Dans les premiers votes à être signalés dans les grandes usines, les travailleurs de l’usine d’emboutissage de Fiat Chrysler à Sterling Heights dans le Michigan, d’une usine de moulage à Kokomo en Indiana et d’un centre de pièces Mopar à Centerline dans le Michigan ont refusé le contrat poussé par l’United Auto Workers (UAW). L’accord a également été rejeté dans de petits dépôts de pièces dans le Colorado et à Los Angeles.
Cinquante-sept pour cent des travailleurs de la production et 61 pour cent des métiers spécialisés ont rejeté l’accord à l’usine d’emboutissage d’une banlieue de Detroit jeudi, selon la page Facebook de l’UAW Local 1 264. Il y a 2.000 travailleurs dans l’usine d’emboutissage de Sterling.
A l’usine de moulage de Kokomo, une source au UAW Local 1166 a rapporté au Detroit News que cinquante-neuf pour cent des travailleurs de la production ont voté pour rejeter le contrat alors que les travailleurs de métiers spécialisés ont divisé le vote 50/50. L’usine emploie 1.100 travailleurs.
Soixante-cinq pour cent des travailleurs de la production et 52 pour cent des métiers spécialisés ont voté « non » au Local 1248, qui comporte quelque 700 travailleurs au centre de distribution des pièces Mopar à Centerline, une autre banlieue de Detroit.
Environ 12.500 des 40.000 travailleurs de Fiat Chrysler Automobiles (FCA) devaient voter vendredi, dont environ 4.400 ouvriers payés à l'heure à l’usine d’assemblage de Jefferson North à Detroit et 6.000 ouvriers de plusieurs usines à Kokomo dans l’Indiana. D’autres grandes usines, y compris à Toledo, Ohio, Belvidere, Illinois et dans la région de Detroit, devaient voter ce week-end ou au début de cette semaine.
Ces votes sont une première expression de l’hostilité profonde ressentie par les travailleurs envers l’accord traître que l’UAW cherche à faire passer à toute vapeur avec peu ou pas de temps pour la discussion. L’accord prolonge non seulement le système haï de salaires à deux niveaux – qui paie les travailleurs embauchés après 2007 un peu plus de la moitié du salaire des travailleurs plus anciens – cet accord établit plusieurs autres niveaux basés sur l’ancienneté et le lieu de travail.
L’accord viole une disposition du contrat de 2011 qui permettrait de rétablir le plafond de 25 pour cent de travailleurs employés en deuxième rang par FCA et de faire passer immédiatement 7.000 des 17.000 travailleurs du deuxième rang de salaire au premier rang. L’accord actuel ne contient pas de limites du nombre des travailleurs de second rang -- qui constituent près de la moitié de la main-d’œuvre de FCA rémunérée à l’heure – et va forcer les travailleurs les moins bien payés à attendre sept ans avant d’atteindre le salaire le plus élevé de 25,35 dollars. Pour couronner le tout, les travailleurs de Mopar et d’essieux ne peuvent atteindre que 22 dollars et 22,35 dollars de l’heure, respectivement, à la fin de l’accord de quatre ans, soit 3 dollars de moins que les autres travailleurs de second rang.
Tous les salaires de deuxième rang seront sensiblement inférieurs aux 30.23 dollars que les travailleurs ‘seniors’ – ceux embauchés avant 2007 – gagneront d’ici la fin de ce contrat de quatre ans. Ces travailleurs ont subi un gel des salaires depuis dix ans, entraînant une baisse de 22 pour cent des salaires réels. Ils ne recevront qu’une augmentation de salaire de six pour cent en 2019. L’UAW et Fiat Chrysler cherchent à pousser dehors les travailleurs payés plus – à travers une combinaison des régimes d’augmentation brutale de cadences, une politique d’absences qui facilite les licenciements et les soi-disant formules de retraite volontaires – afin d’obtenir une main-d’œuvre uniformément moins payée.
En échange de la collaboration continue de l’UAW dans l’attaque des travailleurs de l’automobile, FCA a convenu d’inviter d’autres entreprises à participer à un plan qui remettrait la fourniture de prestations des soins de santé pour les employés actuels à une mutuelle gérée par l’UAW. Ce serait une extension au fonds fiduciaire de plusieurs milliards de dollars pour les soins de santé des retraités de l’UAW, un des plus grands fonds d’investissement privés du monde, et serait pour l’UAW une incitation à réduire les prestations et à imposer de plus grandes dépenses directes aux travailleurs.
