Les rues de Paris ont été la scène d'un horrible carnage la nuit dernière. Plusieurs attaques terroristes qui ont été perpétrées simultanément au cœur de Paris à partir de 22h ont tué au moins 140 personnes et fait au moins 110 blessés, dont plusieurs dizaines qui sont dans un état critique.
Tout juste avant minuit, le président François Hollande a annoncé que la France fermait ses frontières et imposait l'état d'urgence selon une loi de 1955 qui suspend plusieurs droits démocratiques fondamentaux. Plusieurs quartiers de Paris ont été mis en isolement tôt samedi matin. Les autorités ont demandé aux Parisiens de rester chez eux tandis que des hélicoptères patrouillaient dans le ciel et la police paramilitaire et des unités militaires étaient déployées à travers la ville.
Selon d'importants représentants cités dans les médias, il y aurait eu au moins sept attaques terroristes presque simultanées qui étaient vraisemblablement coordonnées:
* Au théâtre du Bataclan dans le 11ème arrondissement, 3 ou 4 tireurs armés de grenades ont pris des centaines de personnes en otage à un concert d'un groupe américain, Eagles of Death Metal.
Selon certains spectateurs qui a ont réussi à prendre la fuite, les tireurs criaient «Allah Akbar» et «C'est pour la Syrie». Des unités de la police paramilitaire RAID ont pris le bâtiment d'assaut peu après 0h30 samedi, tuant deux terroristes. Elles ont dit avoir été témoins de scènes horribles à l'intérieur, où il y avait plus de 100 morts.
* Trois bombes ont explosé dans des restaurants et un cinéma près du Stade de France au nord de la ville, où des dizaines de milliers de partisans assistaient à un match de football entre la France et l'Allemagne. Selon les premiers reportages, l'une des bombes aurait été un attentat-suicide. Toujours selon les premiers reportages, ces attaques auraient fait 4 morts et 50 blessés, dont 11 qui sont dans un état critique. Hollande, qui assistait au match à ce moment au Stade, a quitté pour rejoindre le ministère de l'Intérieur après les explosions, mais le match a malgré tout été joué jusqu'à la fin.
* Sur la rue Bichat dans le 10e arrondissement, des tireurs dans une voiture noire ont abattu 14 personnes et en ont blessé 20, dont 10 qui sont dans un état critique, en tirant sur les vitrines de plusieurs restaurants. D'autres fusillades seraient survenues aux alentours, un quartier très populaire les vendredis soirs.
* On a rapporté 4 morts et 21 blessés, dont 11 grièvement, après une fusillade Avenue de la République.
* Dix-neuf personnes ont été abattues et 23 blessées, dont 13 grièvement, rue Charonne.
* Sept personnes ont été blessées, dont 3 grièvement, lors de fusillades sur le Boulevard Beaumarchais.
* Des articles faisaient état d'autres fusillades à plusieurs autres endroits du centre-ville de Paris, y compris au Forum des Halles.
Les autorités avaient été mises au courant plus tôt dans la journée de menaces potentielles. Un appel à la bombe fait à l'Hôtel Molitor, où séjournait l'équipe de football allemande, a forcé l'évacuation de l'hôtel. La police a établi un périmètre de sécurité et fouillé le bâtiment avant de déclarer deux heures plus tard qu'il était sécuritaire.
Les chefs d'État ou de gouvernement des États-Unis, de la Grande-Bretagne, de l'Allemagne, de l'Espagne, de la Russie et de l'Inde ont tous transmis leurs condoléances officielles dans la nuit de vendredi à samedi.
Avant de participer à une rencontre du Conseil des ministres à minuit, Hollande a annoncé qu'il avait ordonné le déploiement entier des forces de sécurité et l'intervention de l'armée.
«Deux décisions seront prises: l'état d'urgence sera décrété, ce qui veut dire que plusieurs lieux seront fermés, la circulation sera interdite dans certains endroits. L'état d'urgence sera décidé sur l'ensemble du territoire. La deuxième décision que j'ai prise, c'est la fermeture des frontières afin que les personnes qui ont commis ces crimes puissent être appréhendées. Nous savons d'où vient cette attaque. Nous devons faire preuve de compassion et de solidarité, mais nous devons également faire preuve d'unité.»
