Début d'un exercice aérien de l'OTAN contre la Russie dans l'Arctique

Plus de 4000 militaires provenant de six pays de l'OTAN et de trois États non membres ont commencé un vaste exercice aérien à l'extrême nord de l'Europe lundi, orchestrant du coup l'une des plus grandes mobilisations militaires de l'année. L'exercice Arctic Challenge durera deux semaines et impliquera plus de 100 avions de combat des États-Unis, de la Grande-Bretagne, de l'Allemagne, de la France, de la Norvège et des Pays-Bas, tous membres de l'OTAN, ainsi que de la Suède, de la Finlande et de la Suisse. 

La US Air Force contribuera 12 avions de combat F-16 ainsi que des avions-radar AWACS. Les pays européens contribueront leurs propres F-16 ainsi que des avions de combat Eurofighter Tornado GR4 et Typhons. Le brigadier général norvégien Jan Ove Rygg, commandant de l'exercice, a déclaré que le but de ce dernier était de tester «l'orchestration et la conduite d'opérations aériennes complexes, en relation étroite avec les partenaires de l'OTAN».

L'exercice est clairement dirigé contre la Russie, pays limitrophe de la Finlande ainsi que de la Norvège, pays hôte de l'exercice. La Finlande et la Suède ont sonné l'alarme quant à la prétendue pénétration d'un sous-marin russe dans leurs eaux côtières au cours des derniers mois, et les tensions se sont aggravées dans toute la région en raison des actuelles provocations antirusses en Ukraine et dans les pays baltes.

Le 20 mai, cinq jours seulement avant le début de l'exercice, des avions de chasse suédois ont intercepté deux bombardiers russes Tu-22M «Backfire» au-dessus de la mer Baltique. Les hauts fonctionnaires suédois ont déclaré que les bombardiers s'étaient dirigés vers l'île suédoise de Land, au sud de Stockholm, concédant toutefois par la suite que les avions étaient restés tout au long dans l'espace aérien international.

L'exercice militaire, qui dure jusqu'au 5 juin, comprend des opérations dans le nord de la Norvège, de la Suède et de la Finlande ainsi que dans l'océan Arctique, tous des territoires à court temps de vol du nord de la Russie et de bases militaires essentielles telles que Mourmansk, le siège de la flotte russe du Nord.

L'exercice pourrait facilement déclencher une confrontation avec des avions de l'armée de l'air russe. Selon un reportage du journaliste Ahmed Rashid dans la New York Review of Books, lors d'un exercice similaire effectué en avril en Estonie, des avions russes et américains se sont frôlés à 6 mètres de distance au-dessus de la mer Baltique. Cette quasi-collision avait une «forte probabilité de causer des pertes ou une confrontation militaire directe entre la Russie et les pays occidentaux», écrit Rashid. 

L'exercice Arctic Challenge 2015 est le deuxième déploiement incluant les deux pays scandinaves non membres de l'OTAN. Il permet à l'aviation de l'OTAN d'acquérir de l'expérience opérationnelle dans l'espace aérien suédois et finlandais nordique au-dessus du cercle polaire arctique.

Cet exercice fait suite à une série d'opérations de coordination des forces terrestres, maritimes et aériennes de l'OTAN contre la Russie. L'OTAN a en effet mené des exercices de détection de sous-marins au large des côtes norvégiennes au début du mois, de même que deux grands exercices terrestres – l'opération Hedgehog, dans laquelle 13.000 soldats ont simulé une réponse terrestre à une invasion de l'Estonie par la Russie, et l'opération Lightning Strike, impliquant 3.000 soldats en Lituanie. Le mois prochain, l'exercice annuel BaltOps verra le déploiement d'un grand nombre de navires de guerre de l'OTAN en mer Baltique.

Selon le Washington Post du 16 mai: «Des entrainements se sont déroulés à travers toute la région, et la semaine dernière, des exercices distincts ont eu lieu en Pologne, en Lituanie, en Géorgie, en Estonie et en mer Baltique. Les planificateurs militaires ont dit qu'il s'agit d'une tentative de tirer de nouveaux enseignements pratiques sur la façon dont la Russie mène la guerre... Des conseillers militaires américains sont également en Ukraine pour tenter de renforcer les forces combattantes de ce pays, au moment même où la guerre y fait rage dans la partie orientale.»

Après l'Ukraine orientale, les États baltes sont peut-être le point chaud le plus dangereux entre l'OTAN et la Russie, les gouvernements droitistes des trois pays ayant intensifié leurs tensions avec la Russie en affirmant qu'ils sont les cibles imminentes d'une agression militaire russe, même si rien de ce type ne transpire en fait. Moscou a nié à plusieurs reprises avoir la moindre visée sur leurs territoires. 

Le 14 mai, les trois pays baltes ont demandé officiellement que l'OTAN institue un déploiement permanent de quelque 3000 soldats sur leur sol pour renforcer la garantie faite par le président Obama l'année dernière qu'il allait invoquer l'Article cinq de la Charte de l'Atlantique pour entrer en guerre contre la Russie dans l'éventualité d'une attaque militaire contre l'Estonie, la Lettonie ou la Lituanie. Certains pays membres de l'OTAN sont opposés à un tel déploiement, car il violerait un accord conclu entre l'OTAN et la Russie en 1997 limitant la taille des forces de l'OTAN stationnées dans les pays baltes.

Le 22 mai, la Commission européenne s'est réunie à Riga, la capitale lettone, pour des discussions avec les dirigeants de six anciennes républiques soviétiques – l'Ukraine, la Géorgie, la Moldavie, l'Arménie, l'Azerbaïdjan et le Belarus. Il s'agissait de la première réunion du «Partenariat oriental» de l'Union européenne depuis novembre 2013, lorsque l'UE a proposé un accord d'association économique au président ukrainien Viktor Ianoukovitch. C'est la décision de ce dernier de rejeter l'accord d'association qui a déclenché la campagne soutenue par les États-Unis et l'UE qui a conduit au renversement de son gouvernement par les éléments d’extrême droite qui ont maintenant la balance du pouvoir à Kiev.

À la veille de l'exercice Arctic Challenge, les chefs de la défense des 28 pays membres de l'OTAN se sont réunis à Washington pour discuter des «défis présentés par la Russie et les acteurs non étatiques», selon un communiqué de presse du Pentagone. Le général danois Knud Bartels, président de la réunion du 22 mai, a déclaré que les puissances de l'OTAN «mettent en œuvre le plus grand renforcement de notre défense collective depuis la fin de la guerre froide».

En plus des tensions avec la Russie à propos de l'Ukraine, Bartels a souligné le rôle plus important à jouer par l'OTAN en Europe méridionale, où le flux de réfugiés en Méditerranée est traité comme un problème militaire.

Le commandant suprême de l'OTAN, Philip Breedlove a dit: «Au sud, nous sommes confrontés à un ensemble différent de défis qui impliquent de multiples acteurs étatiques et non étatiques. Nos pays membres sont confrontés aux conséquences de l'instabilité qui règne en Afrique du Nord, au Sahel et en Afrique subsaharienne, ainsi que dans d'autres régions, et qui est le moteur de la migration et un terrain fertile pour l'extrémisme, la violence et le terrorisme.» 

Le Pentagone a indiqué qu'à l'automne l'OTAN effectuera l'un des plus grands exercices jamais vus impliquant les pays d'Europe méridionale. L'exercice Trident Juncture 15 mobilisera 35.000 soldats de 33 pays, ainsi que du personnel d'organisations internationales et non gouvernementales. 

(Article paru d’abord en anglais le 26 mai 2015)

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