Perspective

La guerre et la destruction sociale en Amérique

Alors que la crise de l’eau à Flint, dans le Michigan, continue à faire les gros titres à échelle nationales aux États-Unis, les scientifiques et les responsables de l’environnement ont révélé un des sales secrets de la vie américaine : l’empoisonnement de l’eau potable avec des produits chimiques toxiques n’est pas unique à Flint, mais a lieu dans tout le pays. 

Des comtés en Louisiane et au Texas, ainsi que les villes de Baltimore, au Maryland ; Pittsburgh, en Pennsylvanie ; Washington DC et Boston, au Massachusetts, ont tous signalé qu’un nombre important d’enfants ont été exposés à des niveaux élevés de plomb, en grande partie par l’eau du robinet. 

Cette semaine, le responsable de la réglementation environnementale dans l’état de l’Ohio, a déclaré que les réglementations nationales de l’eau « ne fonctionnent pas », affirmant qu’elles sous-estiment considérablement l’ampleur réelle de l’empoisonnement au plomb dans les villes américaines. Comme le chercheur de Virginia Tech Marc Edwards l’a dit : « En raison du dépistage truqué, Flint respecte les critères alors même que les gardes nationaux [envoyés pour faire face à cette crise, ndt] patrouillent dans la rue. » 

Beaucoup de conduites d’eau aux États-Unis ont plus de 100 ans, et un grand nombre de villes ont encore l’intégralité de leurs canalisations en plomb. 

Les raisons ne sont pas difficiles à trouver. Selon le Congressional Budget Office (Bureau du budget du Congrès), l’investissement de capitaux publics dans le réseau d’eau, déjà sous-financé depuis des décennies, a été réduit de 23 pour cent depuis son pic en 2003.

L’année 2003 est importante car elle coïncide avec le début de l’invasion illégale de l’Irak par le gouvernement Bush. La « guerre contre le terrorisme » a entraîné une vaste expansion de l’armée en même temps que des coupes continuelles dans le financement de tout ce qui n’est pas directement lié à l’accumulation de richesses par l’aristocratie financière. 

La réponse de l’establishment politique à l’empoisonnement de dizaines de milliers de personnes à Flint et potentiellement de millions d’autres à travers les États-Unis a été caractérisée par l’indifférence. Les responsables politiques, du gouverneur du Michigan Rick Snyder aux responsables locaux du Parti démocrate et au gouvernement Obama, font grise mine, font semblant de s’en occuper ou cherchent à rejeter la faute, tout en ne faisant rien pour régler le problème.

Aucun homme politique n’a réagi à la catastrophe en demandant ce qui est clairement nécessaire : l’attribution immédiate de la somme relativement modeste de 273 milliards de dollars nécessaire selon l’Agence de protection de l’environnement pour remplacer tous les tuyaux de plomb municipaux aux États-Unis. Ceci équivaut à la dépense annuelle de l’armée de terre américaine, qui n’est qu’une des quatre branches de l’armée américaine. Il n’y a tout simplement « pas d’argent » pour qu’une telle proposition soit considérée, encore moins approuvée. 

Alors que les politiciens passent au peigne fin ​​toute allocation des ressources pour les dépenses sociales, des sommes inimaginables sont mises à la disposition de l’armée, sans hésitation. Combien de gens savent que l’armée américaine débourse plus de mille milliards de dollars au bénéfice de l’entrepreneur de la défense Lockheed Martin pour financer son projet F-35 qui part à la dérive ? Ou qu’elle dépense encore mille milliards de dollars pour « moderniser » son arsenal nucléaire en faisant des bombes atomiques plus petites et plus maniables ?

Les États-Unis dépensent plus pour leur armée, comme Obama s’en est vanté dans son plus récent discours sur l’état de l’Union, que les huit pays suivants combinés. Pourtant, on en exige toujours plus. 

Le Centre d’études stratégiques et internationales (CSIS) a récemment évalué la politique dite du pivot vers l’Asie du ministère de la Défense, dont le matériel militaire a été soit acheté neuf soit délocalisé dans le Pacifique occidental pour contrer la montée économique et militaire de la Chine. Il est frappant que le rapport du CSIS ait attribué une note d’échec à l’armée américaine. Il a appelé à l’expansion et au développement de tous les aspects de la capacité de l’armée américaine dans le Pacifique pour maintenir sa supériorité en cas de guerre avec la Chine. 

Depuis le début des années 1990, l’armée américaine a opéré sur la base d’une doctrine stratégique selon laquelle elle ne permettra l’existence d’aucune autre puissance capable de contester son autorité militaire, même au niveau régional. Cela signifie que les États-Unis doivent être en mesure de déployer une telle force militaire écrasante capable de vaincre une autre puissance majeure, telle la Chine, dans une guerre conventionnelle, loin des frontières des États-Unis. 

C’est la garantie que la société américaine sera saignée à blanc dans une folle tentative de maintenir sa domination militaire, qui ne peut se terminer que par une catastrophe pour la population des États-Unis et du monde entier. 

Bien sûr, il serait simpliste de dire que la guerre est la seule cause des problèmes sociaux des États-Unis. L’élément le plus évident de la vie aux États-Unis continue d’être le gouffre immense entre les riches et les pauvres. Toutefois, la marche vers la guerre a une racine commune avec ce gouffre. 

En réponse au déclin à long terme de la position mondiale du capitalisme américain, la classe dirigeante américaine a répondu d’une part par la promotion d’une vague de spéculation financière, des fusions et acquisitions, des réductions de salaires, et le transfert de la richesse sociale de la grande majorité de la population vers ses propres poches. D’autre part, elle a eu recours à sa puissance militaire prédominante pour contrer par la force les conséquences de son déclin économique. 

Dans les priorités folles et socialement destructrices de la classe dirigeante américaine, on voit sous une forme concentrée le lien inextricable entre la guerre et le capitalisme, et en même temps le lien inextricable entre la lutte pour tous les droits sociaux de la classe ouvrière et la lutte contre l’impérialisme. 

(Article paru en anglais le 28 janvier 2016)

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