Durant les fêtes beaucoup ont, partout dans le monde, célébré Noël en exprimant des sentiments de tolérance et de fraternité. Ils ont échangé cadeaux et cartes de voeux et ont essayé de sourire un peu plus dans le vague espoir que leur bonne volonté individuelle sortirait en quelque sorte, du moins un peu, le monde de la fange où il est enlisé.
Ces sentiments sincères sont, bien sûr, stimulés par une forte promotion du côté officiel. Toute personne de passage dans un centre commercial ou un aéroport dans une bonne partie du monde durant les fêtes aura entendu les chants de Noël répandus par des haut-parleurs exaltant «la paix sur la terre » et la « bonne volonté» et les exhortant à passer un « Joyeux Noël ».
Les fêtes sont toujours un moment où l'hypocrisie est mise à contribution par l'establishment politique, un « esprit de Noël » créé à partir de la collision entre religion et ‘merchandising’ effréné. Mais rares ont été les périodes de fêtes aussi misérables pour tant de gens et où l'esprit de tolérance et la bonne volonté prétendument incarnés par « l'esprit de Noël » se sont heurtés si manifestement à la réalité.
Jamais depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, il y a soixante-dix ans, l'absence de « paix sur la terre » n’a été aussi flagrante ou «la bonne volonté » aussi absente. De nombreuses personnalités publiques, du pape au prince de Jordanie en passant par les chroniqueurs du New York Times ont déclaré que la troisième guerre mondiale avait déjà commencé.
Le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord grouillent d’avions de combat et de drones américains qui bombardent, tuent et mutilent sans discernement, forçant des millions de personnes à quitter leurs foyers. Selon la presse le président Obama passera ses vacances penché sur de nouveaux plans d’extension des bombardements dans les régions fortement peuplées de la Syrie, ce qui augmentera radicalement les pertes civiles.
Chaque belligérant majeur des deux dernières guerres mondiales est à nouveau sur le sentier de la guerre. L’Allemagne et le Japon remilitarisent frénétiquement afin d'affirmer leur influence sur le continent européen et sur l’extrême-orient, respectivement.
Les Etats accueillent partout les millions d'êtres humains déplacés par la guerre et la pauvreté avec du fil de fer barbelé et des armes. Au moins cinq millions de personnes ont été forcées de fuir leurs foyers cette année, un million d’entre elles a cherché refuge en Europe à cause des guerres attisées par les puissances occidentales au Moyen-Orient.
Les pouvoirs européens, bastions autoproclamés de la tolérance et des droits de l’homme, ont répondu à l'afflux de gens ayant désespérément besoin d'aide en fermant leurs frontières extérieures et en forçant des centaines de milliers de gens à prendre la voie de la mer Egée. Plus de 3.000 personnes sont mortes cette année en cherchant à entrer en Europe de cette façon; un millier d’entre elles étaient des enfants.
Pour une énorme partie de l'humanité, ce Noël n’a pas été « joyeux ». En fait, il est difficile d'imaginer ces dernières décennies un Noël qui ait été aussi malheureux pour autant de gens.
Pour des millions de gens dans le monde, c’est une année de plus à être privés du bonheur de pouvoir se permettre des cadeaux et de les offrir à leurs amis et à leurs proches.
Nulle part cela est plus vrai que dans le centre mondial de la finance, aux États-Unis, où un enfant sur cinq vit dans un ménage souffrant d'insécurité alimentaire et où des millions de personnes auront du mal même à racler les fonds de tiroir pour s’offrir un repas de fête. Malgré toute la «charité» philanthropique promue par les médias, on ne peut guère imaginer une société plus anti-charitable que l'Amérique contemporaine dominée par une cruauté envers les pauvres semblable à celle décrite par Dickens.
Symbole approprié pour le «Noël en Amérique », une travailleuse de la cantine d’un collège de l'Idaho a été licenciée pour «vol» il y a deux semaines après avoir donné un repas gratuit à un enfant qui avait faim. « J’en ai mal au cœur », a-t-elle dit à une chaine d’information locale. «J’aimais vraiment mon travail, et je ne peux pas dire que je ne le ferais pas de nouveau ».
Partout dans le monde, gouvernements et médias cherchent à empêcher la compassion en attisant le nationalisme, la xénophobie, la haine communautaire et la paranoïa. Aux États-Unis, le candidat en tête à l’investiture républicaine est un bigot déclaré qui dit que les Mexicains sont des violeurs et appelle à interdire l’entrée du pays aux musulmans. La démagogie de Donald Trump a été mise en pratique quand le département d'Etat a empêché une famille musulmane britannique de monter à bord d'un avion à destination de Disney World, sans autre explication.
En Allemagne, Angela Merkel, qui a soi-disant promu la «culture de l'accueil», déclare que «le multiculturalisme est une mascarade ». En France, le Parti socialiste au pouvoir, qui cherche à inscrire l’état d'urgence permanent dans la Constitution, veut à tout prix obtenir le pouvoir de priver de la nationalité française les citoyens à double nationalité, une mesure utilisée la dernière fois en France sous le régime de Vichy durant la déportation massive des Juifs et l'holocauste.
Quiconque a observé le monde en 2015 doit s’attendre à ce que 2016 soit une année d'une violence et d’une misère sociale sans précédent. Mais les mêmes processus qui conduisent le monde au bord de la guerre mondiale, doivent aussi produire des luttes sociales de la part de la classe ouvrière.
Contrairement aux menteurs professionnels et faiseurs d'opinion de l'élite financière et à ses représentants politiques, les masses laborieuses de l'humanité prennent au sérieux les idéaux de paix et de fraternité universelle. Elles espèrent et veulent sincèrement un monde meilleur, et se battront pour l’avoir. Dans la période à venir, des millions de gens concluront qu'une lutte politique indépendante de la classe ouvrière, armée d'une perspective socialiste pour renverser le capitalisme et réorganiser la société sur une base internationaliste, est le seul moyen d’avoir « la paix sur la terre ».
(article paru en anglais le 24 décembre 2015)