Au moment où les résultats venaient de partout aux États-Unis, les travailleurs de l’automobile rejetaient massivement le contrat proposé entre Fiat Chrysler Automobiles (FCA) et le syndicat United Auto Workers (UAW).
Le Detroit Free Press et de nombreux travailleurs de l’automobile ont signalé que 77 pour cent ont rejeté le contrat au Local 685 à Kokomo, Indiana. L’union locale comprend plus de 7000 travailleurs de l’automobile. Des informations font état d’un rejet de l’accord à 66 pour cent par ceux qui ont voté à l’usine d’assemblage de North Jefferson à Detroit.
La liste des usines qui ont voté « non » ne cesse de croître et l’écart entre le « oui » et le « non » est grand. Parmi les travailleurs de la production, le contrat national a été rejeté à 80 pour cent à l’usine de moteurs à Trenton, Michigan; à 57 pour cent des voix à l’usine d’emboutissage de Sterling Heights dans la périphérie de Detroit; à 59 pour cent à l’usine de moulage de Kokomo, Indiana; à 72 pour cent à l’usine de façonnage de Toledo; à 65 pour cent à l’usine principale Mopar à Centerline, Michigan et largement dans les installations Mopar à Los Angeles, Atlanta et Aurora, Colorado. Bien que les travailleurs qualifiés aient rejeté le contrat en général par des majorités légèrement moins fortes, le contrat national a été rejeté dans l’ensemble des usines votant, sauf un petit « Local » où les salariés sont mieux payés, dans l’Indiana.
Le « non » retentissant au contrat est l’expression d’une hostilité généralisée aux efforts déployés par l’UAW pour faire adopter encore un autre contrat capitulard. Le syndicat a organisé les scrutins très vite après qu’un accord fut annoncé il y a moins de deux semaines, donnant à peine aux travailleurs le temps d’étudier le contrat de 1200 pages, qui a été publié la semaine dernière. Ces manœuvres n’ont fait qu’intensifier l’opposition des travailleurs de l’automobile, qui a trouvé son expression dans le fait que des centaines de personnes se sont abonné au « Bulletin des travailleurs de l’automobile » du WSWS ces derniers jours.
Tout dans le contrat est soit une concession aux entreprises soit une astuce visant à obtenir la ratification de l’accord. L’accord préserve le système haï des salaires à deux niveaux et crée les conditions pour plusieurs niveaux supplémentaires, y compris une rémunération inférieure pour les travailleurs de second rang à Mopar et pour les opérateurs des essieux. Il donne aux travailleurs de premier rang des augmentations de salaire avares qui ne tiennent pas compte de l’inflation.
Selon l’accord proposé, la mutuelle des soins de santé prévue permettra à l’UAW d’augmenter les parties payées par les employés, les franchises et les cotisations dont les détails sont systématiquement cachés des travailleurs de l’automobile. Les coûts de santé accrus rendent les « augmentations de salaire » bidon. Pour les dirigeants de l’UAW, la mutuelle va créer une autre caisse noire massive pour le rembourser de sa collaboration dans l’attaque contre les travailleurs de l’automobile.
Derrière l’accord, il y a les plans de l’UAW et de FCA de collaborer à la restructuration de l’ensemble de l’entreprise, et notamment au transfert de la production au Mexique, ce qui peut amener à l’arrêt d’équipes ou d’usines entières. FCA collabore avec l’UAW pour effectuer une fusion avec GM ou une autre compagnie automobile.
Surtout, l’UAW a rompu une promesse faite aux travailleurs en 2011 que FCA ne serait autorisé à payer des salaires de deuxième rang qu’à 25 pour cent des travailleurs. Appelant le contrat « le meilleur que vous puissiez obtenir, » le vice-président de l’UAW, Norwood Jewell, a déclaré à une réunion des travailleurs à Kokomo vendredi: « je ne peux rien à ce qu’ils vous ont dit » sur le plafond de 25 pour cent. Actuellement, près de la moitié de tous les travailleurs de la FCA ont des salaires de deuxième rang.
Des travailleurs ont parlé au WSWS sur les efforts de l'UAW de faire passer le contrat à des réunions d'information tenue vendredi à Kokomo.