Même si Hollande a affirmé que les autorités françaises «savent d'où vient cette attaque», au moment d'écrire ces lignes, aucun groupe terroriste n'a revendiqué les attentats. Selon des reportages parus dans plusieurs médias, toutefois, les attaques auraient été perpétrées par des membres de milices islamiques sunnites, soutenues par les Occidentaux, qui combattent en Syrie le régime du président Bashar al-Assad.
L'ancien directeur de la CIA James Woolsey a déclaré sur ABC News que les États-Unis, la France et d'autres pays ayant tué des hauts responsables du groupe État islamique (ÉI), «nous devons comprendre que nous sommes en guerre».
Le profond sentiment de sympathie pour les victimes et les terribles souffrances que vont endurer leurs familles ne nous enlève pas la responsabilité d'évaluer la source de cette tragédie. Si, comme cela semble probable, les attaques ont été perpétrées par des vétérans européens de l'ÉI ou d'une milice similaire, les centaines de morts et de blessés dans les rues de Paris sont les victimes de guerres impérialistes menées au Moyen-Orient pour des objectifs géopolitiques cyniques et qui tombent maintenant hors de contrôle.
Il y a douze ans, lorsque le gouvernement Bush a lancé une invasion illégale de l'Irak en 2003, le gouvernement français, prévoyant le désastre que provoquerait la guerre, a refusé d'y participer. La réintégration de la France au commandement militaire intégré de l'OTAN en 2009, suivie de la décision d'épauler les États-Unis et d'autres puissances de l'OTAN dans les guerres au Moyen-Orient en 2011, se sont avérées porteuses de conséquences désasteuses.
L'establishment politique français a appuyé des milices islamistes dans des guerres par procuration pour un changement de régime en Lybie et en Syrie, encourageant ses citoyens à adhérer à ces milices en les présentant largement dans les médias comme des «révolutionnaires» combattant Khaddafi ou Assad. Maintenant ces éléments, formés pour ouvrir le feu et lancer des grenades dans les guerres de guérilla au Moyen-Orient, rentrent à la maison. Ceci a créé un environnement politique permettant au terrorrisme de fleurir et de s'étendre rapidement, et à la guerre de s'installer en France.
«Le danger vient d'une équipe plus ou moins grosse de gars qui viennent de théâtres d'opérations où ils se sont aguerris, peut-être la Syrie, peut-être la Libye, le Yémen, qui trouvent les armes sur place [en France] et passent à l'action», confiait récemment à l'AFP Yves Trotignon, ancien des services antiterroristes de la DGSE. «Des gars décidés, prêts à mourir, qui ont étudié la cible et sont solides du point de vue opérationnel peuvent faire très mal. Le nombre de jihadistes vétérans augmente tous les jours.»
Depuis que les frères Kouachi ont lancé leur attaque terrorriste sanglante sur Charlie Hebdo en janvier, l'élite dirigeante a réagi à de tels dangers non pas en s'éloignant de la politique de guerre pour un changement de régime en Syrie, mais en renforçant les pouvoirs policiers anti-démocratiques de l'État.
Après l'annonce de Hollande, des reporters de iTélé ont dit à maintes reprises que la France est en guerre, et que de nombreuses dures mesures spécifiées dans la loi de 1955 sur l'état d'urgence seraient mises en application. La loi permet aux autorités françaises d'imposer le couvre-feu, de procéder à des perquisitions arbitraires dans les résidences privées en tout temps, de censurer la presse, d'imposer des tribunaux militaires, d'assigner des individus à résidence sans procès, de fermer des lieux publics et de saisir des armes privées.
La dernière fois que l'état d'urgence a été décrété était en 2005, lorsqu'il fut partiellement mis en place suite aux émeutes de masse provoquées dans les banlieues par l'électrocution de deux jeunes fuyant la police. Mais la dernière fois que l'État français a invoqué tous ces pouvoirs, c'était dans les années ayant suivi la promulgation de la loi, quand elle fut utilisée pour imposer un état d'urgence en Algérie dans une tentative infructueuse d'écraser le mouvement pro-indépendance contre l'ordre colonial français en Algérie.
Les médias ont rapporté que des fouilles systématiques sont envisagées dans la région de Paris plus tard aujourd'hui. Les écoles et les universités, ainsi que toutes les installations publiques de Paris, seront fermés et certains partis politiques vont suspendre leur campagne pour les élections régionales du mois prochain.