Le premier ministre grec organise un référendum sur les mesures d’austérité exigées par l’UE

Tôt ce matin, le premier ministre grec Alexis Tsipras a convoqué un référendum pour le 5 juillet en Grèce sur l’approbation ou non du plan d’austérité exigé par l’Union européenne (UE) en échange d’une prolongation des prêts et pour éviter une faillite de l’État grec. 

Les propositions de Tsipras ont été faites après que des entretiens à Bruxelles entre des responsables de l’UE et de la Grèce ont à nouveau échoué dans un contexte de violentes récriminations. Après avoir déjà accepté d’imposer des milliards d’euros de coupes sociales, les responsables grecs ont convenu de nouvelles mesures d’austérité, y compris d’importantes réductions des retraites exigées par l’UE, le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque centrale européenne (BCE). Le ministre grec de la Sécurité sociale, Dimitris Stratoulis, a dénoncé « une humiliation absolue » du gouvernement grec et l’« esclavage et l’extermination » du peuple grec. 

Les exigences de l’UE ne sont rien d’autre qu’un ordre donné à Tsipras de répudier totalement et publiquement les résultats des élections de janvier dernier en Grèce et que son parti avait remporté sur la base de promesses de mettre un terme à l’austérité de l’UE. Lors d’un dîner jeudi soir, la chancelière allemande, Angela Merkel, et le premier ministre néerlandais, Mark Rutte, auraient dit à Tsipras de « se taire » alors qu’il réclamait plus de temps pour résoudre la crise de la dette. 

À son retour à Athènes, Tsipras a organisé une réunion d’urgence avec ses ministres. Il est ensuite apparu à la télévision nationale après minuit pour annoncer la tenue d’un référendum qu’il dit avoir discuté avec Merkel, le président François Hollande et le patron de la BCE, Mario Draghi. 

« A l’issue de cinq mois d’âpres négociation, nos partenaires ont malheureusement fini par faire une proposition qui pose un ultimatum à la démocratie grecque et au peuple grec », a dit Tsipras. Il a précisé que l’UE avait soumis la Grèce à « une humiliation et un chantage », en ajoutant que ses propositions « viol[ai]ent clairement les règles européennes et les droits fondamentaux au travail, à l’égalité et à la dignité. » 

Il proposa néanmoins que la population grecque vote sur l’acceptation ou non de ces propositions réactionnaires, qualifiant cela de « processus démocratique. » 

« Je respecterai le résultat quel qu’il soit », a-t-il ajouté. 

La proposition de Tsipras est une escroquerie réactionnaire visant à donner un vernis de légitimité démocratique au pillage des travailleurs et de la classe moyenne grecs par les banques.

Selon la proposition de Tsipras, ils peuvent soit voter pour accepter les coupes de l’UE, ce qui les plongera encore plus dans la pénurie, soit voter non et être confrontés à une coupure des crédits de l’UE et de la BCE, à la faillite de l’État grec et à un effondrement du système bancaire grec. Il s’avère en effet que des banques grecques commencent déjà à s’écrouler avant le référendum. 

Jeudi, Jens Weidmann, le président de l’influente banque centrale allemande (Bundesbank), a dit que la BCE devait s’apprêter à couper les crédits aux banques grecques. Avec les épargnants qui continuent de retirer de l’argent des banques grecques, une banque au moins – Alpha Bank – a dit avoir cessé ce matin le traitement en ligne des transactions. 

Si les banques et l’État grecs étaient totalement privés d’accès à des crédits en euros, et que la Grèce était de ce fait contrainte de réintroduire une monnaie nationale dans le but de renflouer les banques et d’éviter un effondrement financier total, la dévaluation de la monnaie grecque qui s’ensuivrait dévasterait certainement totalement le pays. Une étude réalisée par la banque suisse UBS en 2011, a jugé qu’un pays comme la Grèce pourrait subir un énorme effondrement de 40 à 50 pour cent de son produit intérieur brut l’année suivant un tel événement. 

Sav Savouri, l’économiste en chef de Tosca Fund, un fonds spéculatif basé à Londres, a carrément prédit que la sorte de la Grèce de l’euro entraînerait un « effondrement de la société civile » et l’arrivée au pouvoir d’une dictature militaire. « Chaque fois où cela s’est produit, l’armée a assumé le rôle du gouvernement », a-t-il dit. 

Il est difficile de savoir comment le référendum évoluera. Un sondage réalisé le 16 juin pour la chaîne privée Mega TV a indiqué que 56,2 pour cent des sondés voulaient rester dans l’euro et 35,4 pour cent étaient en faveur d’une sortie de l’euro. Les sondeurs ont cependant reconnu que les avis changeaient rapidement avec une progression de 10 pour cent du soutien pour une sortie de l’euro au cours de la première moitié de juin. 

