Intervenant devant l’Assemblée générale des Nations Unies ce lundi, le président Barack Obama s’est dépeint, lui et son gouvernement, comme des défenseurs éminents du droit international et de la diplomatie. Cela au moment où les conséquences catastrophiques des guerres illégales d’agression qu’ils ont supervisées provoquent toujours des vagues de réfugiés qui fuient des pays entiers en ruines comme l’Afghanistan, l’Irak, la Libye, la Syrie et le Yémen, et au moment où Washington prend de nouvelles mesures pour transformer l’Europe de l’Est en zone militarisée en vue d’une éventuelle guerre avec la Russie.
Avec l’hypocrisie et le mépris affiché pour l’intelligence de son auditoire qui lui sont propres, Obama a salué « un système international qui impose un coût à ceux qui choisissent le conflit plutôt que la coopération. » Il a proclamé son soutien aux « principes internationaux qui ont contribué à empêcher les grands pays d’imposer notre volonté aux plus petits », et a dénoncé ceux qui soutenaient « que la force fait le droit; que les États forts doivent imposer leur volonté aux plus faibles; que les droits des individus ne comptent pas; et que dans une période de changement rapide, l’ordre doive être imposé par la force. »
Ceci vient d’un homme qui affirme le droit de son gouvernement à lancer des guerres « préventives » contre tout pays ou groupe considéré comme hostile à la campagne de Washington pour l’hégémonie sur un Moyen-Orient riche en pétrole et sur le reste du monde; qui a tué des gens par milliers dans des assassinats par drones; qui a mené une guerre non provoquée contre la Libye et a assassiné son chef, le colonel Kadhafi; et qui a armé et financé une guerre civile sectaire en utilisant les tueurs d’Al-Qaïda comme force mandataire, transformant la Syrie en une chambre des horreurs.
L’objectif principal de l’allocution d’Obama était la Syrie où la débâcle de la politique américaine est telle qu’Obama a été obligé d’abandonner sa demande antérieure d’un retrait immédiat du président syrien Bachar al-Assad. Il a proposé des pourparlers avec les principaux alliés du régime baasiste, la Russie et l’Iran, sur une « transition gérée » susceptible de conserver des éléments du gouvernement actuel tout en facilitant, finalement, un départ d’Assad.
Plus tard lundi, Obama a rencontré le président russe, Vladimir Poutine, pour discuter de la possibilité d’arriver à un tel règlement de la guerre qui dure depuis quatre ans et demi. C’était le premier face à face officiel entre les deux hommes depuis 2013, où la Maison-Blanche avait annulé des discussions avec Poutine en représailles de sa décision d’accorder l’asile temporaire au lanceur d’alerte de la NSA, Edward Snowden. Cela fut suivi, après le putsch de Kiev l’an dernier, dirigé par des fascistes, parrainé par les USA et qui a renversé le président prorusse Viktor Ianoukovitch, du gel de toutes les discussions de haut niveau. Après avoir installé le régime ultranationaliste et fascisant à Kiev, Washington a soutenu une attaque brutale des séparatistes prorusses en Ukraine orientale qui a tué des milliers de gens et dévasté des villes entières.
Les États-Unis trouvent leur position en Syrie et dans la région gravement affaiblie, malgré le meurtre de masse dans le pays – estimé à 200.000 morts sur une population de 23 millions – causé par une guerre civile sectaire initiée par Washington et ses alliés régionaux, la Turquie et les émirats semi-féodaux d’Arabie saoudite et du Qatar. L’annonce par l’Irak dimanche qu’il avait signé un accord avec la Syrie, l’Iran et la Russie pour échanger des renseignements et coordonner la sécurité dans la lutte contre les forces de l’EI, semble avoir pris Washington de court.
Cela fut précédé d’une série de développements révélant l’échec de Washington à créer une force non djihadiste « modérée » pour combattre à la fois l’EI et Assad. Ce furent la démission du commandant des forces américaines dans la guerre contre l’EI, le témoignage devant le Congrès d’un général de premier plan admettant qu’après plus d’un an et la dépense de centaines de millions de dollars, les USA avaient formé « quatre ou cinq » combattants, l’information que les rangs des combattants de l’EI augmentaient malgré les mois de bombardements des USA et de la coalition et d’autres informations que les forces entraînées par Washington en Turquie avaient fait défection ou remis leurs armes à l’affilié syrien d’Al-Qaïda, le Front al-Nusra.
