecteurs de l'Observatoire d'ondes gravitationnelles par interférométrie laser (Laser Interferometer Gravitational-Wave Observatory – LIGO), ont mesuré des ondulations subtiles dans l'espace-temps causées par la fusion de deux trous noirs pour en former un plus gros à plus d'un milliard d'années-lumière de la Terre. Cette découverte marque le début de l'ère de l'astronomie des ondes gravitationnelles.
Plus de quatre décennies de recherches de pointe dans le domaine des lasers, de la technologie du vide, de la détection et de la sismologie ont contribué au succès annoncé jeudi. De nouvelles formules mathématiques ont été développées pour percer le bruit de fond du détecteur et en extraire un signal. Des milliers d'ingénieurs et de scientifiques ont résolu d'innombrables défis techniques et examiné la source initiale détectée et ses implications pendant des mois avant la première publication des résultats scientifiques.
Cette détection fait plus que vérifier simplement l'existence des ondes gravitationnelles. Un type de modélisation informatique rendue possible seulement depuis la dernière décennie a permis de prédire la forme de ces ondes à partir d'une gamme de sources astrophysiques ainsi que de divers modèles théoriques allant au-delà des équations de la relativité générale élaborée par Einstein en 1915-1916. Toutefois, la forme particulière des ondes détectées correspond exactement aux modèles einsteiniens visibles dans la fusion des deux trous noirs à 1,3 milliard d'années-lumière de distance et ayant des masses de 29 et 36 fois celle du Soleil. En outre, il s'agit de la première détection de trous noirs de masse «intermédiaire», c'est-à-dire plus lourds que la plupart des étoiles, mais plus légers que les trous noirs supermassifs qui se trouvent au centre des galaxies.
Tout comme la découverte il y a un siècle et demi que divers types de lumière forment un spectre plus vaste de rayonnement, l'étude des ondes gravitationnelles ouvre la voie à une façon fondamentalement nouvelle d'observer l'univers. Des objets tels que les trous noirs, invisibles lorsqu'étudiés à la lumière, sont détectables avec les ondes gravitationnelles. L'univers primitif, caché de la vue électromagnétique directe, pourrait être dévoilé en retraçant les vibrations primordiales de l'espace-temps causées par le Big Bang. La matière noire, qui n'émet pas de lumière, mais qui est cinq fois plus fréquente que la matière normale, peut être détectable au moyen de l'observation d'interactions gravitationnelles faibles. Ces premiers résultats ne sont qu'un aperçu de ce qui est à venir.
La confirmation étonnante de phénomènes théoriques prédits il y a 100 ans entre en contradiction absolue avec la glorification contemporaine incessante de l'irrationalisme, que ce soit par l'arriération culturelle et les préjugés religieux, ou la promotion du postmodernisme et de son rejet de la vérité objective. Elle est une justification puissante de la compréhension matérialiste du monde qu'il y a des lois objectives de la nature et que les humains peuvent les comprendre.
La percée annoncée la semaine dernière est célébrée et partagée parmi des millions de personnes à travers le monde. Les serveurs de la revue Physical Review Letters, la revue dans laquelle les résultats ont été publiés, sont tombés en panne dès les premiers instants de l'annonce de la découverte de l'observatoire LIGO, alors que les gens de tous les horizons se sont précipités pour en apprendre davantage. C'est un moment d'optimisme – surtout pour une jeune génération qui n'a connu que des guerres sans fin, l'inégalité, la pauvreté, l'austérité, l'espionnage intérieur et la brutalité policière – quant aux perspectives de progrès pour l'humanité.
Il y a aussi une compréhension instinctive que les méthodes employées pour trouver les ondes gravitationnelles et mener à d'autres progrès scientifiques et techniques pourraient aussi être utilisées pour résoudre les problèmes sociaux et économiques. Les gens se demandent, à juste titre, comment la société peut détecter un signal qui a une amplitude d'un millième de la largeur d'un proton, alors qu'elle ne parvient pas à fournir suffisamment de nourriture, de logements, d'éducation ou de soins de santé pour la population de la planète?
Il y a un contraste entre la façon dont le projet LIGO a été organisé et les activités quotidiennes du capitalisme mondial, un système social basé sur l'accumulation toujours plus grande de profits privés par des méthodes de plus en plus catastrophiques et parasitaires. Des milliers de scientifiques ont collaboré sur un projet commun dont la principale motivation est la poursuite de la connaissance et non pas l'accumulation de quantités folles de richesses personnelles. Des décisions ont été prises sur la base de critères objectifs, avec des mécanismes de rétroaction élaborés, pour se prémunir contre les erreurs commises par inadvertance, ou toute tentative de manipuler les résultats.
En contraste, regardons l'irrationalité du système d'États-nations capitaliste, avec ses guerres, ses invasions, ses bombardements et ses flots massifs de réfugiés pour qui le monde est devenu un ensemble gigantesque de cellules et de prisons. La collaboration scientifique du projet LIGO comprend des contributeurs de l'Australie, de la Chine, de l'Allemagne, du Royaume-Uni, de l'Inde, de la Russie et des États-Unis. Dans ce travail, chacun de ces scientifiques a jusqu'à un certain point rejeté les dogmes du chauvinisme national et de la réaction constamment adoptés par les élites dirigeantes de tous les pays.
Les avancées scientifiques comme celle de la semaine dernière seraient moins rares si les vastes ressources gaspillées dans la guerre et le parasitisme pouvaient être consacrées à la conquête de la connaissance du monde matériel, qu'il s'agisse de comprendre les mouvements des trous noirs d'il y a un milliard d'années ou les causes du cancer, de trouver une solution au réchauffement climatique ou de développer la production agricole.
La réalisation de ce potentiel n'est possible que par la résolution du problème social fondamental: la subordination de l'activité humaine au profit privé. Pour cela, la classe ouvrière internationale doit prendre conscience des lois objectives du développement capitaliste – qui mène inexorablement à la guerre mondiale ou à la révolution socialiste – et orienter son activité en conséquence.
(Article paru d'abord en anglais le 13 février 2016)