Le gouvernement libéral du premier ministre Justin Trudeau a capitulé devant la campagne réactionnaire anti-réfugiés attisée par la droite suite aux attaques terroristes du 13 novembre à Paris. Au nom de la «sécurité», il impose des restrictions réactionnaires au programme d'accueil des réfugiés, excluant les hommes «qui ne sont pas accompagnés», et reportant sa promesse d'accueillir 25.000 réfugiés syriens au Canada d'ici la fin de l'année.
Quand le ministre de l'Immigration John McCallum a dévoilé le plan libéral concernant les réfugiés mardi dernier, il a annoncé que seuls 10.000 réfugiés auraient le droit d'asile au Canada jusqu'à la fin de 2015. Le gouvernement a fixé la fin du mois de février en tant que date limite pour accepter 15.000 réfugiés de plus, mais rien n'exclut que le gouvernement repousse encore plus cette date limite.
De façon tout aussi significative, MacCallum a révélé que le gouvernement avait abandonné sa promesse de parrainer les 25.000 réfugiés (incluant l'aide financière). Le gouvernement prétend maintenant qu'il parrainera seulement trois réfugiés sur cinq, laissant la responsabilité des 10.000 autres entre les mains d'organismes privés.
MacCallum a dit en fin de compte que le gouvernement allait parrainer lui-même 10.000 réfugiés de plus, «honorant» ainsi sa promesse électorale. Mais aucune date n'a été indiquée.
Quoi qu'il en soit, considérant l'échelle de la crise des réfugiés, le nombre de réfugiés accepté au Canada est dérisoire. Des millions de personnes en Syrie, en Irak, en Afghanistan et ailleurs ont été forcées de fuir la guerre et le chaos social créé par les guerres que l'impérialisme américain, avec l'appui du Canada, a menées et fomentées au Moyen-Orient, en Afrique du Nord et en Asie Centrale.
Même le gouvernement de droite de Harper avait promis pendant la campagne électorale d'accueillir 10.000 réfugiés au Canada en douze mois, ne faisant de la promesse des libéraux d'accepter 15.000 réfugiés parrainés en près de six mois rien de plus qu'une modeste modification des engagements précédents du Canada.
De plus, il a été admis que parmi les 10.000 réfugiés parrainés au privé qui arriveront au Canada au cours des trois prochains mois, beaucoup d'entre eux étaient déjà dans le système d'immigration avant l'élection. Il faut souvent un an ou plus pour que l'immigration des réfugiés parrainés au privé soit approuvée par Ottawa.
Les médias qui, avec le premier ministre de la Saskatchewan Brad Wall, les conservateurs au fédéral, le maire de Québec Régis Labeaume et d'autres droitistes, ont fait de l'agitation concernant la «menace de sécurité» posée par les réfugiés, ne pouvaient contenir leur joie après l'annonce de McCallum.
De nombreux éditoriaux et commentaires ont félicité les libéraux pour s'être inclinés devant les inquiétudes de «bon sens» concernant les menaces du terrorisme djihadiste et la rupture de leur «première» promesse électorale. Beaucoup d'entre eux ont exhorté les libéraux à s'empresser de trahir d'autres promesses électorales, en commençant par la promesse de retirer les chasseurs canadiens F-18 qui bombardent l'Irak et la Syrie
Dans une autre concession à la droite, les libéraux planifient d'imposer des fouilles de sécurité aux réfugiés à l'extérieur du pays plutôt qu'à leur arrivée au Canada. Ceci malgré le fait que les Nations unies ont déjà soumis ceux qui sont considérés pour le droit d'asile au Canada à des vérifications de sécurité.
L'abandon du plan original d'accorder aux réfugiés des visas canadiens temporaires pendant que les services de sécurité canadiens mèneraient leur propre enquête signifie que des milliers de personnes devront endurer des semaines, possiblement des mois, de plus dans des conditions horribles en Turquie, au Liban ou en Jordanie.
Le gouvernement canadien n'aurait avisé l'ONU de ses changements de plan que la semaine dernière, forçant l'ONU à revoir ses procédures pour accommoder Ottawa.
Dans les jours avant l'annonce, les libéraux ont pavé la voie à un recul sur le programme d'immigration en permettant la fuite de détails pour la presse qui ont aidé à alimenter la campagne xénophobe anti-réfugiés. Radio-Canada a annoncé que le gouvernement empêcherait l'arrivée d'hommes célibataires, permettant seulement aux femmes et aux enfants et aux hommes mariés de voyager avec d'autres membres de famille pour trouver refuge au Canada. Subséquemment, les libéraux ont proclamé qu'ils feraient une exception pour les hommes célibataires homosexuels ou transgenres.
La politique de sélection du gouvernement ouvertement discriminatoire a été accueillie à bras ouverts par la majorité des médias comme un pas «responsable» pour prévenir l'entrée au pays de jeunes hommes «radicalisés» et «en colère».
Cette politique a tout de même été largement critiquée. Afin de limiter les dégâts, un représentant de haut rang a proclamé jeudi que les hommes célibataires ne seraient pas rejetés d'emblée. Leur dossier ne sera simplement pas «priorisé».
