Les marchés boursiers mondiaux sont officiellement devenus baissiers mercredi, l’indice MSCI mondial (MSCI All-Country World Index) ayant chuté de 1,3 pour cent. L’indice a baissé de 20 pour cent depuis son pic de mai dernier. Hier, suite à de nouvelles pertes en Asie, à la fermeture des marchés européens le DAX allemand avait chuté de près de 5 pour cent, l’IBEX espagnol également, et l’indice Dow Jones américain était tombé de 250 points.
Les ventes massives se sont accélérées en début de séance vendredi, le Nikkei japonais chutant de plus de 5 pour cent directement à l’ouverture.
Ces ventes étaient le reflet d’une crise générale de la confiance dans les marchés financiers, qu’elles ont aussi aidé à catalyser; le tout sur fond de décélération rapide de l’économie mondiale, de vente au rabais massive de la dette des marchés émergents, de spirale à la baisse des prix des matières premières, et de perplexité apparente des banques centrales quant à la façon de gérer une nouvelle panique huit ans après la crise financière de 2008.
Elles ont continué aux États-Unis après un témoignage au Congrès de la présidente de la Réserve fédérale (Fed) Janet Yellen qui s’est abstenue de toute déclaration explicite sur un éventuel changement de ses plans de poursuivre l’augmentation des taux de référence au cours de la prochaine année.
Yellen a toutefois dit que la Fed n’excluait pas une réduction des taux d’intérêt au-dessous de zéro si les conditions économiques continuent à se détériorer. Si c’était le cas, la Fed suivrait la Banque du Japon qui a annoncé en janvier une baisse surprise des taux d’intérêt et la Suède qui a encore réduit jeudi son taux d’intérêt de référence en territoire négatif.
Ces mesures, associées à une fuite généralisée vers des investissements plus sûrs, ont entraîné la montée en flèche de la part des obligations à rendement négatif. Selon JPMorgan, la part des obligations d’État à rendement négatif, considéré il y a peu encore comme une simple possibilité théorique, a atteint 25 pour cent. En tout, les actifs à rendement négatif ont atteint 5,5 billions de dollars dans le monde entier.
Les ventes, qui s’intensifient, et l’incapacité apparente des banques centrales de formuler une réponse cohérente à la panique, ont déclenché une crise de confiance généralisée, non seulement dans la santé du système financier, mais encore dans la capacité des banques centrales et des gouvernements à désamorcer la crise par une politique monétaire radicalement expansionniste, leur panacée pour tous les maux économiques depuis 2008.
Un dirigeant de Citigroup a résumé ce sentiment et dit à Reuters: « L'un des nouveaux thèmes sur les marchés est que [l’assouplissement quantitatif] a endommagé les banques et qu'il aggrave ainsi l'environnement où on évite les risques. »
En d’autres termes, ces ventes de panique expriment la crainte croissante des marchés financiers que les grandes quantités de liquidités injectées dans le système financier depuis 2008 n’ont rien fait pour améliorer sa solidité en profondeur, et ont peut-être semé les graines d’un krach à une échelle plus vaste.
Mais cette fois, les banques centrales ayant dépensé beaucoup de leurs « munitions » pour garder les actifs financiers à flot pendant des années, les craintes montent quant à leur capacité à répondre à une nouvelle panique financière.
La croissance explosive des actifs financiers à rendement négatif en particulier signifie que les banques, dont l’activité principale consiste à emprunter à long terme et prêter à court terme, verront leur stress financier augmenter si les banques centrales continuent à baisser les taux d’intérêt.
Ces craintes ont malmené le secteur bancaire. L’indice S&P 500 de la finance a chuté de 18 pour cent depuis le début de l’année, ce qui fait des banques de loin le secteur le plus touché; il est affecté par un rythme encore plus rapide des ventes au rabais que dans le secteur de l’énergie et des transports, lui aussi en difficulté.
Et cela veut dire quelque chose. Les secteurs de l’énergie et des matériaux ont vu la valeur de leurs actions baisser de plus de 31 pour cent dans l’année écoulée, des « sociétés allant [en règlement judiciaire au titre du] chapitre 11 ou leurs actions se vendant maintenant à moitié prix, » a déclaré un gestionnaire de portefeuille à Bloomberg.
Entre-temps, le secteur mondial du fret et du transport fait face à des conditions commerciales qui, selon les mots de Nils Andersen, PDG de Maersk, la plus grande compagnie de fret du monde, sont « pires qu’en 2008. » La valeur de l’action de l’entreprise, qui a baissé de plus de 50 pour cent dans l’année écoulée, a perdu encore 8 pour cent mercredi.
Pendant ce temps, la perspective que la croissance économique américaine puisse en quelque sorte compenser la chute de la production mondiale s’est amenuisée encore plus cette semaine du fait que les sociétés américaines ont annoncé une forte réduction de leurs bénéfices et de leurs perspectives. Les bénéfices du S&P 500 ont chuté de 4,5 pour cent au quatrième trimestre et devraient baisser de 6,3 pour cent au cours de ce trimestre. « Le sentiment général est que l’économie américaine arrive à son maximum et que ce n’est pas la peine de parler des tendances, » a dit à Reuters le gestionnaire d’un fonds de couverture.
On peut s’attendre à ce que la chute de l’activité économique réelle pèse encore plus sur les prix du pétrole qui ont atteint des planchers de 13 ans de 27 dollars le baril et ont déclenché une nouvelle série de ventes d’actions liées aux matières premières; des « investisseurs... liquident leurs avoirs parce qu’ils ont besoin de l’argent, » comme l’a dit à Reuters un gestionnaire de placement.
Huit ans après le krach financier de 2008, il est clair que les gouvernements capitalistes et les banques centrales n’ont répondu à aucune de ses causes profondes. Au lieu de cela, ils ont injecté l’argent dans les marchés financiers et déclenché un cercle vicieux de spéculation et de parasitisme sous forme de fusions et consolidations qui ont fortement réduit la production et conduit à des licenciements massifs.
Le résultat final a été une nouvelle accélération de la croissance de l’inégalité sociale où l’enrichissement fantastique de l’oligarchie financière parasitaire est financé par la destruction massive de l’activité productive et une vaste paupérisation de la classe ouvrière.
Autrement dit, les conditions qui ont donné naissance à la crise financière de 2008 ont été reproduites sous une forme encore plus extrême, avec le risque d’un résultat similaire.
(Article paru d’abord en anglais le 12 février 2016)