« Les gens en ont marre de ne pas obtenir de réponses, » a dit un jeune travailleur. « Ils ont esquivé toutes les questions difficiles auxquelles les gens voulaient des réponses et ça a chauffé. Norwood Jones, ou comment il s’appelle, n’a donné aucune réponse légitime sur pourquoi l’UAW a ignoré le plafond des 25 pour cent de travailleurs de deuxième rang de l’accord de 2011. »
« Certaines personnes sont en colère, et avec raison, parce qu’on n’arrive pas à avoir de réponses. Les gens ont posé des questions, mais ils nous ont traités comme si nous étions stupides, comme si nous ne comprenions pas que leurs explications sont du baratin, qu’ils essaient de vendre. Une question difficile et ils descendaient la personne. Ils faisaient comme si la personne était un imbécile. « Vous ne comprenez pas, » disaient-ils. Il y avait pas mal de gens qui criaient que le contrat est à jeter aux ordures, que l’UAW ne nous représente pas. Et disaient que nous voulions des réponses. Ils ne nous donnent aucune réponse. »
Wall Street, la presse patronale et le reste de l’establishment politique craignent que les travailleurs de l’automobile ne commencent à donner une expression à une forte opposition de la classe ouvrière à des décennies d’attaques sur les salaires et des conditions de vie. Le site Web de l’industrie « inautonews.com » a appelé le « non » « troublant » et « inquiétant », tandis que le Detroit Free Press demande, d’un ton paniqué, « Que diable se passe-t-il. Pourquoi tant de travailleurs ont-ils voté contre l’accord ? »
L’UAW se pose sans aucun doute la même question. Mais pour les 150.000 travailleurs de l’automobile qui ont du mal à payer les traites, le loyer et les paiements pour leur voiture tandis que les constructeurs automobiles font des profits records, la réponse est simple: l’accord UAW-FCA est un bradage pourri.
Un travailleur de l’usine d’assemblage de Jefferson Nord disait à ceux qui faisaient campagne pour le WSWS : « Je me suis senti très encouragé que la section locale 1.264 [à Sterling Heights dans le Michigan] ait voté contre le contrat, et je prévois de faire pareil. L’entreprise, en collaboration avec l’UAW, tente de prendre tout ce que les gens qui travaillent ont. A Jefferson, ils parlent de déplacer des véhicules en production à d’autres usines comme tactique pour faire peur. Ils disent c’est le meilleur que nous puissions faire. Comme je vois, nous n’avons pas d’autre choix que de prendre position. Je ne sais pas comment nous allons faire avancer les choses, mais je sais qu’on ne veut pas de ce contrat. »
Un autre travailleur à Kokomo a dit au WSWS, « Le syndicat nous a pratiquement dit que nous avons la chance d'avoir un emploi » à la réunion d'hier. « La rencontre m'a énervé. J’étais assis là, à les écouter essayer de justifier ce contrat. Je suis parti quand Norwood Jewell parlait parce que j’en ai marre d'entendre ce baratin. »
Un troisième ouvrier de Kokomo a déclaré, « Ceci va se faire descendre en flammes. »
Ce ne sont pas seulement les travailleurs de Chrysler qui soutiennent le « non ». En commençant à prendre position contre un contrat de concession de plus, les travailleurs de Chrysler parlent pour ceux de tout le pays et du monde entier, qui aspirent à une véritable lutte contre des décennies d’attaques sur leurs droits et leur niveau de vie.
Un travailleur de pièces détachées de General Motors dans le Colorado a dit au WSWS, « Je suis d’accord avec ces gars de Chrysler et tous les autres gens dans le pays qui ont voté « non ». Je félicite les gens d’ici, de Chrysler Mopar juste au bas de la rue qui ont voté « non » eux aussi. »
Dans les mots du jeune travailleur à Kokomo, « Si ce contrat est accepté, nous donnons le ton non seulement pour les travailleurs de l’automobile, mais pour tous les travailleurs. Tout va être affecté par cela. Nous allons créer un précédent. Comme les enseignants – nous n’avons même plus beaucoup d’enseignants parce qu’ils ont démantelé l’éducation publique, enlevant des emplois d’enseignants et ajoutant bien plus de travail pour chaque enseignant. Je peux seulement imaginer quand j’aurai des enfants ce que l’école va être pour eux. »
Il y a encore un certain nombre d’usines qui voteront sur le contrat au cours du week-end et au début de la semaine prochaine, dont les travailleurs de l’usine d’assemblage de Toledo et de Belvidere, Illinois. À ce stade, cependant, si l’UAW retourne un vote « oui », il ne peut être que le résultat d’une fraude de la part du syndicat.
Les travailleurs ne doivent avoir aucune illusion que l’UAW va répondre à un vote « non » en négociant un meilleur contrat. Le syndicat marche main dans la main avec les constructeurs automobiles et fera tout son possible pour forcer l’acceptation d’un contrat qui renforce les bénéfices des entreprises, tout en assurant les intérêts des dirigeants de l’UAW – au détriment des travailleurs.
Pour mener à bien la lutte, le WSWS exhorte les travailleurs à prendre l’initiative en construisant des comités de base, indépendamment et en opposition à l’UAW, de lancer une offensive industrielle et politique contre les compagnies automobiles, leurs alliés dans les syndicats et l’ensemble du système de profit capitaliste.
(Article paru d'abord en anglais le 26 septembre 2015)