Trudeau a tenté de légitimer ses appels aux sentiments politiques les plus arriérés et réactionnaires en disant à des journalistes de Londres en Angleterre : «L'une des choses qui ont changé avec Paris est la perception que les Canadiens ont. Les Canadiens qui s'étaient montrés extrêmement favorables et ouverts à l'idée d'ouvrir les portes à plus de réfugiés et démontré que le Canada était ici pour aider avaient certaines inquiétudes.»
Trudeau néglige entièrement de mentionner que le soi-disant changement dans les «perceptions» a été le résultat des affirmations sans fondement des politiciens et des médias de droite selon lesquelles les réfugiés représentent une menace pour les Canadiens. Pendant que beaucoup de choses demeurent inexpliquées concernant les attaques de Paris, incluant comment des extrémistes islamistes ont pu agir à la vue des agences de sécurité, les principaux acteurs du complot étant belges ou français. Aucun d'entre eux n'était venu en Europe en tant que réfugié.
L'affirmation frauduleuse selon laquelle les réfugiés posent un risque a été soulevée bien avant les attaques de Paris comme une façon de créer un climat de peur et justifier l'indifférence du précédent gouvernement à leur sort. Durant sa campagne électorale de droite, Harper a attisé l'islamophobie en exigeant l'interdiction du port du niqab lors des cérémonies de citoyenneté et en menant une campagne hystérique contre les «pratiques culturelles barbares».
En contraste, de vastes sections de la population ont répondu aux souffrances des réfugiés avec sympathie et solidarité. Des groupes de volontaires ont émergé à travers le pays pour ramasser des fonds, donner des meubles et vêtements et préparer des logements pour ceux qui arrivent sans être parrainés par le gouvernement.
L'élite dirigeante canadienne, tout comme ses équivalents dans le monde, a sauté sur les événements de Paris pour pousser la politique encore plus vers la droite. En plus de l'incitation délibérée de sentiments anti-réfugiés et islamophobes, qui ont déclenché une vague grandissante d'événements violents, des sections de l'establishment dirigeant demandent que le gouvernement Trudeau abandonne sa promesse de campagne de retirer les avions de chasse CF-18 d'Irak et de Syrie pour que le Canada ait un rôle considérablement plus important dans le conflit.
Tout porte à croire que les libéraux songent maintenant à revenir sur leur promesse concernant les chasseurs. Depuis son arrivée au pouvoir, Trudeau a soigneusement évité d'établir un calendrier pour le retrait des avions, insistant plutôt que ce serait fait de façon «responsable».
Un type d'argument similaire à celui utilisé par Trudeau pour justifier son recul sur la question des réfugiés, à savoir, que le gouvernement ne fait que réagir aux «inquiétudes du public» dans les «changements circonstances» qu'ont entraîné les attentats de Paris, pourrait bien être employé pur justifier un tel recul.
Jeudi, un conseiller de Trudeau a informé la presse que malgré l'intention du gouvernement de retirer les six avions-chasseurs, deux avions de surveillance et un avion de ravitaillement des Forces armées canadiennes continueront les opérations à partir du Koweït en appui à la campagne de bombardements menée par les États-Unis.
Même si le retrait des CF-18 avait lieu, Trudeau a déjà souligné son intention de renforcer le rôle du Canada dans la guerre au Moyen-Orient, qui bien qu'officiellement dirigée contre l'EI, vise en réalité le renversement du régime d'Assad en Syrie afin de renforcer l'hégémonie des États-Unis dans la plus importante région exportatrice de pétrole dans le monde.
Les libéraux ont déjà annoncé que la mission d'entraînement des Forces spéciales canadiennes en Irak, dans laquelle soldats ont combattu des militants de l'EI au front et coordonné des frappes aériennes, sera élargie. La détermination de Trudeau à maintenir un rôle significatif pour le Canada dans la coalition reflète le désir de son gouvernement de développer le partenariat stratégique que le Canada entretient avec les États-Unis: un message qu'il a clairement envoyé à Washington en étant fidèle à l'attitude de son prédécesseur contre la Russie en Ukraine.
L'abandon par les libéraux de leur promesse concernant les réfugiés et leur plan d'élargir le rôle du Canada dans la guerre au Moyen-Orient indique la pertinence des avertissements qu'a lancés le World Socialist Web Site pendant la campagne électorale récemment conclue. Bien que les libéraux, avec l'appui des syndicats et du NPD, se présentaient comme une alternative «progressiste» à Stephen Harper et ses conservateurs, ils sont en fait l'autre parti traditionnel de gouvernement de la grande entreprise. Lors de leur dernier passage au pouvoir, ils ont ouvert la voie à Harper en appliquant les plus importantes coupes budgétaires de l'histoire du pays et en déployant l'armée canadienne pour participer aux guerres en Yougoslavie et en Afghanistan. D'importantes sections de la bourgeoisie se sont rangées derrière Trudeau et ses libéraux lors des élections du 19 octobre parce qu'elles calculaient qu'à travers quelques changements cosmétiques, elles pourraient redorer le programme d'austérité et de guerre de la classe dirigeante afin de mieux l'imposer à une population de plus en plus en colère.
(Article paru d'abord en anglais le 28 novembre 2015)