De plus, ces dernières semaines ont vu une augmentation du soutien militaire russe au régime d’Assad, que Washington a été incapable de stopper.
Le résultat net de la guerre syrienne de changement de régime, irresponsable et meurtrière, de Washington a été de faire du pays une autre poudrière géopolitique où des forces militaires américaines et alliées et celles de la Russie se font face, ce qui soulève le danger très réel d’un affrontement armé et d’une guerre plus large entre puissances nucléaires. À la veille de l’assemblée de l’ONU, la France a commencé sa propre campagne de bombardements en Syrie, précisant qu’elle était prête à attaquer les forces alliées à Assad, donc potentiellement les forces russes, ainsi que l’EI. La Grande-Bretagne se prépare elle aussi à bombarder le pays plus tard dans l’année.
Ce serait une dangereuse erreur de croire que la recherche par Washington de pourparlers avec l’Iran et la Russie signifie que les États-Unis reculent devant l’utilisation de la violence militaire. Au contraire, l’affaiblissement de sa position économique et diplomatique, pousse l’impérialisme américain à accroître l’intimidation et l’agression militaire.
Cela ressortait clairement du discours d’Obama. Il a dénoncé les principales cibles de l’agression américaine. Il a appelé Assad un « tyran », accusé la Russie de violer « la souveraineté et l’intégrité territoriale » de l’Ukraine, laissé entendre que la Chine attaquait « les principes fondamentaux de la liberté de navigation et de la libre circulation du commerce » en Mer de Chine méridionale et montré du doigt l’Iran qui continuait à « déployer des forces par procuration violentes pour faire avancer ses intérêts. » Le principal soutien des tyrans du Moyen-Orient, celui qui viole souveraineté et intégrité territoriale en Ukraine, menace la liberté de navigation en Asie orientale et déploie des forces par procurations violentes est, bien sûr, les États-Unis.
Dans son hymne cynique au droit international et à la diplomatie, Obama a lancé une menace sans équivoque à toute nation qui ose faire obstacle à l’Amérique, déclarant: « Je dirige l’armée la plus puissante que le monde ait jamais connue, et je n’hésiterai jamais à protéger mon pays et nos alliés, unilatéralement et par la force là où ce sera nécessaire. »
Les préparatifs pour une escalade militaire américaine contre la Syrie et la Russie sont en bonne voie. La semaine dernière, un chroniqueur du Washington Post, David Ignatius, a fait état de discussions en cours entre responsables militaires américains et dirigeants des Unités de protection du peuple kurde (YPG) en Syrie pour que Washington intensifie son soutien militaire, dont un soutien aérien rapproché aux combattants YPG sur le terrain.
De puissantes factions au sein de l’élite dirigeante américaine et de l’État sont opposées à toute négociation avec la Russie ou l’Iran et exigent la création de soi-disant « zones refuges » contrôlés par les États-Unis et leurs alliés en Syrie et une campagne tous azimuts pour le changement de régime.
Dans le même temps, le Pentagone et la CIA intensifient leurs préparatifs de guerre contre la Russie. Les prochains jeux de guerre des États-Unis et des autres pays de l’OTAN, Trident Juncture 2015, les plus grands depuis la dissolution de l’Union soviétique, sont conçus pour préparer les forces de l’Occident à des opérations de guerre hybrides dans la région de la Baltique et au-delà.
La semaine dernière, un article paru dans le magazine Foreign Policy sous le titre: « Le Pentagone prépare de nouveaux plans de guerre pour une bataille dans la Baltique contre la Russie », déclarait : « Pour la première fois depuis l’effondrement de l’Union soviétique, le Département américain de la Défense est en train de réétudier et d’actualiser ses plans d’urgence pour un conflit armé avec la Russie. »
Enfin, les États-Unis envisagent de moderniser leur arsenal nucléaire en Europe avec des bombes nucléaires guidées B61-12, hautement sophistiquées, dont chacune est plus de trois fois plus puissante que la bombe qui a tué 130.000 personnes à Hiroshima.
Pendant des décennies, l'impérialisme américain a cherché à surmonter le déclin de sa position économique mondiale en s’appuyant sur sa suprématie militaire. Devant ses derniers revers au Moyen-Orient, cette tendance ne s’exprimera qu’avec plus de brutalité et d’irresponsabilité.
(Article paru d'abord en anglais le 29 septembre 2015)