La CIA et le commandement des Opérations Spéciales (JSOC) du Pentagone one lancé un programme secret d'assassinats par drone en Syrie, selon un article du Washington Post.
L'existence d'un programme de « tueries ciblées » est ressortie après l'assassinat le mois passé d'un citoyen britannique, Junaid Hussein, âgé de 21 ans, qui aurait été un expert informatique pour l'Etat islamique (EI).
Hussein aurait eu des liens avec l'un des deux tireurs tués par la police au mois de mai autour d'un concours pour « Dessiner Mohamed » organisé par des groupes de droite au Texas. Il aurait aussi hacké les comptes Twitter et YouTube du US Central Command, le commandement du Pentagone qui dirige les guerres au Moyen Orient et en Afghanistan. On l'avait condamné à six mois de prison en Grande Bretagne en 2012 pour avoir publié des données volées au carnet d'adresse de l'ancien premier ministre Tony Blair.
Des responsables américains ont dit au Post sous couvert d'anonymat que le programme d'assassinat par drone concernait uniquement des « cibles de haute valeur ». Ils ont insisté que Hussein était de cette catégorie parce qu'il aurait participé au « recrutement », un terme vague qui pourrait indiquer le fait qu'il était actifs sur les réseaux sociaux.
Le Post a également cité un haut responsable anonyme américain qui évoquait « d'autres victimes ces dernières semaines » du programme d'assassinat CIA-JSOC.
L'extension des tueries par drone en Syrie marque une expansion de plus d'une pratique d'assassinat que l'ONU a formellement déclaré être illégale, que l'Administration Obama avait dit qu'elle allait limiter.
En plus, elle implique la CIA, une agence civile qui par définition ne peut prétendre que ses tueries sont régies par les lois de la guerre.
Après avoir avoué qu'une frappe de drone de la CIA avait tué deux otages occidentaux, Warren Weinstein et Giovanni LoPorto, la Maison Blanche a indiqué au mois d'avril qu'elle reprendrait le contrôle des tueries par drone de la CIA et le centraliserait sous le commandement du Pentagone. A l'époque, Obama a souligné la nécessité de « transparence » du programme d'assassinat.
A présent, on découvre un front secret de plus dans la guerre secrète des drones. La CIA, loin d'être interdite d'accès à ces opérations, a rejoint sans difficulté une opération militaire américaine.
Selon des responsables anonymes cités par le Post, dans cette « approche hybride », la CIA « trouve et localise » les cibles, et le JSOC doit mener « la finition », c'ést-à-dire l'assassinat. Ces responsables ont aussi indiqué que « la coopération entre la CIA et le JSOC en Syrie est considérée de plus en plus comme un modèle qui pourrait servir dans d'autres conflits ».
Le JSOC a participé à des atrocités qui égalent ou surpassent même ceux de la CIA. En décembre 2013, il a attaqué un convoi de véhicules qui transportaient des gens à un mariage au Yémen et tué entre 12 et 17 personnes.
L'article du Post n'a pas expliqué comment Washington sélectionnait les cibles de son programme d'assassinats en Syrie. Selon des reportages précédents, Obama choisit personnellement les cibles des missiles Hellfire dans des réunions régulières de la Maison Blanche, les « mardis de terreur ». Ces assassinats sont des exécutions arbitraires, où la cible ne reçoit ni accusation ni aucune forme de procès.
L'extension du programme de meurtre par drone à la Syrie est une escalade de plus de l'intervention par Washington en Syrie, qui a transformé le pays en champ de massacres et détruit son économie et ses infrastructures. La moitié de sa population a dû fuir leurs maisons, et des millions de Syriens ont dû se réfugier à travers le Moyen Orient et en Europe.
La Syrie rejoint donc une liste de pays où Washington pratique l'assassinat par drone qui comprend le Pakistan, le Yémen, la Somalie, la Libye, l'Afghanistan, et l'Irak. La référence du Post aux « autres conflits » souligne que l'expansion planifiée par le Pentagone de sa flotte de drones (le nombre de missions doit monter d'environ 50 pour cent sur les quatre prochaines années) doit servir à élargir la portion du globe touchée par ces meurtres illégaux, avec tous les massacres et la terreur contre les populations civiles qui s'ensuivent.
Les attaques par drone CIA-JSOC ne sont qu'une petite fraction des 2.450 frappes aériennes menées par le Pentagone cette année. Cette campagne publique n'a eu que peu d'effet pour déloger l'EI des larges sections du territoire syrien ou irakien qu'il contrôle.
Les opérations CIA-JSOC semblent avoir une autre fonction, peut-être liée à une fonction antérieure de la CIA, qui était de diriger des armes et des vivres aux « rebelles » en Syrie, c'est-à-dire les milices islamistes sunnites qui servaient de forces par procuration à l'OTAN, à l'Arabie saoudite, et à d'autres monarchies réactionnaires du Golfe persique qui voulaient renverser le président syrien Bachar al-Assad.
Une campagne victorieuse d'assassinats contre des « cibles à haute valeur » de l'EI décapiterait le groupe islamiste, ce qui permettrait éventuellement à un nouveau front jugé plus acceptable par la CIA de reprendre les combattants de l'EI, que Washington pourraient alors armer.