La situation à laquelle la Grèce est confrontée constitue un réquisitoire dévastateur contre la faillite de la perspective pro-capitaliste de Syriza. Ayant refusé de faire appel à une mobilisation de la profonde opposition à l’austérité dans la classe ouvrière européenne, espérant plutôt que d’autres puissances de l’UE critiqueraient et adouciraient les politiques d’austérité exigées par l’Allemagne, il s’est trouvé isolé, et obligé d’imposer des réductions supplémentaires. Il est maintenant réduit à proposer un référendum qui équivaut à pointer un pistolet chargé sur la tempe du peuple grec. 

Au-delà de donner à ses manœuvres réactionnaires un vernis pseudo-démocratique, la proposition de référendum de Tsipras est une reconnaissance tacite du fait que son parti et son gouvernement sont profondément divisés et ne peuvent se mettre d’accord sur comment procéder. 

De larges sections du gouvernement dirigé par Syriza et de la classe dirigeante grecque dans son ensemble font pression pour la capitulation à ce que Tsipras a déjà reconnu être des exigences humiliantes. Après que la banque centrale de Grèce ait lancé appel à rester dans l’euro, le ministre des Finances Yanis Varoufakis a souligné vendredi que la Grèce faisait tout son possible pour satisfaire les demandes « étranges » de ses créanciers et était déterminé à rester à l’intérieur de la zone euro. 

Le Financial Times a récemment publié un article sur une soirée piscine dans les « quartiers riches et verdoyants du nord » d’Athènes à laquelle assistait une foule d'« hommes d’affaires bien nantis, politiciens, universitaires, et personnalités mondaines ». Pour ces couches pro-UE, fait remarque le FT, « la vie sans l’euro est presque inimaginable. La monnaie unique a rendu plus facile pour eux d’envoyer les enfants étudier à l’étranger et d’acheter des propriétés et des produits de luxe ailleurs en Europe. » 

Étant donné que Syriza regroupe essentiellement le même genre d’universitaires, de politiciens et de personnalités mondaines des classes moyennes supérieures, qui n’ont rien en commun avec la classe ouvrière et lui sont hostiles, des humeurs semblables sont bien représentées à l’intérieur de Syriza elle-même. 

D’autres sections du gouvernement, y compris la Plate-forme de gauche de Syriza et le parti des Grecs indépendants d’extrême-droite (Anel), envisagent une sortie de la Grèce de l’euro. Le ministre du Développement grec Panagiotis Lafazanis, un membre de la Plate-forme de gauche, a appelé les Grecs à répondre « avec un non retentissant » à la proposition de référendum d’un accord avec l’UE. 

Derrière eux se rangent d’autres sections puissantes de l’aristocratie financière grecque, notamment les magnats du transport maritime qui ont des liens étroits avec Anel. Leurs richesses ont jusqu’à présent été protégées par les dispositions de la Constitution grecque qui disposent qu’ils paient un impôt nul sur leurs revenus internationaux. Cependant, les derniers plans de l’UE comprennent des propositions visant à « éliminer les régimes fiscaux spéciaux pour l’industrie du transport maritime » et à « mettre en place un cadre fiscal efficace pour la navigation commerciale. » 

Ces mesures affaibliraient la richesse des magnats du transport maritime, qui contrôlent encore la plus grande flotte marchande du monde. Les avoirs du plus riche d’entre eux, Philip Niarchos, sont évalués à 2,5 milliards de dollars, et quatre autres magnats du transport maritime ont des actifs d’une valeur de plus d’un milliard d’euros. 

Ces divisions âpres à l’intérieur de la classe dominant grecque reflètent des divisions entre les grandes puissances impérialistes en Europe. Alors que les responsables européens ont jusqu’à présent insisté dans les négociations menées par Berlin pour qu’ils visent à maintenir la Grèce dans la zone euro, il est apparu vendredi que le Premier ministre britannique David Cameron estime que l’éclatement de la zone euro via une sortie de la Grèce pourrait être la meilleure stratégie. 

Une note diplomatique divulguée au Guardian dit que Cameron « se demandait s’il était prudent de la part d’Angela Merkel de permettre la discussion avec la Grèce d’avoir lieu au niveau [des Premiers ministres] et suggérait qu’il serait peut-être mieux pour la Grèce de quitter la zone euro pour mettre bon ordre dans son économie. » 

La seule solution pour la classe ouvrière est de définir sa politique indépendamment de toutes les factions de la classe capitaliste, dont l’ordre social a complètement échoué. La tâche essentielle est de se préparer à mobiliser la classe ouvrière en Grèce et dans toute l’Europe dans une lutte révolutionnaire contre les intrigues réactionnaires de Syriza et de l’UE. 

Les auteurs recommandent aussi : Les enjeux politiques de la crise de la dette grecque 

(Article original paru en anglais le 27 juin 2015)

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