Une partie de l’accord comprend un engagement pris par l’UAW et Fiat Chrysler d’imposer des franchises pour la première fois aux travailleurs de premier rang. Le syndicat et la compagnie travailleraient ensemble pour réduire les coûts, en ligne avec l’initiative du président Obama de transférer le coût des soins de santé des employeurs aux travailleurs.
Un changement par rapport aux contrats précédents, l’accord ne comprend pas les « engagements sur les produits » de la part de la société pour indiquer quelles usines resteront ouvertes et quelstravailleurs auront toujours un emploi. Alors que les promesses de sécurité de l’emploi sont régulièrement violées, la menace constante de fermetures d’usines ou de licenciements sera utilisée comme une épée de Damoclès sur la tête des travailleurs pour extraire de nouvelles concessions.
L’Automotive News rapporte que lors d’une conférence de presse vendredi dernier, Dennis Williams, le président de l’UAW, a dit que FCA était encore en train de finaliser où il allait construire ses futurs produits et que le plan n’a donc pas été inclus dans l’accord sur lequel les employés rémunérés à l’heure de FCA allaient voter. Williams a refusé d’estimer le nombre net d’emplois qui seraient créés au cours des quatre prochaines années du contrat.
La société a présenté des plans de transfert de la production des modèles Chrysler 200 et Dodge Dart au Mexique. Seules les camionnettes les plus rentables, les SUV et les « crossovers » seraient encore produits dans les usines américaines. Selon Automotive News, cela « a été communiqué oralement aux responsables de l’UAW, mais pas par écrit. »
Dans les coulisses, l’UAW collabore à la restructuration complète des activités de Fiat Chrysler afin de réduire les dépenses et de rendre l’entreprise attrayante pour une fusion avec GM ou un autre grand constructeur automobile, une mesure qui éliminerait des dizaines de milliers d’emplois.
Une disposition du contrat dit que d’ici six mois un organe commun sera fondé, qui s’appelle le « Comité local de sécurité d’emploi, de l’efficacité opérationnelle et de l’approvisionnement. » Il sera dirigé par des représentants de l’UAW et de FCA. Il examinera la « compétitivité globale » de chaque usine et élaborera « des plans visant à améliorer la qualité et l’efficacité, » qui peuvent « exiger le changement ou la renonciation à certains accords ou pratiques. » En d’autres termes, l’UAW et la direction auront le pouvoir de déchirer les contrats et les conditions locales où ils jugeront bon de le faire.
« Tout pue dans ce contrat, » disait une travailleuse de l’usine de moteurs de Chrysler à Trenton au « Bulletin des travailleurs de l’automobile » du World Socialist Web Site en arrivant à une réunion d’information à Detroit. « Les salaires, la politique d’assiduité, les changements dans lessoins de santé et plus encore. »
« C’est terrible la façon dont ils ont tout fait en cachette », a dit un travailleur ‘senior’ à Trenton. « Il y a tant de choses qu’ils cachent et dont les travailleurs n’entendent jamais parler jusqu’après le vote. Je suis dégoûté de la façon dont ils offrent des rachats d’emplois ciblés dans des usines spécifiques, au lieu d’offrir un plan global. Ils sont en train de supprimer des emplois aussi. Nous avons une équipe C qui travaille en tant que relève et n’a aucun ouvrier de métier spécialisé la moitié du temps, ce qui permet d’économiser à l’entreprise des centaines de milliers de dollars chaque année. »
« C’est tout du baratin », a dit un autre travailleur de l’usine de moteurs de Trenton. « Je suis passé par deux contrats sans aucune augmentation. Si le syndicat dit qu’il veut éliminer les deux niveaux, alors pourquoi a-t-il signé un contrat qui aboutit à six niveaux? On devrait donner à ces travailleurs des pensions et des soins de santé au lieu de primes d’encouragement à travailler encore plus dur. »
« Nous travaillons trop dur là-dedans. Il y a des violations de sécurité et ils ne font rien. L’UAW n’est pas pour les travailleurs, mais seulement pour elle-même. »
(Article paru d'abord en anglais le 25 septembre 2015)