La France recrute massivement pour son armée

Dans le contexte d'une militarisation rapide de toute l'Europe et d’une escalade des tensions sociales, la France lance un programme de recrutement massif pour ses forces armées. 

Le général responsable du recrutement de l’armée de terre, Frédéric Blachon souligne qu’il s’agit « d'une année exceptionnelle pour le recrutement. Il faut remonter cinq ans en arrière pour retrouver la même quantité de jeunes à recruter ». 

Au total, l’armée de terre recrute 11000 militaires supplémentaires sur deux ans, 5000 en 2015 et 6000 en 2016. 3000 jeunes sont attendus dans la marine, 400 dans l’armée de l’air cette année et 1000 dans les forces spéciales pour 2019. Le ministère de la Défense voudrait compter d'ici à 2019 sur 4300 réservistes civils formés à réagir à une attaque informatique massive. 

Le gouvernement compte aussi sur une plus grande utilisation des 56.000 réservistes. Le nombre de jours où ils seraient appelés à la surveillance du territoire passerait de 5 à 10 jours. 

Pour attirer les jeunes qui ont entre 17 et 29 ans, l'armée de terre a mis en place une machine de communication: compte Twitter suivi par plusieurs milliers de personnes, clip vidéo diffusé à la télévision et au cinéma, site internet, affiches, et une équipe chargée jour et nuit de répondre aux questions de futures recrues potentielles sur les réseaux sociaux. Cette campagne massive de recrutement de jeunes se fait sans que la population n’ait été informée des réelles motivations qui poussent l’armée à recruter à cette échelle. 

Cette campagne fut facilitée par la rallonge financière obtenue par l’armée suite aux attentats contre le journal Charlie Hebdo et l’Hypercacher. Le parlement a voté en juin un supplément de dépenses militaires de € 3,8 milliards entre 2015 et 2019, ce qui porte le budget total de la Défense pour cette période à €162,4 milliards. 

L'augmentation extraordinaire des effectifs s’explique en partie par la multiplication des guerres en Afrique et au Moyen Orient, par lesquelles l'impérialisme français essaie de reconquérir son ancien empire colonial. Dans le Livre blanc préparé pour le gouvernement PS en 2012, il était écrit: « L’évolution du contexte stratégique pourrait amener notre pays à devoir prendre l’initiative d’opérations, ou à assumer, plus souvent que par le passé, une part substantielle des responsabilité impliquées par la conduite de l’action militaire ». 

Ce livre blanc confirmait aussi l’alignement de la France sur Washington en ce qui concerne les préparatifs de guerre contre l’Iran, la Russie et la Chine. L’armée de l’air bombarde l'Etat islamique en Irak et s’apprête à le faire en Syrie, la marine française intervient dans l'Océan Indien, et la France intervient au sol dans plusieurs pays africains, y compris avec des assassinats ciblés. 

L’augmentation du budget militaire et des effectifs de l’armée a lieu dans un contexte de militarisation à outrance de toute l'Europe. Onze pays européens avaient augmenté leurs dépenses militaires en 2013 et 2014, dont la Pologne (14,33 pour cent), la Hollande (2,6 pour cent) et la Suède (7,18 pour cent). La France est aussi inquiète de la remilitarisation de l’Allemagne, qu'évoque le document qui justifie la rallonge budgétaire de l’armée. 

Le contexte international à lui seul ne suffit pas à expliquer la militarisation de la France. La bourgeoisie se prépare aussi à d’immenses conflits sociaux qui sont la conséquence de l’accroissement des inégalités sociales dû aux politiques d’austérités de la classe dirigeante. 

Dans une étude réalisée par l’Institut d’Etudes de sécurité de l’Union européenne, les auteurs ont carrément déclaré que face à ces développements, il faudra utiliser l’armée de plus en plus fréquemment pour maintenir l’ordre et protéger les riches de la colère des pauvres. 

« Dans le cadre de la politique étrangère et sécuritaire conjointe, les responsabilités de la police et des forces armées sont de plus en plus fusionnées et les capacités de lutte contre les protestations sociales renforcées. Mais, en vertu de l’article 222 du traité de Lisbonne, un fondement juridique a été créé pour le déploiement de l’armée et d’unités paramilitaires à l’intérieur d’Etats de l’UE en crise », déclarent-ils. 

Tomas Ries, directeur de l’Institut suédois des Affaires internationales considère que la menace principale à la « sécurité » est le « conflit entre les classes socioéconomiques inégales dans la société mondiale » qui seraient « des tensions verticalement asymétriques dans le village mondial. » Pour dire les choses simplement, la principale « question sécuritaire » est la lutte des classes dans l’économie mondiale mondialisée. 

Ries prévient que dans les années à venir, l’armée devrait être déployée de plus en plus fréquemment sur le plan intérieur. En raison de ces tensions, écrit-il, on fera appel plus fortement à un « travail de police » qui sera effectué par l’armée. 

Les déclarations de Ries montre les réelles intentions du gouvernement français et de l’armée lorsque le général Blachon déclare « Il (le soldat) doit être capable très rapidement de basculer d'un système où on va lui demander d'être capable de contrôler une zone à un dispositif dans lequel il va être totalement mêlé à la population ... ». 

Après les attentats contre Charlie Hebdo, un important dispositif militaire de 7000 soldats a été déployé en France.

Les soldats « mêlés » à la population seront amenés à surveiller la population et à réprimer des manifestations ou des grèves, comme lors des émeutes à Ferguson aux Etats-Unis, où les policiers étaient d’anciens soldats équipés d’armes de guerre.

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